Quand la petite escroquerie d'un lycéen de 15 ans met les services anti-terroristes sur les dents

par Georges BRENIER Georges Brenier
Publié le 22 février 2022 à 17h53
Quand la petite escroquerie d'un lycéen de 15 ans met les services anti-terroristes sur les dents

Source : TF1

D'après nos informations, policiers et magistrats spécialisés se sont récemment lancés dans une vaste traque pour arrêter l'expéditeur d'un colis piégé.
Le suspect, soupçonné un temps de préparer un attentat, était en fait un adolescent arnaqueur de bas étage...

Son arrestation aura mobilisé des dizaines d'enquêteurs pendant une semaine entière. "Il a donné des sueurs froides à une bonne partie de l'anti-terrorisme français", soupire un connaisseur du dossier quand il évoque "cet ado au profil de chimiste en herbe". 

L'affaire démarre il y a une dizaine de jours, avec une sonnette d'alarme tirée en région parisienne. Le transporteur DHL alerte les autorités policières : ses employés ont repéré un colis piégé. Les rayons X ont parlé et sont formels. Un petit carton, qui a été affranchi depuis Paris et qui doit s'envoler vers la Finlande, est rempli d'un produit liquide dangereux, susceptible d'exploser en vol une fois stocké dans la soulte d'un avion. 

"À des années lumières des affaires terroristes habituelles"

Le dossier est jugé très sérieux et prioritaire. À tel point que le Parquet national anti-terroriste (PNAT) s'en empare sans attendre. Les magistrats spécialisés sollicitent aussitôt la section anti-terroriste (SAT) de la prestigieuse Brigade criminelle de la PJ Parisienne pour mener en urgence des investigations. "La crainte était d'avoir un terroriste dans la nature", se souvient un policier.

Pendant une semaine, des recherches tous azimuts vont être effectuées par les "limiers" de la SAT. Téléphonie, surveillances... rien n'est épargné. Le fameux colis, lui, a été confié aux mains expertes du laboratoire de la Préfecture de police : pas de revendication terroriste à l'intérieur, mais un dispositif ingénieux, capable de projeter de l'acétone, un solvant bon marché que l'on retrouve souvent dans la composition d'un explosif comme le TATP, très prisé des terroristes islamistes.

Le nom de l'expéditeur inscrit sur le carton correspond à une identité bidon. La cible visiblement choisie par ce mystérieux suspect a le mérite elle aussi de rendre les policiers dubitatifs : le colis était destiné à une entreprise finlandaise de reconditionnement de téléphones portables... Un magistrat le reconnaît, "tout cela était à des années lumières des affaires terroristes habituelles".

Un modus operandi déroutant

Les membres de la "Crim' " tirent soigneusement le fil des jours durant, et finissent par obtenir un nom. Celui d'un adolescent de 15 ans, domicilié dans le nord de Paris chez son père, inconnu des services de renseignement ou de la justice. Vendredi 18 février, il est arrêté à l'aube, et placé en garde-à-vue au "Bastion", les locaux de la PJ parisienne, pour potentiellement 96 heures d'interrogatoire. Son père, présenté comme proche de la mouvance d'ultra-gauche, est lui aussi interpellé car plusieurs produits chimiques sont retrouvés au domicile familial en perquisition.

Face aux policiers d’élite, le jeune homme passe vite à table. Il dément immédiatement être radicalisé et nie en bloc avoir voulu commettre un attentat terroriste. Le plus sérieusement du monde, il raconte avoir tout bêtement mis sur pied une banale escroquerie. Le suspect livre sans se faire prier son modus operandi, qui est pour le moins déroutant...

Dans un premier temps, sous une fausse identité, il commande en ligne un smartphone auprès d'une société de reconditionnement. Une fois son téléphone portable arrivé à bon port, il prétend auprès du fournisseur que l'appareil est défectueux, qu'il va donc le renvoyer et réclamer de ce pas un remboursement. C'est là que l'adolescent, décrit comme "malhonnête mais surtout très malin", se transforme en savant fou. 

Dans le carton qu'il prépare pour renvoyer le smartphone soi-disant abîmé - qu'il se gardera finalement bien de rendre - le lycéen a installé un dispositif rudimentaire mais ingénieux. Dès que les employés de l'entreprise ouvriront le colis, de l'acétone sera propulsé et effacera immédiatement toute trace d'encre. Noms, adresses et autres références écrites sur les bordereaux du carton partiront alors en fumée, purement et simplement effacées en quelques secondes seulement. Le même dispositif qui a poussé le transporteur DHL à alerter les autorités...

L'adolescent, lui, se plaindra ensuite de ne pas avoir encore été remboursé, brandissant pour montrer sa prétendue bonne foi une copie de son bordereau de renvoi. L'entreprise flouée finira souvent par rembourser la somme réclamée, soucieuse de ne pas irriter un client mécontent...  

Après trois jours d'interrogatoire, le lycéen et son père – qui est lui resté mutique tout au long de sa garde-à-vue - ont été remis en liberté dimanche dans la soirée, sans poursuites judiciaires. Les magistrats du parquet national anti-terroriste devraient désormais passer à la main à leurs voisins du parquet de Paris, en charge des affaires de droit commun. "L'affaire peut prêter à sourire, concède un membre du "Bastion", mais elle démontre que toutes les vérifications ont été faites, que le dossier a été traité jusqu'au bout, sans rien laisser au hasard."

D'éventuelles poursuites pourraient désormais être engagées contre le lycéen, bien incapable de comprendre que son escroquerie de bas étage allait donner de telles angoisses aux services anti-terroristes...


Georges BRENIER Georges Brenier

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