JUSTICE - Les proches des journalistes et dessinateurs assassinés le 7 janvier 2015 sont venus témoigner, jeudi 10 septembre devant la cour. Une série d'auditions qui se poursuivra au prochain jour d'audience.
Veuves, fille, "amoureuse" ou mère. Elles sont venues parler à la cour de ceux qu'elles aimaient et qui ont été assassinés dans les locaux de Charlie Hebdo. Véronique Cabut, veuve de Cabu, Valérie Martinez, "l'amoureuse" de Charb, Hélène Honoré, fille de Philippe Honoré, Gala Renaud, femme de Michel Renaud, et Denise Charbonnier, mère de Charb, se sont ainsi succédées à la barre, au 7e jour du procès des attentats de 2015. Des témoignages empreints d'émotions, où les mots se sont disputés aux larmes.
"Le soir, la table à dessin était vide"
D'une voix sobre, s'arrêtant parfois, Véronique Cabut explique comment le 7 janvier, elle prend connaissance de la fusillade par l'appel d'un ami. Sur place, elle veut monter dans les locaux du journal. "Un policier m'a dit: 'Vous pouvez pas monter madame, c’est une scène de crime'". Elle veut savoir où est Cabu, s'il est blessé, ou pire encore. Elle demande plusieurs fois mais n'obtient pas de réponse. "Devant mon insistance, finalement un jeune avec une blouse blanche a fini par me dire: 'Oui, madame, votre mari a été assassiné'".
Devant la cour, elle rend hommage à cet "homme joyeux, qui aimait rire et qui était gourmand. Un fan de Charles Trenet, amateur de jazz et de musique baroque". Un homme qui avait appris à dessiner très tôt et qui avait ensuite collaboré avec des journaux, des émissions de télé et couvert de nombreux procès, dont celui de Klaus Barbie, lui aussi filmé. Puis elle évoque ce douloureux souvenir, d'avoir retrouvé, en rentrant chez elle, le soir de l'attentat, "la table à dessin vide" . Mais au-delà de la tristesse, reste la certitude chevillée au corps que les frères Kouachi ont échoué : "Je ne veux pas que les terroristes et leurs complices gagnent. Ils ont perdu, Charlie Hebdo est là".
Un dernier baiser
Valérie Martinez lui succède à la barre. Elle se décrit comme "l'amante", "la maîtresse", "l'amoureuse" de Charb "mais pas sa compagne". Le 6 janvier 2015, elle était à un concert avec lui au Silencio, une salle de l'hypercentre de Paris. Ils ont passé ensuite la nuit ensemble chez lui. Avant de filer à la rédaction de Charlie, Charb lui dit de claquer la porte en partant et lui donne un dernier baiser. Quelques heures plus tard, c'est Patrick Pelloux qui lui annonce son décès.
Depuis, poursuit Valérie Martinez, "les jours n'ont plus la même saveur. Les nuits n'ont plus la même fluidité ni la même douceur. La vie continue sans lui. Mais avec lui quand il reste dans le cœur de tous ceux qui l'ont aimé". Dans son chagrin, elle se rappelle d'"un être incroyable, unique, humaniste, antimilitariste", à qui elle s'adresse encore "tous les jours". "Je l'aimais".
Des dessins sur les nappes en papier
C'est ensuite à Hélène Honoré, la fille du caricaturiste, de témoigner pour son père. "Je suis la fille unique de Philippe Honoré. C'est très difficile d'être à la barre. J'ai l'impression à chaque témoignage de revivre le 7 janvier. Il y a aussi un enjeu, maintenant, pour moi : faire redonner vie à mon père pour que chacun puisse se l'imaginer, ici, vivant avec nous".
Elle se souvient des "nappes en papier au restaurant"sur lesquelles son père dessinait quand elle était petite et que les serveurs voulaient garder. Elle se souvient de la "douceur" de ce "père aimant" , " très accessible", "à l’écoute", "très modeste". "Sa valeur fondamentale, son seul combat, c’était le droit pour tous à une vie digne, c'était le sommet de sa conscience politique". Dans les mots de cette enseignante, qui continue de faire vivre l'oeuvre de son père, demeure l'incompréhension et la brutalité du deuil de ce père si proche : "Personne ne pourra jamais me dire pourquoi mon père est mort. Mais moi, je sais qu’il n’a pas vécu pour rien", conclut la jeune femme.
"La nuit et le jour se confondaient"
Femme du journaliste et communicant Michel Renaud qu'elle a rencontré en Biélorussie, Gala Renaud se confie, très émue : "Michel aimait la vie, les gens, il était curieux des autres et c’était un homme heureux. Il était tout pour moi, mon amour, mon mari, le papa de ma fille qui n’avait pas 16 ans à ce moment-là". Elle n'oubliera jamais que le 6 janvier, il était parti de Clermont-Ferrand en lui disant: " Je pars pour deux jours, mais demain à 19h, je serai avec vous". Il ne rentrera jamais.
"Les jours d'après, la nuit et le jour se confondaient, on m'a donné des cachets, des médicaments. On m'a dit que ça me calmerait. J'étais comme une droguée. J'ai l'impression que j'étais écartelée. Mon corps était une blessure, je n'avais plus de cœur". Depuis, elle a retrouvé les forces nécessaires pour continuer à vivre. En grande partie pour sa fille, comme lui a demandé "Michel, dans un rêve".
"Une plaie ouverte qui ne se refermera jamais"
Canne à la main, Denise Charbonnier s'avance à son tour à la barre. La mère de Charb ne cache pas son chagrin. "Stéphane dessinait tout le temps, depuis la maternelle il dessinait, il a toujours voulu dessiner. Son nom "Charb" est arrivé au lycée La documentaliste trouvait que c'était trop long Charbonnier alors elle l'a appelé Charb et c'est resté". Puis elle évoque ses combats pour la "laïcité", la "liberté de la presse", avant de déclarer : "Charb nous manque, on nous l'a tué, on nous l'a arraché, il nous manque énormément et c’est un chagrin énorme, une souffrance tous les jours, une plaie ouverte qui ne se refermera jamais".
"Charb était menacé tous les jours depuis l’incendie de 2011", insiste-t-elle. Pourtant, "la sécurité s'était relâchée, puisque la voiture qui surveillait Charlie Hebdo a été enlevée en 2014". Après l'attentat du 7 janvier, la famille Charbonnier a été reçue à l'Elysée. "On m'a expliqué que même s'il y avait eu une voiture de police devant les locaux de Charlie hebdo ce 7 janvier, ça n'aurait rien changé tellement ils étaient déterminés. Voilà, c'est l'argument qu'on m'a donné", termine-t-elle, avant que ne soient projetés plusieurs dessins de Charb dans la salle d'audience. Déclenchant une nuée de rires au milieu d'un océan de chagrin.
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