La création du parquet national antiterroriste, un "effet d'annonce considérable"

Publié le 1 juillet 2019 à 17h56
La création du parquet national antiterroriste, un "effet d'annonce considérable"
Source : AFP

JUSTICE- Prévu dans la loi de réforme pour la justice, le Parquet national antiterroriste entre en fonction ce lundi 1er juillet. Dirigé par le procureur Jean-François Ricard, il remplace dès ce jour la section antiterroriste du parquet de Paris. Maître Vincent Brengarth nous livre son analyse sur ce nouveau parquet.

C'est ce lundi 1er juillet que voit le jour le parquet national antiterroriste. Consacré par l'article 69 de la loi de réforme pour la justice, il exerce désormais les fonctions du ministère public, à l'instar du parquet financier créé en 2014, et a pour but de décharger le parquet de Paris des dossiers de terrorisme. Composée de 26 magistrats et sous la houlette du procureur Jean-François Ricard, cette nouvelle structure a en charge toutes les infractions terroristes ainsi que les crimes contre l'humanité, du début des investigations jusqu'aux procès. 19 de ses membres travaillaient déjà à la section antiterroriste du parquet de Paris, section désormais obsolète et donc supprimée.  

"Il y avait une volonté de stabilité car un dossier terroriste, c'est plusieurs années", a déclaré Jean-François Ricard à l'AFP. Le parquet doit donc reprendre des dossiers conséquents, comme les attentats de Paris en 2015 et de Nice en 2016, ou encore les assassinats des policiers de Magnanville en 2016. 

Longtemps demandé par certains acteurs politiques et judiciaires, ce parquet est-il considéré comme une réponse judiciaire adaptée à la lutte antiterroriste ? Maître Vincent Brengarth, avocat spécialisé en droit pénal et en libertés publiques, nous répond. 

Aujourd’hui, combien de dossiers pour terrorisme sont-ils ouverts au sein du parquet de Paris ? 

Me Vincent Brengarth : Il y a environ 400 à 500 informations judiciaires et 250 à 300 enquêtes préliminaires qui sont en cours. 

Ce parquet a pour compétences le terrorisme, mais également les crimes contre l’humanité. Pourquoi ? 

Pour des raisons de simplicité et de visibilité. C’est ce qui avait été évoqué au moment de sa création. Mais attention, ses compétences dédiées sont et doivent rester l’antiterrorisme.

La création d’un parquet consacré à la lutte antiterroriste est-elle une nécessité aujourd'hui ?  

Cette création est davantage de l’ordre de la communication politique. En même temps que naît le Parquet national antiterroriste, disparaît la section C1 du parquet qui était déjà dédiée à l’antiterrorisme. Une quinzaine de magistrats sont déjà attelés à cette tâche, sous la direction de Camille Hennetier (vice-procureure chargée de la lutte antiterroriste, NDLR). Cette section existe depuis 1986, avec des moyens affectés à cette disposition particulière qu’est le terrorisme, et a même vu ses effectifs augmenter au cours du temps. Donc il ne faut pas se tromper de débat et prétendre que ce sont des prérogatives nouvelles, que ce parquet est une création inédite. C’est surtout un effet d’annonce assez considérable. Et qui plus est, assez tardif, puisqu’il intervient presque quatre ans après les attentats de Paris.

Une inquiétude toutefois, l’ombre qui plane de la subordination hiérarchique du parquet. Cette mesure est quand même la volonté de l’exécutif, elle n’émane pas du terrain. Pour rappel, François Molins (ancien procureur de la République de Paris, NDLR) était opposé au départ à la création de ce parquet. Il a changé d’avis depuis. En 2016, l’ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas avait lui aussi considéré que c’était une mauvaise idée.

Avez-vous d’autres inquiétudes relatives à la création de ce nouveau parquet ? 

De façon plus générale, il y a toujours un danger de concentrer les pouvoirs entre les seules mains des magistrats du parquet. L’autre risque est celui de continuer dans une logique d’hyper-spécialisation. En effet, le contentieux terroriste obéit déjà à un contentieux d’exception. A terme, les magistrats peuvent se trouver un peu coupés.

A ce sujet, le Conseil d’Etat a rendu un avis le 12 avril 2018 sur l’opportunité d’un tel procureur antiterroriste, où il n’estime "pas dépourvue de pertinence… la création d’un parquet national antiterroriste". On peut noter la nuance de ces propos. Dans cet avis, le Conseil d’Etat pointait déjà "un risque d’isolement des magistrats affectés à ce parquet" ainsi qu’une "une rigidité inutile pour adapter les effectifs de magistrats affectés à la lutte antiterroriste aux évolutions de la criminalité en la matière". 

Quelle serait la réponse la plus adaptée face à l’engorgement de la justice dans le volet antiterroriste ? 

Davantage de moyens avec les outils existants. Ou encore une plus grande visibilité autour de Camille Hennetier, la personne en charge de la section C1. Je ne suis pas convaincu que personnifier les débats autour du procureur de la République soit une très bonne idée. Une médiatisation dans ces dossiers n’est pas toujours une idée opportune, pertinente. Ce sont des magistrats qui sont isolés et qui ont une obligation de résultat considérable. Si l’on ajoute une obligation de résultat "personnelle", leur travail risque d’être d’autant plus difficile. Il y a une logique exécutive de faire du chiffre, le nouveau parquet va donc devoir  faire preuve d’efficacité assez rapidement.


Caroline QUEVRAIN

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