Depuis jeudi 9 juin, la question de la suppression des vidéos de surveillance prises le soir de la finale agite la classe politique.Faute de réquisitions judiciaires, la RATP et le Stade de France n'ont pas sauvegardé les fichiers.Politique et justice espèrent, encore, pouvoir récupérer les images.
Deux semaines après les incidents du Stade de France, la finale de Ligue des Champions n'en finit pas de faire parler. Et ce, pour des questions bien plus politiques que sportives. Après les violences, les vols et les faux-billets se sont ajoutés les suppressions des images de vidéosurveillance tournées le soir de la rencontre entre Liverpool et le Real Madrid. Episode par épisode, on refait la chronologie de cette polémique dans la polémique.
Episode 1 : le 25 février, l'UEFA relocalise la finale à Paris
Au lendemain de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'instance européenne du football annonce son choix de changer le lieu de la finale de la Ligue des Champions. Initialement prévue à Saint-Pétersbourg, la rencontre est finalement confiée à la France. "Il n'y a pas beaucoup d'endroits avec les bonnes infrastructures, les hôtels, les aéroports... Il m'est venu à l'esprit que Paris pourrait être un bon choix, parce que la ville n'avait pas accueilli la finale depuis longtemps (2006) et parce qu'il est symbolique que cet événement soit organisé dans la capitale du pays qui préside actuellement le Conseil de l'Union européenne... Nous avons contacté les services du président Emmanuel Macron parce que nous voulions avoir le soutien du gouvernement (...), et le soutien a été immédiat", a expliqué le président de l'UEFA Aleksander Ceferin. Les autorités françaises disposent alors de trois mois pour organiser au mieux le match d'un point de vue sportif et policier.
Episode 2 : le 28 mai, un coup d'envoi retardé de 36 minutes
36 longues minutes d'attente. Alors que le coup d'envoi devait être donné dès 21h, les spectateurs présents dans le Stade de France, comme le public présent devant sa télévision, est contraint d'attendre une grosse demi-heure avant que la rencontre ne débute. D'abord une première fois, à un peu plus de dix minutes du coup d'envoi. Dans les premiers instants, l'UEFA évoque "des problèmes d'accès des supporters au Stade". Puis d'une bonne demi-heure. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin accuse "des milliers de supporters britanniques" d'avoir "forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers". La polémique est lancée.
Episode 3 : Les "40.000 faux billets" de Gérald Darmanin
Deux jours après le fiasco, le ministre de l'Intérieur et la toute nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, tiennent une conférence de presse. Au cours de la prise de parole du 30 mai, Gérald Darmanin évoque la présence de 70% de faux billets chez les supporters de Liverpool venus assister à la rencontre. Le locataire de la place Beauvau considère qu'il s'agit là du "mal racine" des événements survenus dans la soirée. Il dénonce, par ailleurs, "une fraude massive et organisée de faux billets" en évoquant "30 à 40.000" fausses contremarques. Le lendemain au 20H de TF1, revenant à nouveau sur un chiffre qui laisse de nombreux observateurs sceptiques, Gérald Darmanin indique s'être appuyé sur les chiffres de la Fédération française de football.
Episode 4 : face aux sénateurs, Gérald Darmanin évoque des vidéos
Auditionné le 1er juin par les commissions des Lois et de la Culture, le ministre de l'Intérieur répète l'argument d'une fraude massive. "D'après la FFF et le Stade de France, entre 57 et 70% des billets étaient faux. Beaucoup n'avaient également pas de billets", raconte-t-il aux sénateurs. Gérald Darmanin maintient que près de 40.000 personnes supplémentaires sont allées au stade. Selon le ministre, il s'agissait principalement de supporters anglais."Dès 22h45, ou 22 h 52 d’après la SNCF, selon des images de vidéoprotection que je ne peux vous fournir pour des raisons de protection des libertés (...) les quais du RER, notamment de la station La Plaine-Stade de France, étaient pleins de maillots rouges", expliquait-il. Probablement, le ministre évoquait cette fois les captures de vidéosurveillance de la SNCF. Des milliers de supporters "ont quitté les abords du stade pendant la mi-temps notamment. (Les présidents des commissions, ndlr) pourront regarder les images qui le démontrent, prises par les caméras de vidéoprotection", avait-il assuré.
Episode 5 : les vidéos du Stade de France ont été supprimées
Cette annonce, qui intervient le 9 juin, fait l'effet d'une bombe. Répondant au sénateur Jean-Jacques Lozach, le directeur des affaires institutionnelles de la Fédération française de football Erwan Le Prévost souhaite apporter "un élément de réponse" sur la vidéosurveillance. Il indique que les images sont disponibles pendant sept jours. Au bout de cette période, elles sont automatiquement détruites. La seule façon [pour les conserver], c'est que nous aurions dû avoir une réquisition pour les fournir (à la justice, ndlr)".
