Messages haineux contre l'ancien journaliste et otage Nicolas Hénin : jusqu'à trois mois de prison avec sursis requis

Publié le 20 avril 2022 à 20h19, mis à jour le 21 avril 2022 à 9h47
Messages haineux contre l'ancien journaliste et otage Nicolas Hénin : jusqu'à trois mois de prison avec sursis requis

Source : AFP

Cinq personnes étaient jugées ce mercredi pour menaces, menaces de morts et harcèlement moral en ligne à l'encontre de Nicolas Hénin.
Seules deux étaient présentes devant la 24e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Le jugement sera rendu le 15 juin.

Tout a commencé en 2019, avec la question du rapatriement des djihadistes en France. Nicolas Hénin, ancien journaliste spécialiste du Moyen-Orient, ex-otage en Syrie entre 2013 et 2014, milite en sa faveur et le fait savoir sur les réseaux sociaux.

Pas du goût de Patrick Jardin, père de Nathalie, assassinée au Bataclan le 13 novembre 2015 qui poste sur son compte @patrick_jardin3 : "Ce ne serait que justice : 130 morts à Paris -130 djihadistes supprimés. Ce sont leurs enfants qui vont tuer les nôtres/Alors tuons leurs enfants d'ailleurs on devrait commencer par là". 

"Avoir perdu son enfant dans des conditions terribles n'est pas une excuse pour déverser un tel torrent de haine", lui répond Nicolas Hénin qui a fait un signalement sur Pharos et Twitter. Le 31 janvier, Patrick Jardin le dénonce : "Mon compte @PatrickJardin3 a été suspendu grâce à un petit journaleux gauchiasse Nicolas Hénin (…)."

Dès le lendemain, les insultes et menaces de morts fusent : 20.000 tweets en un week-end contre l'ancien journaliste. Au final, seules cinq personnes ont été identifiées. Deux seulement étaient présentes ce mercredi devant la 24e chambre du tribunal correctionnel de Paris à l'occasion de leurs procès pour leurs messages haineux adressé à l'ex-otage.

"Je n'avais jamais imaginé un tel déferlement de haine"

Présent lui aussi ce mercredi, Nicolas Hénin explique à la barre être arrivé sur Twitter en 2011, au début du printemps arabe, qu'il ne s'en servait à l'époque que pour avoir des contacts, des informations. 

À son retour de Syrie, il quitte le journalisme. Peu après, la France est confrontée à une vague d'attentats. Nicolas Hénin joue alors un rôle de prévention de la radicalisation. "Je me suis rendu compte que la radicalisation se passe beaucoup sur les réseaux sociaux. Et c'est comme ça que j'ai vu le tweet de ce monsieur (Patrick Jardin), que j'ai signalé". 

"Je n'avais jamais imaginé un tel déferlement de haine, une telle violence" dit-il, citant de nombreux "propos menaçants" notamment à l'égard de ses "enfants". "J'ai été pris d'un vrai malaise alimenté par de la peur" dit celui qui s'est vu prescrire dix jours d'ITT après ces faits. "Vous ne pouvez pas savoir si dans le lot vous n'allez pas avoir un type qui va se dire que c'est un devoir patriotique de me faire la peau" ajoute-t-il évoquant le "stress", "l'angoisse" et la "tension" à chaque fois qu'il se connectait Twitter. 

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"Je ne pensais pas qu'il allait le lire"

Face à l'ex-otage, deux prévenus au profil fort différents. Mattis d'abord, alias @Le_Chrétien, qui avait posté le 1er février 2019 "Putain mais quel fils de pute. C'est lui qui mérite l'exécution". À la barre, le jeune homme âgé aujourd'hui de 21 ans, étudiant dans une école de commerce, présente tout de suite ses excuses. "À l'époque, j'étais en prépa chez mes parents, j'avais beaucoup de pression. C'était compliqué". Il indique qu'il suivait des médias, et des journalistes sur Twitter mais qu'il commentait très peu. Il voit passer le tweet de Nicolas Hénin à l'égard de Patrick Jardin. "Ça ne m'a pas plu, j'ai voulu donner mon opinion rapidement, j'étais dans la colère", reconnaît le jeune homme aux cheveux courts bruns, lunettes sur le nez, chemise bleue et pantalon gris.

"'C'est lui qui mérite l'exécution', c'est pour faire mal", pointe le président. "Je ne pensais pas qu'il allait le lire", assure Mattis qui a supprimé depuis son compte et qui n'utilise plus Twitter. "Ce déferlement contre une seule personne, je trouve ça terrible et je suis horrifié d'avoir fait partie de ces personnes-là", insiste le prévenu, fils de banquier et d'une conseillère d'éducation principale, passionné d'histoire qui rêve de travailler "dans la diplomatie ou le renseignement". 

"Je voulais toucher M. Hénin"

A ses côtés, Nathalie, née en 1965, mariée et mère de deux enfants trentenaires. Tout de noir vêtue, cheveux au carré couleur poivre et sel, la responsable assurance qualité a posté deux messages sur le réseau sous le pseudo @Quetzal008….. "@N_Henin je souhaite que la prochaine victime de terroristes soit votre gosse. Je souhaite qu'il ait le temps de voir les autres tomber autour de lui et que la peur le bouffe de l'intérieur pendant de longues minutes pendant lesquelles il sait que la prochaine balle sera pour lui". La suite est tout aussi terrible. "@N_Henin je souhaite qu'avant de mourir il sache que son délateur de père aura de la compassion pour ses assassins…"

Pour justifier ces deux tweets, Nathalie déclare que ce qui est "arrivé à Patrick Jardin ne la rend pas indifférente". "Je ressens la douleur. J'ai tendance à me mettre à la place des personnes et ce qu'elles subissent. Quand on a perdu un gosse, c'est la pire chose qui puisse arriver. On peut avoir des propos très dur, très violent."

Nathalie affirme qu'elle ne souhaitait bien sûr "pas la mort d'enfants" mais qu'elle voulait "toucher M. Hénin". "C'était le but de lui faire comprendre à ma façon. Je regrette la forme, c'est violent", concède celle qui considère Twitter comme un "défouloir" : "J'aurais dû le formuler autrement." Elle aussi finira par s'excuser. 

A l'encontre des cinq prévenus, la procureure a requis jusqu'à trois mois d'emprisonnement avec sursis et deux ans d'inéligibilité. Deux mois avec sursis ont été requis à l'encontre de Mattis, et trois mois avec sursis à l'encontre de Nathalie. Le jugement a été mis en délibéré au 15 juin prochain. 


Aurélie SARROT

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