Lundi après-midi, un élève du collège Henri Barbusse à Alfortville a été interpellé en plein cours.Soupçonné de harcèlement envers une lycéenne transgenre, il a reconnu les faits en garde à vue.Mais deux jours après les faits, de nombreuses personnes s'interrogent sur la légalité d'interpeller un mineur en classe.
C'est une affaire qui fait grand bruit depuis sa médiatisation mardi. D'un côté, une lycéenne transgenre cyberharcelée sur Instagram, de l'autre, son harceleur présumé, un mineur de 14 ans, scolarisé dans un autre établissement qui a été interpellé en plein cours quelques heures après que le père de la victime a porté plainte.
Si le mis en cause - sanctionné d'une réparation pénale à effectuer prochainement - a reconnu les faits en garde à vue, et notamment des insultes, des incitations au suicide et des menaces de mort, la façon dont la police a procédé à son interpellation suivie d'un menottage en classe au collège Henri Barbusse d'Alfortville (Val-de-Marne) a suscité depuis de nombreuses réactions. En particulier chez certains parents d'élèves et des syndicats de parents d'élèves. La police pouvait-elle procéder ainsi ? Explications.
Pourquoi une interpellation au collège?
Selon une source proche du dossier, le dépôt de plainte du père de la victime a été tout de suite pris "très au sérieux" par le parquet de Créteil, qui a ouvert une enquête lundi matin. "Quand il s'agit de menaces de mort, il y a toujours un risque de passage à l'acte, quand il s'agit d'une incitation au suicide, il y a la nécessité de protéger la victime", explique une source judiciaire avant d'ajouter : "Par ailleurs, en matière de téléphonie et de réseaux sociaux, tout cela est très furtif, il y avait aussi un risque de perdition des preuves. A donc été décidé de délivrer un ordre à comparaître, à savoir de permettre l'interpellation de la personne sans la convoquer".
Très rapidement, un agent de police judiciaire (APJ) s'est vu délivrer l'autorisation d'interpeller le suspect, "sans qu'il n'y ait eu aucune instruction particulière sur les modalités" nous dit-on. L'agent, considérant que l'enquête devait aller vite, s'est rendu dans le collège avec deux policiers. "La police a le droit d'aller dans les établissements scolaires", rappelle une source proche du dossier.
Pourquoi les policiers ont-ils pénétré dans la classe ?
Arrivé au collège Henri Barbusse, l'agent de police judiciaire et les deux policiers ont été reçus par la principale et l'ont informée de ce pourquoi ils étaient présents. Celle-ci les a alors conduits dans la classe du suspect. "À aucun moment, le procureur n'a donné la consigne d'interpeller en classe", assure à TF1/LCI une source judiciaire. Selon le procès-verbal d'interpellation que nous avons pu en partie consulter, les trois policiers sont ensuite arrivés sur le pas de la porte de la classe. La principale a pénétré à l'intérieur pour indiquer aux élèves et à leur professeur qu'une opération de police était en cours et qu'une interpellation allait avoir lieu. Les policiers sont alors rentrés dans la classe, ont demandé au collégien suspecté de se lever et de se présenter à eux.
Pourquoi le mineur suspect a-t-il été menotté?
Le suspect se serait alors, toujours selon le procès-verbal des policiers, montré "nerveux" et aurait fait "de grands gestes d'énervement". Il semblait "en désaccord avec son interpellation" et aurait regardé "en direction de la porte de sortie de la classe". C'est à ce moment précis, selon les règles du Code de procédure pénal, que son menottage aurait été décidé par l'APJ. "Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite", précise l'article 803. C'est donc pour éviter qu'il ne prenne la fuite que les policiers lui auraient passé les menottes.
Les explications du gouvernement
Interrogé sur cette affaire mercredi, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a assuré que cette interpellation avait été faite "en conformité avec l'accord du parquet" et de "l'équipe éducative". "C'est comme ça qu'on s'en sortira face au fléau du harcèlement, c'est comme ça qu'on protégera aussi nos enfants, en envoyant ces messages très forts", a-t-il insisté à l'issue du Conseil des ministres. "Sur le fond, combien de fois ces derniers mois avons-nous eu à pleurer, à la suite de la mort tragique d'un enfant qui s'est donné la mort parce qu'il était harcelé ? ", a-t-il souligné.
"Le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a eu des mots très forts encore suite au décès tragique du jeune Nicolas (à Poissy, ndlr). Et il a souhaité qu'il y ait un électrochoc dans l'ensemble du monde qui entoure les enfants, notamment le monde éducatif, pour que nous puissions lutter avec le plus d'efficacité, le plus de force possible contre le harcèlement", a-t-il rappelé.
"J'entends qu'il puisse y avoir des interrogations, on va étudier ce qu'il s'est passé, mais on se doit d'être très ferme", a assuré peu après Gabriel Attal, ministre de l'Éducation, lors d'un déplacement dans la capitale.