PROCÈS - Accusée d'avoir mis en place un "système d'espionnage" de ses employés ou candidats au recrutement, la filiale française du géant suédois Ikea comparaît depuis ce lundi devant le tribunal de Versailles, avec notamment plusieurs de ses ex-dirigeants à la barre.
Ce lundi matin a débuté, à Versailles, le procès dans lequel la filiale française du géant suédois de l’ameublement Ikea, ainsi que plusieurs de ses ex-cadres, comparaissent. Ces derniers sont accusés d’avoir mis en place un système de surveillance illégal des salariés grâce, notamment, à des policiers. Cette affaire avait été révélée en 2012 par le Canard Enchaîné et Mediapart avant d’être instruite après une plainte du syndicat FO, obligeant Ikea France à licencier quatre de ses dirigeants.
Selon l’instruction, un "système d'espionnage" d'employés et de candidats à l'embauche s'étendant sur l’ensemble du pays, d'Avignon à Reims, en passant par l'Ile-de-France, a été découvert. Ainsi, plusieurs centaines de personnes auraient ainsi été passées au crible, leurs antécédents judiciaires ou leur train de vie scrupuleusement examinés. Dans ce procès, qui doit durer jusqu'au 2 avril, la filiale française d’Ikea est poursuivie en tant que personne morale et encourt jusqu'à 3,75 millions d'euros d'amende.
Des sociétés d'investigation privées sollicitées
Dans le même temps, quinze personnes seront également jugées devant le tribunal correctionnel de Versailles, dont des directeurs de magasins, des fonctionnaires de police et des hauts dirigeants de la société comme l'ex-PDG Stefan Vanoverbeke (2010-2015) et son prédécesseur Jean-Louis Baillot. Ils sont notamment poursuivis pour collecte et divulgation illicite d'informations personnelles, violation du secret professionnel ou recel de ces délits, pour des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
Selon l’enquête, l'ex-directeur de la gestion des risques d’Ikea France Jean-François Paris envoyait des listes de personnes, salariés de la société ou candidats, "à tester" à des sociétés d’investigation privées auxquelles la filiale allouait un budget de 30.000 à 600.000 euros par an, selon l'ordonnance de la juge d'instruction consultée par l'AFP. Si les prévenus comparaissent pour des faits survenus de 2009 à 2012, ces pratiques remonteraient, selon l’accusation, au début des années 2000.
La direction aurait même fait engager une "taupe" aux caisses du magasin de Franconville. Des "agents doubles" dont l'existence est confirmée par Hocine Redouani, délégué central CGT chez Ikea : "On a embauché des gens sous couverts, qui avaient finalement une double mission qui était de surveiller les syndicalistes, selon l’entreprise, qui étaient un peu trop remuants."
En 2002, Hocine Redouani avait déjà remarqué ces manœuvres douteuses, lors de son embauche au magasin Ikea de Paris nord. Très vite, le directeur était venu le voir pour lui reprocher de ne pas lui avoir parlé de son casier judiciaire : "J’arrivais dans l’entreprise, c’était mon premier travail. L’idée pour moi, c'était de ne pas faire de vagues et de valider ma période d’essai. Ce casier judiciaire n’était pas le mien, la personne incriminée était un homonyme qui avait effectué un braquage à main armée." Ce dernier devra demander lui-même un extrait de casier judiciaire pour prouver qu’il n’a rien à se reprocher.
Des données collectées sur un fichier policier ?
Toujours selon l’investigation, Jean-François Paris adressait ces listes à Jean-Pierre Foures, dirigeant de la société de surveillance Eirpace. En retour, ce dernier remettait à l'ex-directeur de la gestion des risques des données confidentielles, comme les antécédents judiciaires des intéressés. Il est accusé d'avoir récupéré ces informations sur le STIC, un vaste fichier policier répertoriant les auteurs et victimes d'infractions, ce qu'il conteste.
Concernant les quatre policiers mis en cause et soupçonnés d’avoir fourni les informations du STIC à Jean-Pierre Foures, ils assurent n’avoir reçu aucune contrepartie financière, l’avocat de l’un d’eux évoquant une simple "imprudence" à l’AFP. Devant les enquêteurs, M. Paris s'est défendu d'avoir voulu "fliquer" les personnels d'Ikea, assurant suivre une consigne généralisée de l’ex-PDG Jean-Louis Baillot, qui lui aurait dit ne plus vouloir "embaucher de voleurs". Pour les faits reprochés, la peine d’amende encourue pour Ikea France peut aller jusqu’à près de quatre millions d’euros.
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