Justice : accusé d’agression sexuelle et de viol, cet homme pourrait être le 12e cas d’erreur judiciaire depuis 1945

A.S
Publié le 6 décembre 2022 à 19h05, mis à jour le 8 décembre 2022 à 14h20

Source : Sujet TF1 Info

La cour de révision doit examiner jeudi prochain la demande de réhabilitation de Farid E.
En 2003, ce jeune homme avait été jugé et condamné pour "agressions sexuelles" et "viol".
Quatorze ans plus tard, la partie civile a reconnu avoir menti et l’avoir accusé à tort.

Près de 20 après sa condamnation, il va peut-être enfin obtenir gain de cause. Jeudi 8 décembre à 9 heures, la Cour de Révision doit examiner la demande de réhabilitation de Farid E. Cet homme avait été condamné en 2003 par la cour d’assises des mineurs pour "agressions sexuelles" et" viol" après avoir été accusé de ces faits cinq ans plus tôt par une certaine Julie D. qui vivait comme lui à Hazebrouck. Farid E., qui n’avait alors que 17 ans, a toujours contesté les faits, en vain. 

En 2017, pourtant, c’est l’accusatrice même qui a été à l’origine d’un véritable coup de théâtre dans cette affaire. Dix-neuf ans après ses premières accusations, elle reconnaissait avoir menti et n’avoir en réalité jamais été violé ou agressé par cet homme.

Décembre 1998, elle le reconnait comme son violeur

Ce mardi, Le Monde rappelle les étapes clés de cette affaire. Le 15 décembre 1998, les gendarmes viennent d'entendre l’adolescente qui s’était confiée préalablement à des proches. À l’enquêtrice qui prend son témoignage, Julie D. livre de nombreux détails de cette soirée. Elle dit ainsi qu’après avoir été au cinéma pour assister à la projection de Titanic, elle a croisé la route de "trois ou quatre Arabes" parmi lesquels celui qu’elle désignera comme son "violeur". Selon elle, l’agression aurait duré 10 minutes environ. 

Puis Julie D. évoque cette deuxième agression, l’été suivant. Là encore, elle dit avoir croisé Farid E. et un ami à lui. Les deux l’auraient conduit près de la piscine pour la violer. "J’étais vierge", précise-t-elle. Le 19 décembre 1998, elle reconnait "formellement" Farid E. comme son violeur sur un album photo que lui présentent les gendarmes. Moins de deux mois après, elle le désigne aussi quand il apparait derrière une glace sans tain. 

Renvoyé devant la cour d'assises des mineurs

Placé en garde à vue, Farid E. conteste les faits qui lui sont reprochés et déclare même n’avoir "jamais eu de rapport sexuel". Le 5 février 1999, il est mis en examen et incarcéré au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Loos. Les amis de Farid sont, eux aussi, placés en garde à vue. Eux aussi contestent toute agression sur Julie D. Pourtant, à l’occasion d’une confrontation dans le bureau du juge, la jeune fille maintient ses accusations contre la bande. 

Le 19 janvier 2001, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Douai ordonne le renvoi de Farid E. devant la cour d’assises des mineurs du Nord. Son procès s’ouvre le 19 décembre 2003. À l’audience, Julie D. renouvelle ses accusations. Farid D. est déclaré coupable d’"agressions sexuelles" et de "viol sur mineur de 15 ans", et condamné à cinq ans d’emprisonnement, dont quatre ans et deux mois avec sursis. Comme il a fait de la détention provisoire, il est libre. Ses parents sont condamnés à verser 17.000 euros de dommages et intérêts à la victime.

Automne 2017, elle avoue

En octobre 2017, l’affaire connaît un rebondissement. Julie D. écrit au procureur de la République de Douai. Dans sa missive, elle "confesse avoir menti". "Monsieur Farid E. n’est coupable de rien et n’a jamais commis d’actes d’agression sexuelle ou de viol sur ma personne. Je souhaite aujourd’hui rétablir la vérité", rapporte Le Monde. Elle poursuit : "La vérité est la suivante : j’ai été victime d’incestes répétés de la part de mon grand frère Antoine, entre mes 8 et 12 ans". Elle joint à son courrier la plainte pour viol contre son aîné. Pourtant, rien ne bouge du côté de la justice. Julie D. fait une nouvelle lettre et finit par être convoquée au commissariat pour être entendue. 

Farid E., lui, poursuit sa vie comme il le peut, avec ce fardeau sur le dos. Il est marié, père de deux enfants, travaille dans le commerce. Inscrit au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais), il doit pointer au commissariat. "En 2017, on lui dit que ça n’était plus la peine de venir pointer, sans lui donner d’explication. Il a trouvé ça étrange, mais il a suivi les ordres", explique ce mardi à TF1info son avocat Me Franck Berton.  

Cinq plus tard, en juillet 2022, Farid E. est convoqué au commissariat. On lui apprend alors la nouvelle. Il n’y croit pas, finit par réaliser, à moitié, car il attend encore l’examen de la cour de révision à l’audience du 8 décembre à laquelle il assistera.

"Mon client n’a cessé de clamer son innocence au fil des ans, mais personne ne l’a cru. Jeudi, il pourra, s'il le souhaite, prendre la parole. Il est rempli d’espoir. Il a besoin que son innocence soit reconnue par la justice pour lui, mais aussi pour ses parents. Sa mère est à l’hôpital, en soins palliatifs, c’est important pour lui que tout le monde sache et reconnaisse qu'il n'a rien fait", insiste Me Berton. 

La décision devrait être mise en délibéré à l'issue de l'audience. Si la cour de révision lui donne raison, Farid E. pourrait devenir le douzième cas d'erreur judiciaire en France. Avant lui, il y avait eu notamment Loic Sécher, Patrick Dils ou encore Marc Machin. 


A.S

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