COUP DE FILET - Selon nos informations, un militaire de l’opération Barkhane a récemment été incarcéré pour son rôle présumé dans ce réseau qui fournissait des armes à feu à des voyous de tous bords. Deux autres suspects ont également été arrêtés dans cette enquête hors-normes menée par la Brigade de répression du banditisme.
Les enquêteurs l'avaient dans leur collimateur depuis de longues semaines. Car les hommes de la Brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire parisienne en étaient persuadés : leur "cible", un homme de 54 ans domicilié à Verdun (Meuse), allait les mener à un trésor de guerre. "La BRB a eu le nez creux" reconnaît un limier du Bastion, le siège de la PJ, encore surpris par l'ampleur de l'affaire.
Mardi 4 mai, à l'heure du laitier, les policiers ont mis la main sur près de 150 armes à feu après avoir passé les menottes à ce suspect. Officiellement patron d'une casse automobile le jour, il est soupçonné la nuit venue de s'être transformé en un important fournisseur de fusils d'assaut, de Kalachnikovs et autres pistolets automatiques.
Du genre culotté, le suspect n'hésitait pas à enregistrer certaines des armes de collection qu'il se procurait au nom de sa femme.
Soldats retraités, militaires en activité... Un casting atypique
Mis en examen vendredi soir par un juge d'instruction parisien et incarcéré dans la foulée, cet homme - déjà connu de la justice pour diverses affaires de trafic de voitures, de blanchiment et de recel - est la dernière pièce en date à entrer dans le puzzle démantelé en janvier dernier par la BRB. Un surprenant réseau de trafiquants d'armes de collection remilitarisées.
Son "casting" est pour le moins atypique : un chauffeur au sein du ministère de la Défense, des militaires en activité, d'autre soldats retraités reconvertis dans la sécurité privée mais aussi un ancien adjoint de sécurité (ADS) de la police nationale. Dix personnes avaient alors été mis en examen et plusieurs d'entre eux placés en détention provisoire.
Ces armes diverses et variées étaient revendues à des filières que tout oppose - hormis le goût du "calibre" - et qui se vouent une haine coriace : d'un côté le narco-banditisme et sa violence sans limite sur fond de guerre des territoires, de l'autre l'ultradroite, ses fichés "S" et ses inquiétants projets d'actions violentes.
Lors du premier coup de filet réalisé par la BRB, plus de 250 armes avaient déjà été saisies en perquisition, ainsi que plusieurs tonnes de munitions (voir la vidéo ci-dessous). De premières investigations montrent que certaines armes ont pu être utilisées sur des scènes de crime, notamment dans des cités sensibles autour de Paris, gangrénées par le trafic de drogue et où les différends commerciaux se règlent à coups de 9mm.
Un suspect arrêté au retour de l'opération Barkhane
"Remilitariser une arme de collection rendue autrefois inopérante est parfois enfantin, décrypte un membre de la PJ parisienne. Cela se fait souvent dans le flou total, sans le moindre contrôle."
Les enquêteurs avaient déjà ces dernières semaines continué à tirer le fil. Toujours d'après nos informations, un troisième militaire en activité a ainsi été arrêté le 23 janvier dernier. Ce soldat de 31 ans, qui se trouvait au moment des premières arrestations en poste au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane, a été rapatrié par les autorités militaires françaises et mis à la disposition de la police judiciaire parisienne. La BRB l'attendait à sa sortie de l'avion de l'armée, sur la base militaire d'Istres (Bouches-du-Rhône). L'homme a depuis été mis en examen et dort actuellement sous les verrous.
Les filières classiques de l'ex-Yougoslavie et des Balkans, jusqu'alors très privilégiées par les voyous, ont perdu du poids
Le 2 mars dernier, c'était au tour d'un sidérurgiste à la retraite d'être arrêté à Montpellier (Hérault). Le suspect, un septuagénaire chez qui une dizaine d'armes ont été retrouvées, a été placé sous contrôle judiciaire.
L'affaire, résolue par la Brigade de répression du banditisme après de longs mois d'investigations humaines et techniques, est déjà à elle seule un cas d'école. Pour commencer à cause du profil de ses protagonistes, un improbable mélange de représentants de la "grande muette", de sympathisants d'extrême-droite et de caïds de cités. "Du jamais avant cela" reconnaît un juge spécialisé dans la lutte contre la grande criminalité, qui y voit "un signal alarmant sur la porosité des réseaux". Mais l'enquête a un autre mérite. Elle enseigne aussi sur l'évolution du trafic d'armes. "Les filières classiques de l'ex-Yougoslavie et des Balkans, jusqu'alors très privilégiées par les voyous, ont perdu du poids, analyse un bon connaisseur du milieu. Les armes de collection remilitarisées inondent peu à peu le marché français. Elles ne coûtent pas cher, elles sont faciles à obtenir, et c'est bien cela qui inquiète."
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