FAITS DIVERS – Un trafic de production de cannabis dans le Loiret a été démantelé par les enquêteurs de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre…
De mémoire d’enquêteur, c’est la première fois que les liens entre un narcotrafic de cité et une filière d’immigration clandestine sont aussi nettement révélés par les surveillances et les écoutes. Selon les informations recueillies par LCI, les limiers de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) viennent de démanteler deux fermes de cannabiculture à Montargis (Loiret) employant des clandestins vietnamiens, utilisés comme "jardiniers", et tombés sous la coupe d’une figure du trafic de stupéfiants de la banlieue sud de Paris.
L’enquête, qui remonte à fin 2018, a été conduite par la juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Paris. Elle débute grâce à des renseignements selon lesquels deux fermes dans le Loiret serviraient de lieu de transit à des clandestins vietnamiens qui souhaiteraient rejoindre dans un second temps l’Angleterre. Rapidement, les enquêteurs se rendent compte que ces migrants sont employés pour faire pousser et récolter de l’herbe de cannabis.
1500 à 2000 pieds de cannabis
Une activité clandestine que connaissent bien ces policiers spécialisés : la filière d’immigration vietnamienne est connue pour faire travailler ses recrues dans des fermes de cannabiculture afin qu’elles remboursent aux passeurs les frais engagés pour leur transfert. Le mode opératoire, en revanche, va les surprendre. Et pour cause, des liens sont mis en évidence entre les "jardiniers" et une figure du trafic de stupéfiants du Val-de-Marne et de l’Essonne.
Le dealer est soupçonné, avec l’aide d’un second couteau, un ami d’enfance présentant des fragilités psychologiques, d’avoir loué les deux corps de ferme dans le Loiret pour monter la production de cannabis. Il aurait par ailleurs financé l’achat de matériel : lampes, bidons d’engrais, aluminium… En huit mois, 5 récoltes auraient être réalisées sur une production de 1500 à 2000 pieds de cannabis.
Enlèvement et séquestration
Outre son implication matérielle, les policiers estiment que ce dealer s’est impliqué personnellement dans la gestion de la production de cannabis. En février 2019, les Vietnamiens suspectent une surveillance policière dans l’une des fermes de Montargis, ce qui les pousse à délocaliser leur production. L’un d’entre eux en fait part au téléphone au trafiquant. Très remonté d’être pris de cours, ce dernier se rend immédiatement sur place et passe une soufflante à un des "jardiniers".
Ce dernier sera retrouvé le visage amoché, une semaine plus tard à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), après avoir été séquestré et battu dans l’appartement de la compagne du malfaiteur à Palaiseau (Essonne), décrite par l’enquête comme une "menteuse patentée" et "manipulatrice sans vergogne". En arrêt maladie depuis plusieurs années, elle a profité de nombreux voyages et de chirurgie esthétique, menant une vie que les policiers estiment bien au-dessus de ses moyens déclarés.
"Des connexions qui montent en puissance"
La minutieuse enquête a aussi mis en évidence l’implication d’un couple du Loiret, propriétaire des deux corps de ferme. Le retraité d’une soixantaine d’années et sa compagne sont soupçonnés d’avoir fait le lien entre la filière d’immigration irrégulière et le dealer de la banlieue sud. Le gendre et sa compagne, fille du sexagénaire, auraient d’ailleurs détourné une partie de la production des Vietnamiens pour la revendre au sein d’un trafic plus local.
"Ces connexions entre délinquance locale et structures organisées au niveau international sont en train de monter en puissance. Cela concerne le cannabis mais aussi d’autres pans de la criminalité, comme la fraude documentaire", analyse le commissaire Jean Arvieu, chef adjoint de l’OCRIEST. L’office de la direction centrale de la police aux frontières a procédé à toute une série d’interpellations mardi et mercredi dernier, avec le soutien du Raid.
Au total, huit personnes ont été mises en examen pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier, fabrication et détention de produits stupéfiants, enlèvement et séquestration et association de malfaiteurs. Le dealer et sa compagne, tout comme le retraité du Loiret, ont été écroués. L’enquête se poursuit pour remonter plus en amont la filière d’immigration clandestine.
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