En 2018, qu'est-ce qui fait encore rêver les futurs flics ?

Anaïs Condomines
Publié le 26 janvier 2018 à 12h21
En 2018, qu'est-ce qui fait encore rêver les futurs flics ?
Source : AFP / Illustration

POLICE - L'année 2017 a été marquée par une brutale vague de suicides parmi les policiers et gendarmes, par l'agression d'une gardienne de la paix à Champigny-sur-Marne ou encore par l'affaire Théo. Un contexte difficile qui a de quoi ébranler la vocation des aspirants policiers. Nous avons recueilli le témoignage de deux apprentis fonctionnaires de police, en école à Reims.

Les derniers chiffres remontent à il y a deux ans. Selon un sondage pour Le Parisien-Aujourd'hui en France, plus de 8 Français sur dix (83%) avaient, en janvier 2016, une "bonne opinion de la police", dont 22% "une très bonne opinion". Une profession largement admirée, dans le sillage des attentats de Charlie Hebdo puis du Bataclan, qui voyait même les mots "confiance" et "sympathie" lui être spontanément associés, toujours selon cette étude. 

Et puis, il y a eu 2017. L'"affaire Théo", survenue le 2 février, met en lumière le témoignage d'un jeune homme disant avoir été violé avec une matraque lors de son interpellation. Il devient à lui seul le symbole des revendications contre les violences policières, avant d'être rejoint, quelques mois plus tard, par la famille d'Adama Traoré, décédé en garde à vue - à la gendarmerie, cette fois-. Parallèlement, apparaît ce chiffre, terrible : entre janvier et novembre 2017, 62 personnels des forces de l'ordre se sont suicidés, parmi lesquels 46 policiers et 16 gendarmes. 

Enfin, à ce sombre tableau vient s'ajouter un fait divers, vidéo à l'appui : c'est l'affaire de Champigny-sur-Marne, au cours de laquelle une policière est prise à partie et agressée gratuitement, dans la nuit du Nouvel An. Des événements différents mais qui soulèvent une seule et même question : en 2018, la vocation des futurs policiers est-elle mise à rude épreuve ? En d'autres termes, qu'est-ce qui pousse encore à devenir flic ? 

Les attentats m'ont marquée
Emilie

Emilie et Guillaume, âgés respectivement de 22 et 23 ans, sont élèves gardiens de la paix à l'école nationale de police de Reims. Ils pourraient faire partie de cette génération de jeunes policiers qui se sont engagés après les attentats de Charlie Hebdo, à ceci près que leur vocation, leur envie de porter l'uniforme, remonte à bien plus longtemps. "Forcément, les attentats m'ont marquée" nous explique Emilie. "Mais j'avais envie depuis toute petite de travailler dans la police. En fait, j'ai toujours eu une admiration pour la justice et les métiers des forces de l'ordre. Donc ces événements m'ont confortée dans mon envie d'y aller, mais n'ont pas été ma motivation première."

"On a ça en soi" plussoie Guillaume, qui a déjà derrière lui une expérience de gendarme adjoint et de pompier volontaire. "Les attentats m'ont renvoyé à mon futur métier, je me suis dit qu'il y avait encore plus de responsabilités, que les gens comptaient vraiment sur nous. Mais chez moi, l'idée de cette carrière s'est développée dès le collège. À la base, j'avais envie de me tourner vers les autres." 

Des regards bienveillants, d'autres moins

"Se tourner vers les autres", "aider", "protéger". De hautes valeurs répétées par les deux apprentis policiers comme un leitmotiv. Mais concrètement, comment navigue-t-on dans cette ambivalence permanente, entre valorisation d'un métier vénéré par une large partie de la population et graves affaires de violences impliquant des policiers, aussi bien du côté des victimes que des mis en cause ? Emilie et Guillaume, tous les deux, évoquent la nécessité d'un "respect" inconditionnel "envers les personnes, quelque soit leur comportement", ainsi qu'une forme de "dépassement de soi, face à des regards qui sont bienveillants, et d'autres qui le sont moins". 

"L'affaire de Champigny ne m'a pas donné envie de faire marche arrière" reprend Emilie. "Cela rappelle que le métier de policier présente des risques de manière quotidienne, qu'il ne faut jamais baisser la garde. C'est aussi ce qu'on apprend à l'école." Guillaume, lui, laisse poindre l'idée selon laquelle cette forme de violences n'a rien de nouveau : "Ce sont les aléas du métier, qui ont toujours fait partie du métier. On se dit qu'on peut soi-même y être confronté. D'ailleurs, j'ai souhaité intégrer la police nationale tout en sachant que c'était un métier à risques."

Un métier à risques particulièrement exposé aux suicides, comme l'a démontré la récente actualité. Le nombre important de gendarmes et policiers qui se sont donné la mort en 2017 a-t-il ébranlé les convictions de nos jeunes aspirants ? Quand on leur pose la question, ceux-ci préfèrent rappeler la "grande famille" que forme la police, et la possibilité de confier ses difficultés aux collègues. Mais ils répètent, convaincus : "On est conscient de vouloir faire un métier difficile qui ne s'arrête jamais vraiment : quand on est policier, c'est du matin au soir, et même la nuit."

Des policiers "pas au-dessus des lois"

Quant aux récentes affaires de violences policières, elles semblent bien présentes dans l'esprit des futurs fonctionnaires de police. Ce qu'ils en retiennent, visiblement, c'est l'idée d'un cadre strict, de règles formelles qui s'appliquent à toutes et tous... eux compris. "A l’école on apprend à savoir intervenir dans différents cadres" détaille Guillaume. "Dans le cas de violences, on est encadrés par l’IGPN, on est surveillés et jugés, on ne peut pas faire n’importe quoi. Au même titre qu’un citoyen lambda, on sera sanctionné." "La légitime défense est encadrée, aussi bien par la hiérarchie que par l’autorité judiciaire" poursuit Emilie. "C'est le rappel que les policiers ne sont pas intouchables, qu'ils ne sont pas au-dessus des lois." 

Des principes qui seront mis à l'épreuve du terrain. En ce qui concerne Emilie et Guillaume, c'est pour bientôt. Dans deux mois, ils pourront entrer en stage de "service actif" et se confronter à la réalité d'un métier qui continue malgré tout de fasciner. En mars 2016, le nombre de candidatures au concours de recrutement des gardiens de la paix a explosé, à hauteur de 50%. 


Anaïs Condomines

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