Gendarme tué en Guyane : pourquoi la lutte contre l’orpaillage illégal est si compliquée

Publié le 31 mars 2023 à 9h00
JT Perso

Source : JT 20h WE

Emmanuel Macron doit présider ce 31 mars un hommage national au gendarme Arnaud Blanc.
Celui-ci a été tué en Guyane le 25 mars dernier lors d'une opération de lutte contre l'orpaillage illégal.
Depuis 2008, de grandes opérations de démantèlement sont menées sur ce territoire sans que ce phénomène soit totalement enraillé.

L'orpaillage illégal continue d'endeuiller les rangs de l'armée. Un hommage national présidé par Emmanuel Macron doit être rendu ce vendredi 31 mars au maréchal des logis-chef Arnaud Blanc, membre du GIGN. Ce sous-officier de gendarmerie a été tué le 25 mars dernier en Guyane dans le cadre d'une opération menée contre l'orpaillage illégal. Sa mort vient mettre en lumière une lutte ancienne menée contre l'extraction illégale d'or, que d'importants moyens humains ne parviennent toujours pas enrailler dans ce territoire ultramarin.

500 sites illégaux toujours actifs

Depuis 2008, d'importants moyens ont été déployés, avec un soutien de l'armée aux côtés de la gendarmerie, déjà mobilisée contre ce fléau, générateur de pollution et de violences sur ce territoire. De grandes opérations de démantèlement des sites d'orpaillage illégal dans le cadre de la mission Harpie, lancée par Nicolas Sarkozy, alors chef de l'État, ont été menées régulièrement. Au début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le volet répressif a encore été renforcé. De fin octobre à début décembre 2022, jusqu'à 500 militaires avaient été mobilisés pendant sept semaines afin de "neutraliser" les principaux sites clandestins d'extraction d'or. 

Mais si ces moyens sont jugés "adaptés" par un rapport parlementaire publié en juillet 2021, celui-ci constate néanmoins un bilan "en demi-teinte", avec un niveau des activités d'orpaillage illégal qui reste "très haut". Quelque 500 sites seraient toujours actifs, selon l'Observatoire de l'activité minière, dont 150 situés au cœur du Parc national amazonien, créé en 2007 pour protéger la forêt amazonienne et sa biodiversité. 

Des sous-sols guyanais "plus attractifs que jamais"

La lutte contre les "garimpeiros", terme qui désigne les mineurs d'ors clandestins, est notamment compliquée par plusieurs facteurs. Le cours de l'or, plutôt stable ces dernières années malgré différentes crises ayant des répercussions mondiales comme la pandémie ou le déclenchement de la guerre en Ukraine, continue de rendre rentable l'exploitation clandestine de ce métal. "Le cours de l’or ne cesse de s’envoler, rendant les sous-sols de la Guyane plus attractifs que jamais", déplorait ainsi la sénatrice de Guyane Marie-Laure Phinéra Horth lors de la séance de questions du Sénat au gouvernement, ce mercredi 29 mars.

La réponse de l'État français est par ailleurs rendue compliquée par la géographie de la Guyane. Le département français est recouvert "à 95 % d’une forêt dense, une partie de la forêt amazonienne, qui rend les opérations de maintien de l’ordre et d’éradication du fléau de l’orpaillage illégal complexes", déplorait le rapport parlementaire. Par ailleurs, le territoire à contrôler, l'équivalent du Portugal, est vaste, et ses frontières, peu contrôlées.

Ce caractère transfrontalier complique encore la lutte contre ce phénomène. Selon des estimations de la gendarmerie de Guyane, citées par le rapport parlementaire, les orpailleurs illégaux en Guyane seraient 8600 et viendraient essentiellement du Brésil. Par ailleurs, ils agissent de part et d'autre des fleuves Oyapock et Maroni, frontières entre le département français et, respectivement, le Brésil et le Suriname, ce qui empêche les actions des autorités à leur encontre.

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Le rapport parlementaire note enfin le recours de plus en plus important à la violence des "garimpeiros" contre les autorités, à laquelle la plupart des gendarmes sont peu préparés. Avant la mort d'Arnaud Blanc, tué par balle alors qu'il menait une opération d'infiltration en forêt près du site de Dorlin aux côtés de deux autres gendarmes du GIGN, quatre militaires et un infirmier, d'autres drames sont survenus en Guyane. En 2012, deux militaires avaient été tués et deux gendarmes grièvement blessés par balles lors d'une opération conjointe armée/gendarmerie contre des chercheurs d'or clandestins en Guyane, déjà au niveau de ce site. Depuis 2010, l'armée a également été endeuillée dans le cadre de cette lutte par plusieurs décès de nature accidentelle.

Interpellé sur la question au Sénat ce mercredi 29 mars, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait savoir que le gouvernement réfléchissait à renforcer les moyens, notamment militaires en Guyane. Cette annonce devrait être intégrée dans la prochaine loi de programmation militaire, qui doit être présentée en Conseil des ministres le 6 avril prochain.


Aurélie LOEK

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