"Ce que je peux vous livrer, c'est le sentiment que Didier et moi-même nous avons eu en étant au PC Sécurité tout au long de la journée, c'est que les images sont extrêmement violentes", déclare le cadre de la FFF, pour le plus grand étonnement du sénateur Laurent Lafon. Rappelons que le dispositif de vidéosurveillance du stade de France s'appuie sur 220 caméras.
Vidéosurveillance au stade de France : « Les images sont disponibles pendant sept jours. Elles sont automatiquement détruites. On aurait dû avoir une réquisition pour les fournir aux différentes populations. » @LeprevostLe #Sénat #FFF pic.twitter.com/xT4TMuKAbv — Public Sénat (@publicsenat) June 9, 2022
Episode 6 : le mea culpa du préfet Lallement
Près de deux semaines après le fiasco, le préfet de police de Paris Didier Lallement est, lui aussi, entendu au Sénat le 9 juin. Ciblé par l'opposition, il qualifie "d'échec", la gestion policière, le soir de la finale de la Ligue des Champions. Celui-ci reconnait, par ailleurs, "l'image ébranlée" de la France. "Je suis le seul responsable opérationnel de l'ordre et de la sécurité publique sur l'agglomération parisienne. J'assume donc en totalité la responsabilité de la gestion policière", poursuit-il. Après l'audition, plusieurs élus regretteront le manque de réponses précises et le flou sur l'estimation de l'afflux supplémentaire de personnes.
Episode 7: la RATP, aussi, a supprimé des vidéos...
Trois jours après la rencontre et alors que la polémique enfle encore, l'opérateur parisien des transports - la RATP - aurait supprimé automatiquement les images tournées le 28 mai autour du Stade de France, notamment dans la ligne 13 du métro, selon une déclaration de l'entreprise à l'AFP effectué le 10 juin. Cette suppression est, comme avec le dispositif du stade de France, automatique, et intervient cette fois tous les trois jours. Cet écrasement n'a pas pu être bloqué, faute de réquisition de la part de la justice. Et ce, malgré le fait qu'une enquête ait été ouverte dès le 30 mai. De son côté, la SNCF prend la décision, dès la survenue des événements, de conserver les images. Comme la loi l'y autorise, pour une durée de 30 jours.
... la SNCF a conservé les siennes !
Comme pour les autres acteurs de ce feuilleton, les images de vidéoprotection de la SNCF "sont normalement effacées automatiquement au bout de trois jours". Mais la compagnie ferroviaire, qui dispose d'un vaste réseau de caméras - sur le RER B et D - a finalement pu conserver les siennes : "Dans le cas des événements au Stade de France, l'effacement automatique des images a été bloqué et elles ont fait l'objet aujourd'hui (vendredi) d'une réquisition par les autorités judiciaires", a assuré un porte-parole de la SNCF.
Episode 8 : les politiques s'en mêlent
L'opposition pilonne dans l'affaire des violences aux abords du Stade de France. Les ministres Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti se voient reprocher de ne pas s'être assurés que toutes les images de vidéosurveillance seraient conservées, voire d'avoir intentionnellement omis de le faire pour "couvrir" de supposés "mensonges".
Episode 9 : La justice demande les vidéos... malgré leur destruction
Vendredi 10 juin, le parquet de Bobigny indique à l'AFP découvrir que les "images ne seraient pas conservées un mois, durée légale maximum autorisée, mais seulement quelques jours". La veille, en dépit de cette suppression, la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) de la police judiciaire parisienne, chargée par le parquet de Bobigny d'enquêter sur la fausse billetterie le soir de la finale Real Madrid-Liverpool, a "sollicité" officiellement le Stade de France pour obtenir d'éventuelles vidéos.
Une source proche du dossier explique avoir "toujours espoir" de les récupérer, sans plus de détails. (ce qui se révèle très compliqué, voire impossible, comme nous vous l'expliquions ici). En revanche, celles de la préfecture de police ont été "sauvegardées".
Ce même jour, un premier rapport gouvernemental pointe les dysfonctionnements au sein de la police comme chez les organisateurs ayant mené au fiasco de la finale de Ligue des champions au Stade de France. À 777 jours du coup d'envoi des JO à Paris, la Première ministre Elisabeth Borne a chargé le ministre de l'Intérieur et la ministre des Sports de "mettre en œuvre sans délai" les recommandations de ce rapport, a indiqué Matignon dans un communiqué.
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