JUSTICE - Damien T., était jugé ce jeudi en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Valence pour "violences sans incapacité sur personne dépositaire de l'autorité publique". Il a été condamné à quatre mois de prison ferme avec mandat de dépôt.
Il n'a souhaité de renvoi pour préparer sa défense. Deux jours après avoir giflé Emmanuel Macron à sa sortie d'une école hôtelière de Tain-L'Hermitage où le Président se trouvait en déplacement, Damien T. 28 ans, a donc été jugé ce jeudi en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Valence pour "violences sans incapacité sur personne dépositaire de l'autorité publique".
Cheveux longs détachés, portant les mêmes vêtements qu'au moment de son interpellation, le prévenu a assuré devant le tribunal ne pas avoir "prémédité" son geste. Des vidéos de l'agression sont alors projetés dans la salle d'audience, puis commentées par la suite par l'intéressé." Je le vois se diriger vers moi comme pour me serrer la main. Dans mes souvenirs, j’hésite à lui serrer la main, lui tendre la main gauche. Quand il est en face de moi je dis 'Mont-joie Saint Denis et je le gifle. Ce qui explique mon geste, c'est en premier lieu la surprise de le voir arriver vers moi", décortique Damien T.
"Investi par ce que représentent les gilets jaunes"
La présidente demande au prévenu pourquoi avoir choisi de gifler le président. "On a envisagé de faire quelque chose de marquant. On a envisagé de prendre un gilet jaune (…) quelques jours avant on a envisagé de prendre un œuf ou une tarte à la crème. J’ai parlé de l’œuf à un ami qui m’a dit que l’œuf pouvait être dangereux donc j’ai abandonné l’idée", explique Damien T.
Il indique ensuite qu'il n'a pas "apprécié" ce jour-là que le Président se dirige vers lui. "Ça m’a surpris. J’ai vu son regard sympathique et menteur qui voulait faire de moi un potentiel électeur". La présidente lui fait alors remarquer qu'il aurait pu réagir autrement que par la violence. "S’il s’était dirigé vers d’autres personnes avant moi je n’aurais sûrement pas réagi comme cela. J’aurais sûrement essayé de discuter avec lui." suppose le prévenu.
L’assesseur demande alors au prévenu fan d'arts martiaux, de Moyen-âge et de l'univers mangas "où est la chevalerie dans son attitude". Damien T. répond posément, les mains dans le dos : "La chevalerie est une loi et pas un titre. Je doute que si j’avais convoqué Emmanuel Macron dans un duel à l’épée au lever du soleil, il aurait répondu. Si on reste dans la réalité j’ai juste giflé Emmanuel Macron car je ressentais un profond sentiment d’injustice".
Le prévenu, qui considère que le Président "n'a pas été élu par l'ensemble de la population française" déclare ensuite s'être senti "investi par ce que représentent les Gilets Jaunes" et précise que "sans être de droite ou d’extrême-droite", il est "patriote".
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"Quelqu’un de parfaitement normal"
Puis la présidente enchaîne sur des photos retrouvées sur son téléphone, où il apparaît semblable à Hitler. "Je me suis attaché les cheveux. Je ressemblais clairement à Hitler, ça a fait rire ma copine et mes amis. Après je me suis rasé et ma vie a continué", répond Damien T. Quant aux consultations de sites qui remettent en question l’Histoire, notamment les camps d’extermination juifs. Il répond simplement vouloir "s’informer", en cherchant des réponses partout. Il expliquera un peu plus tard qu’il était curieux de savoir pourquoi des sites qui nient leur existence sont censurés. "Je suis contre la censure" assure-t-il.
Ses propos ne convainquent guère le procureur. Ce dernier rappelle que certes le président n'a "pas eu d'ITT mais qu'"il y a eu un acte violent". "Il n’y a pas de gratuité dans ce passage à l’acte. Il y avait une forme d’expression politique violente", ajoute-t-il avant de requérir "18 mois de prison sans aménagement", "une peine forte qui protège les institutions pour que ce genre d'événements ne se renouvelle pas".
S'en est suivie une vive réaction de l'avocate de Damien T. qui a considéré que "le procès de son client avait été déjà fait dans l’espace médiatique". "Le temps de la justice n’est pas celui des médias, a-t-elle insisté. (...) Ce geste, il le regrette. (...) Monsieur Damien T. est quelqu’un de parfaitement normal (…) il est inconnu des services de police et de justice". Et de conclure sa plaidoirie par ces mots :" Il n’y a pas de justice pour l’exemple, sinon il n’y a pas de justice. Je vous demande de le sanctionner, mais de ne pas l’incarcérer, ça donnerait satisfaction à l’agitation médiatique, pas à la justice."
Peu après 17 heures, le tribunal correctionnel de Valence a condamné Damien T. à 18 mois de prison, dont 14 mois avec sursis, avec mandat de dépôt. À la lecture du jugement, sa compagne dans la salle a fondu en larmes dans les bras de l'un de ses amis. Le prévenu ne l'a pas quittée du regard. Il a quitté la salle menottes aux poignets et dormira ce soir en prison.
Interpellé avec Damien T. mardi, son ami "Arthur C. va se voir délivrer une convocation en justice pour la fin du second semestre 2022 pour répondre des infractions en lien avec les armes détenues illégalement" trouvées à son domicile. Célibataire, sans enfant, intérimaire, arrêté aux côtés de son camarade après avoir filmé l'agression du chef de l'État, Arthur C. a pu expliquer sa présence sur les lieux sans pour autant participer à l'agression" du président de la République.
A son domicile, des "livres anciens sur l'art de la guerre et Mein Kampf ainsi qu'un drapeau à fond rouge avec faucille et marteau jaune et un drapeau de la révolution russe", ont été trouvés lors d'une perquisition.
Résidant à Saint-Vallier, au nord de Valence, les deux hommes avaient été arrêtés tout de suite après les faits. Ils sont tous deux inconnus des services judiciaires et des services de renseignements. Ils sont membres d'associations de leur commune "en lien avec les arts martiaux, le Moyen-âge et l'univers mangas.