RECONNAISSANCE - Le Conseil constitutionnel a tenu à rétablir, ce jeudi 8 février, l'"égalité devant la loi" : il "censure les mots 'de nationalité française' figurant" dans l'article de 1963, accordant un droit de pensions aux victimes de la guerre d'Algérie.
56 ans après la fin de la guerre d’Algérie, la plaie n’est pas entièrement cicatrisée. Le temps qui passe contribue forcément à l’apaisement, mais certaines mains tendues accélèrent les choses. La décision du Conseil constitutionnel ce 8 février en est une. Les sages ont décidé que les victimes civiles algériennes pourraient désormais prétendre à des pensions versées par la France. Jusqu’à aujourd’hui, seuls les civils Français ayant subi des dommages physiques liés aux violences du conflit avaient droit à cette indemnisation. Cette dernière est donc élargie. Pour expliquer ce rééquilibrage des choses, le Conseil constitutionnel a évoqué le principe "d'égalité devant la loi" garanti par la Constitution.
Pourquoi décider de cette avancée aujourd’hui ? Ne voyez là aucun lien avec le triste anniversaire du massacre de Charonne (9 personnes avaient été tuées le 8 février 1962, lors d’un rassemblement pour la paix à Paris). Les sages était saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité - ou QPC - déposée par un Algérien résidant à Bordeaux.
8 février 1962 : au métro Charonne, les violences policières font 9 morts à l'issue d'une manifestation pour la paix en Algérie #histoire pic.twitter.com/KqkZ7CP6Xy — Ina.fr (@Inafr_officiel) 8 février 2018
Abdelkader K. a connu la guerre et en a subi les conséquences. En 1958, il a été blessé par balle à l’abdomen, lors d’un attentat à Mascara (près d'Oran). Il n’avait que 8 ans. A l’époque, l’Algérie était encore un département français, et le petit Abdelkader était donc tout naturellement français, une nationalité qu’il a perdu depuis.
L'égalité devant la loi
Victime de la guerre, mais de nationalité algérienne, il ne pouvait donc avoir recours au régime d’indemnisation de l’Etat français, mis en place par l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963. Elle concerne pourtant les victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, dates du début du conflit puis de la composition du premier gouvernement de l'Algérie indépendante. Et période durant laquelle la nationalité algérienne n'existait pas.
En 1963, le législateur disait vouloir exclure de ce droit toute personne ayant contribué à des actes de violence ou à l’exécution d’attentats. Mais, comme le reconnaissent aujourd’hui les sages, cette solidarité nationale excluait en réalité tous les simples civils algériens. "Le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, établir (...) une différence de traitement entre les victimes françaises et celles, de nationalité étrangère, qui résidaient sur le territoire français au moment du dommage qu'elles ont subi", indiquent-ils dans leur décision. Ils estiment également contraire à la Constitution la différence de traitement effectuée entre les ayants droit, selon leur nationalité.
"C'est une décision très forte mais parfaitement logique", a réagi l'avocate d'Abdelkader K., Me Jennifer Cambla. "On avait du mal à comprendre cette différence de traitement dans la mesure où tous les Algériens étaient Français durant la guerre d'Algérie. Ce n'était donc pas juste de penser que seuls les Français pouvaient bénéficier de ce droit à pension", a-t-elle expliqué à nos confrères de l’AFP.
La reconnaissance du statut de victime
Cette décision met un terme à un long combat judiciaire, mais surtout, elle marque un pas en avant vers la reconnaissance des victimes algériennes. "Les pensions ne représentent pas beaucoup d'argent", précise tout de même l’avocate.
L'Algérie a proclamé son indépendance le 5 juillet 1962, après 132 années de présence française et un conflit qui a fait quelque 400.000 morts, selon des estimations d'historiens français, 1,5 million de morts selon les autorités algériennes.
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