La colère des Gilets jaunes

Gilets jaunes en procès : "La matraque ? Je voulais la rapporter à titre de souvenir"

Publié le 26 novembre 2018 à 23h23, mis à jour le 27 novembre 2018 à 8h18
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

JUSTICE –Sur les 103 personnes interpellées samedi dernier après les violences commises sur les Champs-Elysées, vingt prévenus ont fait l’objet d’une comparution immédiate, lundi 26 novembre. Devant la chambre 24-1, où 13 d’entre eux comparaissaient, les profils étaient bien loin de ceux de l’ultra droite… ou des black bloc.

Deux jours après la manifestation des Gilets jaunes et les débordements sur les Champs-Elysées, vingt personnes ont fait l’objet d’une comparution immédiate, lundi 26 novembre. Elles étaient toutes renvoyées devant le tribunal pour "participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations". Certaines le sont aussi pour "violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique", "dégradations", "outrage, rébellion, menace de mort" ou encore "recel de vol".

Treize d’entre elles se sont ainsi succédé dans le box de la chambre 24-1 pour répondre aux questions du tribunal… ou demander un délai pour préparer leur défense. Sept autres étaient jugées quatre étages plus bas, devant les 23-1, 23-2 et 23-3.

Et alors que préfet de police de Paris Michel Delpuech avait pointé du doigt des "commandos largement infiltrés (...) par des membres de l'ultra droite" après les dégâts et les violences de samedi, les prévenus, dans le box de la 24e en tout cas, étaient bien loin de ce profil.

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"Défendre le service public"

Y ont défilé notamment Anthony, brun, barbe soignée, en couple avec deux enfants en bas âge. Né en 1993, cet homme en formation pour devenir chauffeur de bus a demandé le renvoi de son dossier afin d’obtenir un délai pour "préparer sa défense". 

Idem pour Loïc, né à Tours, en 1978. Le prévenu, cheveux ras, clairsemés, silhouette costaude moulée dans un t-shirt rouge, travaille depuis 2003 dans l'administration pénitentiaire et  "gagne environ 2000 euros par mois suivant les primes et les jours fériés". Il a été arrêté avec un marteau, un masque de ski et des gants coqués. Il vit en couple, sans enfant. "J’ai manifesté pour défendre le service public, contre la dégradation du service public", assure-t-il. Il expliquera le reste en janvier… 

"Pas pour attaquer des officiers de police"

Tony, lui est né à Sens en 1989. Il a été arrêté alors qu’il avait le visage dissimulé et se trouvait  plusieurs armes (deux bombes lacrymogènes, un couteau et un poing américain). Le prévenu a travaillé dans l’élagage, dans une imprimerie, dans des serres. Il est aujourd'hui titulaire d’un diplôme de courtier en assurance et suit une formation pour ouvrir son cabinet de courtier en assurance.  

"Les armes que j’avais en ma possession n’étaient pas dans le but d’attaquer des officiers de police, assure le prévenu. On a manifesté vers chez moi tout le week-end dernier. Il y a eu des agressions. J’ai décidé d’avoir un poing américain et une gazeuse pour ma défense en venant à Paris, en cas de débordements. Si un groupe de gens venait manifester pour d’autres raisons que la nôtre, la lacrymo aurait été pour moi une bonne arme de défense dans ces cas-là". Il a, lui aussi, demandé un renvoi. 

Salaire ? "8000 euros par mois"

Parmi les autres prévenus, Tiphaine, né en 1992 à Thonon-Les-bains. Ce sera le premier de la journée à vouloir être jugé ce lundi et à ne pas demander un délai pour préparer sa défense. Lui a été interpellé à 15h30 avenue Franklin Roosevelt avec un couteau Opinel et un bâton de maintien de l’ordre de police. 

Il avance une explication pour chacune de ces armes. "Chez nous, tout le monde a un couteau. Je l'utilise tous les jours pour casser la croûte". Les clous ? "J'ai manifesté toute la semaine dans ma région. On a monté un baraquement. Ce sont des clous de charpentier, mon ancien métier". Quant à la matraque, il déclare l'avoir trouvée devant une voiture de policiers ciblée par des casseurs. "Je voulais la rapporter à titre de souvenir ", assure-t-il à la barre.  

 "Je me suis fait arrêter parque mon cousin avait un masque à gaz sur la tête, pas parce que la matraque sortait de mon sac (...) J'étais pas là pour casser du policier. Je suis simplement venu pour manifester, témoigner mon mécontentement", poursuit-il d'une voix douce. Les mains posées devant lui, il parle comme un petit garçon. "C’est la première fois de ma vie que je fais une manifestation, je ne savais pas qu’il fallait vider son sac avant".  

Tiphaine a un casier vierge. Il vit en couple et a un enfant de 4 ans. Sa compagne est enceinte. Conseiller financier en Suisse aujourd’hui d’après ses dires, il gagne environ… 8000 euros par mois. Sa compagne gagne 3500 euros par mois et travaille, elle, dans un bureau d’étude à Genève.  Il a été relaxé du délit de "participation à un groupement formé en vue de commettre des violences et des dégradations", mais a été condamné à 3 mois de prison avec sursis pour port d'arme.

"Pas du pillage, de l'opportunisme"

Tom, 22 ans, a été condamné à 70 heures de travail d'intérêt général, déclaré coupable de "participation à un groupement" à cause "des différents objets retrouvés sur lui" (cagoule, bouteilles de parfum, lunettes). Il a aussi été jugé coupable d'avoir recelé des bouteilles de parfum qui avaient été volées.  Cet électricien intérimaire de La Rochelle a affirmé qu'il voulait filmer la manifestation, comme il l'avait déjà fait à Notre-Dame-des-Landes.

Pour sa défense, il a assuré s’être fait "prendre dans l’effet de nasse du groupe " alors qu’il filmait. Les parfums ?  "Ça n’était pas du pillage, c’était de l’opportunisme", essaie-t-il de nuancer. Les gants en latex ? C’était pour le "kit de soin" qu’il avait avec lui. La cagoule ? "Je ne l’ai jamais mise, j’ai juste mis mon cache-col polaire car il faisait froid." Les gants molletonnés ? Pour lui "tenir chaud". Les lunettes de natation ? Pour se "protéger des lacrymos. J’ai du mal à filmer, sinon", a-t-il précisé. 

"On m’a écrasé la tête par terre"

Iana, 27 ans, mère célibataire d'un enfant de 4 ans, comparaissait notamment pour avoir jeté des projectiles sur une voiture de police. C’est la seule femme qui devait être jugée devant la 24e chambre. "Je n’étais pas venue dans l’intention de me rapprocher d’un mouvement violent. J’étais surtout venue dans l’idée de faire beaucoup de vidéos. J’ai toujours été dans l’optique de manifester pacifiquement", a-t-elle assuré. "On m’a attrapé par les cheveux, on m’a traîné, je n’ai pas su quoi faire. On m’a écrasé la tête par terre, je me suis vue presque mourir", dit-elle pour justifier "les gestes violents qu’elle a pu avoir".

Comme d’autres qui ont demandé un renvoi, elle sera jugée le 7 janvier 2019, devant la 24e. D’autres comparutions doivent avoir lieu mardi après les incidents survenus samedi sur les Champs-Elysées. 


Aurélie SARROT

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