Jugé pour le viol de 66 enfants à l’étranger : la double vie de "Monsieur Darantière"

Publié le 22 juin 2016 à 10h27
Jugé pour le viol de 66 enfants à l’étranger : la double vie de "Monsieur Darantière"

COMPTE RENDU D'AUDIENCE - Jugé dans une des rares affaires de "tourisme sexuel" à aboutir, Thierry Darantière est accusé d’avoir violé 66 enfants au Sri Lanka, en Tunisie et en Egypte. Sous couvert d’actions humanitaires, cet homme de 52 ans, directeur d’une maison de retraite des Yvelines, a caché sa double vie à ses proches pour s’envoler à la moindre occasion à l’étranger et profiter de la prostitution infantile.

En France, un fervent catholique, directeur d’une honorable maison de retraite yvelinoise. A l’étranger, un parfait prédateur, capable des sévices sexuels les plus inavouables. Dans l’anonymat du web pédopornographique, c’est "Marie Manoir", alias du frénétique consommateur d’images et de vidéos. Dans la vraie vie, c’est le troisième enfant d’une fratrie élevée dans la "charité chrétienne", bon gestionnaire, apprécié de tous, un physique de monsieur-tout-le-monde.

Comment Thierry Darantière, condamné en 2000 à un an de prison avec sursis pour une agression sexuelle sur un enfant quand il était chef scout, en est-il arrivé à se retrouver devant la cour d’assises des Yvelines à Versailles pour le viol de 66 mineurs au Sri Lanka, en Tunisie et en Egypte ? La question, au dernier jour d’audience de son procès est en suspens, tant l’affaire paraît abominable. Tant, aussi, l’accusé, qui risque vingt ans de prison, tente l’effort insurmontable de comprendre sa dérive personnelle.

"Jeux de touche-pipi dans les buissons"

La simplicité voudrait que l’on distingue ses deux vies, mais il s’agit bel et bien de la même personne. A la barre, sa belle-sœur affirme qu’elle n’a rien vu venir. Son frère aîné, qu’il y avait bien cette première alerte quand il était animateur de jeunes. Mais qui aurait pu imaginer un seul instant que ses voyages à l’étranger, sous couvert d’actions humanitaires, puissent être une couverture pour approcher ses jeunes victimes ? Personne, pas même Thierry Darantière.

Finalement, c’est lui qui en parle le mieux. "C’était un parcours initiatique", raconte-l'homme de 50 ans devant la cour. En premier, les Tunisiens. Ces jeunes garçons l’abordent le long de la plage. "C’est eux qui venaient à moi", affirme-t-il. Il précise : "Ça a commencé par des jeux de touche-pipi dans les buissons. Cette facilité me surprenait". "J’étais dans une forme de quête d’une homosexualité que je ne m’avouais pas", tente-t-il. Ça grince côté parties civiles. "Monsieur Darantière est d’abord un pédophile. Peut-être aussi homosexuel, mais avant tout pédophile", rectifiera plus tard une avocate.

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Supplices sexuels

Progressivement, la vie de Thierry Darantière s’organise autour de ses voyages. Il cumule à la maison de retraite des récupérations et des congés. En sept ans, il partira 21 fois au Sri Lanka. A cela, s’ajoutent ses passages en Egypte et en Tunisie, où il fera, respectivement, 6 et 41 petites victimes. Auprès de ses collègues de travail, il s’invente une vie : marié, un enfant. Alors qu’il est en fait célibataire et que le jeune garçon qui s’affiche sur le fond d’écran de son ordinateur de travail est... son neveu.

Entre deux voyages, le pseudo "French Doctor", comme il aimait se raconter à ses collègues, a besoin d’assouvir son fantasme. Il se repasse, "trois, quatre fois par semaine" les images des ébats qu’il a immortalisés sur sa caméra numérique. Plus le temps avance, plus la déviance sexuelle de l’accusé s’affermit, actes de torture à l'appui. Au point que la nausée envahit la cour d’assises quand le président décrit, à défaut de les montrer pour préserver les jurés, les images des orgies filmées par l’accusé. Des vidéos qui durent 45, 60, 70 minutes. Avec en fond sonore, la musique des "Enfoirés".

Verdict dans la journée

Un monstre, Thierry Darantière ? Trop facile. "Si je vous considérais comme un monstre, je ne vous poserais pas de question. Je m’adresse à vous, monsieur, car vous faîte parti de l’humanité", lance Me Emmanuel Daoud, l’avocat de la partie civile ECPAT, une ONG visant à mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants. Une manière, aussi, de rappeler aux jurés que l’accusé est responsable aux yeux de la loi et que, selon les experts psy, son discernement n’a pas été altéré au moment des faits.

De son côté, l’homme, qui reconnaît les viols, dit avoir, devant lui, deux possibilités. La première, agir comme "Judas après avoir livré Jésus et se pendre à une branche d’un arbre". L’autre, se comporter "humblement" en Saint-Pierre et "attendre le troisième cri du coq" avant de décider des suites à donner à sa vie. Voilà l’option qu’il a choisie. En fin de matinée, le procureur a requis 18 ans de prison, assortie d'un suivi socio-judiciaire. Le verdict est attendu dans la journée.


La rédaction de TF1info

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