Le premier bénéficiaire du statut de repenti en France jugé à partir de lundi

Publié le 18 février 2018 à 8h00
Le premier bénéficiaire du statut de repenti en France jugé à partir de lundi
Source : AFP

JUSTICE - Patrick Giovannoni est la première personne en France à avoir bénéficié du statut de repenti. Il sera jugé à partir de lundi par la cour d’assises d’Aix-en-Provence, aux côtés de cinq autres personnes, dans le cadre du procès du nationaliste corse Antoine Nivaggioni survenu à l’automne 2010.

Le procès de l'assassinat d'Antoine Nivaggioni  doit s’ouvrir lundi 19 février devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence et doit durer jusqu’au 2 mars. Antoine Nivaggioni a été tué le 18 octobre 2010 à Ajaccio en Corse après une tentative ratée quelques mois auparavant. Jacques Santoni, 40 ans, tétraplégique depuis un accident de moto en 2003, est accusé d'avoir été le commanditaire de l'opération.

Cinq autres membres ou proches de la "bande du Petit bar" seront jugés à ses côtés à partir du 19 février devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence, dont Patrick Giovannoni, premier bénéficiaire du statut de repenti en France. Et c’est ce dernier accusé qui fait d’ores et déjà l’actualité… 

"Petite main du Petit bar"

Une tentative d’assassinat d’Antoine Nivaggioni avait déjà eu lieu en mai 2010 et  Patrick Giovannoni, placé en garde à vue dans le cadre des investigations un mois plus tard, n’avait pas beaucoup parlé. 

Après la mort du nationaliste, le futur repenti a été plus bavard. Comme l’a rappelé Mediapart récemment dans un article, le quadragénaire "reconnaît alors avoir positionné, à deux reprises, des voitures au pied de l’appartement de l’ex-compagne d’Antoine Nivaggioni, à la demande de Jacques Santoni (chef présumé du Petit Bar). Il les a récupérées, selon les instructions précises de celui-ci, entre 6 et 7 heures du matin, ce qui a permis aux tueurs de garer leur propre véhicule à l’emplacement laissé libre. Pour l’assassinat, il a loué une Polo, dont Jacques Santoni lui a remboursé le prix de la location (800 euros) en liquide. Mais il jure n’avoir rien su du projet en préparation".

Nos confrères ajoutent que cette "petite main" de la bande du Petit bar "a joué le conducteur de voiture-ventouse en vue de l’assassinat d’Antoine Nivaggioni, rôle pour lequel il dit avoir été rémunéré à hauteur de 1 000 euros". Il a aussi  "géré le stock d’armes de la bande du Petit bar" ou encore  "gardé des valises entières de cannabis".... 

"Une mise en examen qui va tout changer"

Mis en examen le 26 juin 2014 pour complicité d’assassinat en bande organisée, Patrick Giovannoni va accepter dans la procédure du statut de repenti que lui propose le juge. Créé par la loi Perben II de mars 2004, les dispositions instaurant ce statut sont entrées en vigueur trois mois plus tôt grâce à un décret d’application en date du 17 mars 2014…. Reste que la procédure d’examen des candidatures des repentis est longue.. "En attendant la décision à Ajaccio, Patrick Giovannoni tremble pour sa vie", souligne Mediapart. Ce dernier a d’ailleurs était menacé à maintes reprises avant que le statut ne lui soit enfin accordé en mars 2015. 

Il a depuis changé de vie, de nom et de physique. Il a probablement eu recours d’ailleurs à la chirurgie esthétique. Il fait l’objet depuis d’une protection bien particulière qui ne sera jamais détaillée. "La première année, il a été pris en charge financièrement à 100 %, la deuxième année à 70 %, la troisième à 30 %. Ensuite, à lui de se débrouiller seul. Il est censé avoir retrouvé un travail et subvenir à ses besoins", souligne Mediapart

Un huis clos total demandé

S’il bénéficie du statut de repenti, si le service interministériel d’assistance technique (SIAT), service ultra-secret créé en 2004 au ministère de l’intérieur, œuvre, dans ce cadre,  à sa protection,  on ne peut que comprendre la crainte de cet homme à l’approche du procès qui s’ouvrira lundi à Aix-en-Provence et dont les modalités restent à ce jour inconnues. 

"Les conditions de comparution posent problème et on devra régler ça lundi", a fait savoir Me Laurent-Franck Liénard, avocat de Patrick Giovannoni, joint par LCI quatre jours avant l’ouverture du procès. Il formulera dès lundi une "demande de huis clos total". Autre option pour la cour, faire témoigner le repenti par visioconférence, le visage flouté et peut-être même la voix modifiée… 

" Il ne peut comparaitre comme un accusé ordinaire. Il a dénoncé les autres hommes dans le box.. Et s’il est condamné, que se passera-t-il en prison ? ", souligne  une source proche du dossier.  "La situation judiciaire est inédite. Ça n'aurait aucun sens d’envoyer cet homme en prison alors qu'il a participé à l'œuvre de justice en permettant la poursuite du commanditaire et des exécutants. Pourtant sur le papier il encourt une peine ferme", insiste  Me Liénard.  

En amont de ce procès inédit, le gouvernement a fait voter un  amendement à la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.  Il indique : "lorsque cette comparution est susceptible de mettre gravement en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches, la juridiction de jugement peut, d'office ou à la demande des personnes faisant usage d'une identité d'emprunt en application du deuxième alinéa de l'article 706-63-1, ordonner le huis clos ou leur comparution dans des conditions de nature à préserver l'anonymat de leur apparence physique, y compris en bénéficiant d'un dispositif technique mentionné à l'article 706-61. La juridiction de jugement statue à huis clos sur cette demande". On ne saura que lundi quelle option sera choisie par la justice..  


Aurélie SARROT

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