Un policier a affirmé ce dimanche que le droit français empêche les agents d'intervenir s'ils assistent à un crime.Le syndicaliste réagissait à la mise en examen pour "homicide volontaire" de leur collègue qui a tué deux hommes lors d'un contrôle à Paris, le 25 avril.Selon tous les pénalistes interrogés, c'est au contraire le devoir du gendarme et du policier d'intervenir.
La mise en examen d'un policier qui a tué deux personnes lors d'une patrouille sur le Pont-Neuf, dans la capitale, a remis dans le débat la notion de légitime défense pour les policiers. Car pour certains syndicats, cette décision judiciaire est "inadmissible". Parmi eux, le syndicat France Police - Policiers en colère, dont le Secrétaire Général adjoint a vu dans cette mise en examen le signe qu'en France, seuls "deux choix existent pour les policiers qui veulent sauver leur vie et celle d'autrui : la prison ou la morgue".
Dans une publication sur les réseaux sociaux, le gardien de la paix a même cité un cas de figure particulièrement parlant. Celui d'une fillette qui se ferait violer dans le train. "Puis-je sortir mon arme ? Non. Puis-je porter les premiers coups ? Non", écrit-il. Un exemple qui a immédiatement fait sursauter certains juristes, dont un avocat au barreau de Paris. Selon lui, non seulement le code Pénal "permet d'intervenir", il en fait même une "obligation". Mais derrière cet exemple provocateur, quel est le pouvoir d'action des policiers face à un crime ?
Une riposte obligatoire mais "proportionnée"
Pour Marion Ménage, les choses sont claires. "C'est du n'importe quoi". "Ce n'est pas que le policier ne peut pas intervenir. C'est qu'il doit intervenir", confirme l'avocate pénaliste dans le Val-d'Oise. Une version corroborée par sa consœur, Anne-Sophie Laguens. Auprès de TF1 Info, l'avocate au barreau de Paris décrit même un "mécanisme grossier" utilisé par le syndicaliste pour tromper l'opinion publique. "En invoquant le viol d'une enfant, l'auteur du tweet a clairement voulu créer de l'émotion sans passer par la case raison", analyse-t-elle.
Non seulement l’article 122-5 du code pénal vous permet d’intervenir mais l’article 223-6 vous en fait l’obligation. Il est urgent de former les syndicalistes policiers au droit pénal (ceux de terrain le connaissent, Dieu merci). https://t.co/waOcRkGvht — Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) May 2, 2022
Car "son exemple est parfaitement faux", et va même "à l'encontre des devoirs de la police et de la gendarmerie", selon notre interlocutrice. De fait, comme pour tout autre citoyen, ne pas intervenir face à une telle situation peut être considéré comme "non-assistance à personne en péril", rappellent les deux avocates, citant l'article 223-6 du Code pénal. S'abstenir "volontairement" de le faire peut même être puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
Une obligation qui s'impose d'autant plus quand on est policier. L'article R434-1 du Code de la Sécurité intérieure "impose aux policiers, même s'ils sont hors service, d'intervenir face à un crime ou un délit", rappelle ainsi Me Ménage. Et ce, même avec leur arme. L'article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, modifié par la loi de 2017, autorise les forces de l'ordre à porter leur arme hors service et à l'utiliser en cas de "nécessité et de manière strictement proportionnée".
Un policier doit donc intervenir et peut même intervenir avec son arme. L'interprétation d'un article de loi pourrait-il laisser penser le contraire ? Non, selon nos deux interlocutrices. "Les textes sont limpides", affirme Anne-Sophie Laguens. Simplement, il faut se plier à l'exigence de proportionnalité. La légitime défense, qu'elle soit envers elle-même ou autrui, ne peut pas être invoquée "s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte".
La mise en examen est une "procédure normale"
C'est d'ailleurs ce qui explique la mise en examen pour meurtre d'un agent après une intervention au Pont-Neuf, dans la capitale, le 25 avril dernier. Revenant sur cette affaire, les deux avocates s'accordent ainsi à dire qu'il s'agit d'une "procédure normale". "Pour savoir si l'on peut ou pas retenir la légitime défense, il faut bien repérer les impacts de balle, procéder à une autopsie des corps, … Et donc, ouvrir une instruction", nous explique l'avocate qui exerce à Pontoise. Qui précise qu'il est même "dans l'intérêt du policier"de voir une instruction s'ouvrir. "Il pourra s'expliquer et exposer le cadre et les conditions de la légitime défense dans lesquels il s'est placé quand il a fait usage de son arme". Le non-lieu sera alors "d'autant plus légitime" qu'il interviendra à l'issue d'une information judiciaire.
En résumé, cette publication est complètement "hors de propos", pour reprendre l'expression de Me Laguens. Auprès de TF1 Info, l'avocate relève par ailleurs "mal comprendre" le positionnement de cet agent, qui oppose dans son tweet la police et la justice. "Au-delà de mal comprendre les textes de loi, c’est mal comprendre le principe des choses". Principe dans lequel "l'un est au service des autres."
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