Pompiers pyromanes : pourquoi certains soldats du feu passent à l'acte ?

A.S
Publié le 19 septembre 2022 à 14h27

Source : JT 20h WE

Plusieurs pompiers volontaires ont été interpellés cet été et mis en examen après des départs de feu en France.
Censés habituellement mettre fin à ces sinistres, certains en sont pourtant à l'origine.
Retour sur ce phénomène.

Ce sont plus de 30.000 hectares qui sont partis en fumée l'été dernier. La Gironde, mais aussi les Pyrénées-Atlantiques, le Var, l'Ardèche, et bien d'autres départements ont été touchés. Ce week-end, encore, la Gironde a subi un nouvel incendie à Arès, sur le bassin d'Arcachon. 

Face au phénomène, les professionnels le répètent : 90% des départs de feu sont d'origine humaine, criminelle ou involontaire. Parmi les sinistres déclenchés volontairement, de très nombreux l'ont été par des soldats du feu dont la mission est normalement de les combattre.  

Fin juillet, Guillaume R., un sapeur-forestier âgé de 37 ans, père de famille, adjoint au maire pompier volontaire de l'Hérault, a été interpellé par les gendarmes. Face aux enquêteurs, il a indiqué être l'auteur de "plusieurs incendies allumés ces trois dernières années". Le 2 août, un ancien pompier volontaire âgé de 33 ans, soupçonné d'être l'auteur de deux incendies début août dans l'Hérault, a été interpellé. Le 25 août, un ex-sapeur-pompier volontaire âgé de 35 ans, suspecté d'être à l'origine de plusieurs incendies survenus sur la commune de Vif (Isère), a été écroué. Le 28 août, un étudiant de 19 ans, pompier volontaire en Gironde et soupçonné d'une trentaine de départs de feu dans le Médoc a été mis en examen et écroué pour "destruction par incendies".

Cette liste n'est pas exhaustive et s'allonge chaque semaine. Samedi dernier encore, un ancien pompier volontaire a pris en flagrant délit alors qu'il tentait de mettre le feu à un champ de maïs à Montpon-Ménestérol en Dordogne. Il était toujours en garde à vue ce lundi.  Triste constat : les exemples ne manquent pas dans la profession. Pourquoi alors passent-ils à l'acte ? 

"Adrénaline" et "reconnaissance sociale"

Face aux enquêteurs, Guillaume R., le sapeur forestier et pompier volontaire à l'origine d'au moins huit départs de feu dans l'Hérault a reconnu "avoir agi ainsi dans le but de provoquer des interventions des sapeurs-pompiers afin de s'extraire d'un cadre familial oppressant ou encore en raison de l'excitation, de 'l'adrénaline', selon ses termes, que les interventions provoquaient chez lui ", avait détaillé le procureur.

Il avait le "profil type du pyromane" selon une source proche du dossier : "Un homme de moins de 40 ans, fasciné par les flammes et en mal de reconnaissance sociale". Cette reconnaissance, il la trouvait auprès des gens qu'il sauvait. En effet, quelques secondes après avoir allumé un incendie, il se présentait en tenue de pompiers pour faire évacuer les habitants. 

Impossible de détecter les pyromanes

Ce trouble du comportement touche 1% de la population générale, selon une étude américaine publiée en 2010, mais serait surreprésenté chez les sapeurs-pompiers. Or, pour devenir pompier volontaire, les tests de personnalité ne sont pas systématiques. Faire analyser les résultats coûte trop cher. Et quand bien même, il est difficile de détecter cette pulsion. "Les entretiens que l'on a avec les candidats sapeurs-pompiers, qu'ils soient volontaires ou professionnels, se font à froid. Pas quand la pression monte", relève le médecin lieutenant-colonel, Jean Farisse, expert psychiatre, dans le reportage TF1 en tête de cet article. À ce jour, il n'existe pas de test spécifique pour détecter un pyromane. Ils ne sont souvent identifiés qu'a posteriori, une fois leur acte commis.

Fin août, le Dr Roland Coutanceau, expert-psychiatre, analysait aussi pour TF1info la quête de ces pompiers pyromanes. "Le pompier incendiaire est quelqu'un qui est fier d'être pompier, mais qui veut justifier de son image de marque. Et pour cela, il faut qu'il y ait un feu ! Le pompier incendiaire se dit souvent : "Si je mets un feu et que je suis l'un des premiers à être sur la brèche, on va dire : 'Quel homme !'"

Pour illustrer son propos, le spécialiste évoquait un sujet qu'il avait expertisé. "Ce monsieur était toujours parmi les primo-intervenants sur les feux, toujours de garde au moment des faits, toujours le premier à avoir la stratégie pour combattre les flammes. C'était trop beau pour être vrai ! Cette personne créait des feux pour se mettre en scène en tant que pompier, en tant que héros. Là, la motivation est narcissique, d'amour-propre. Parmi les pompiers, il existe malheureusement cette minorité de sujets qui dévoient."


A.S

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