Mort d'Yvan Colonna : que retenir de l'audition du directeur de la prison d'Arles

Publié le 30 mars 2022 à 15h08

Source : TF1 Info

Après l'assassinat du militant indépendantiste corse, le directeur de la Maison centrale d’Arles a été auditionné devant la commission des lois.
Il a notamment dénoncé le comportement "dégueulasse" de l'agresseur.
Également entendue, l'ex-directrice a expliqué qu'il n'y avait pas de raison de séparer les deux détenus.

Huit jours après la mort d'Yvan Colonna, violemment agressé par un détenu radicalisé alors qu'il purgeait une peine de perpétuité pour l'assassinat du préfet Érignac, le directeur et l'ancienne directrice de la maison centrale d'Arles ont été entendus ce mercredi par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Au centre de ces auditions : les circonstances de cette agression mortelle qui s'est déroulée dans la salle de sport de la prison et le profil de l'agresseur, Franck Elong Abe.

Marc Ollier, l'actuel directeur de la prison d'Arles, a notamment dénoncé le comportement "dégueulasse" de ce dernier. Dans les images de vidéosurveillance, "c’est très froid, il se jette sur lui, pas un mot, rien. Aucune émotion. C’est hyper agressif", a-t-il détaillé.

"Personne n'a rien entendu"

S'agissant d'une potentielle vengeance après de supposés blasphèmes proférés par le militant indépendantiste corse évoquée par Franck Elong Abe lors de son interrogatoire, Marc Ollier s'est montré on ne peut plus sceptique. "Ça ne me paraît pas très crédible. Yvan Colonna était ouvert sur toutes les religions", explique-t-il, estimant que "c’est une excuse". Et de poursuivre, visiblement submergé par l'émotion : "Que Colonna ait blasphémé ou pas, peu importe. Il voulait se payer quelqu’un de connu (...) excusez-moi, je suis ému, je ne connaissais pas Colonna, mais c’était un être humain".

"Personne n'a rien entendu", a-t-il assuré par ailleurs face à la commission des lois alors qu'un rapport d'enquête, révélé ce mercredi par France Info, fait état de cris entendus par d'autres détenus au moment de l'agression, sans que personne n'intervienne. "Certains détenus ont dit avoir seulement entendu des petits bruits, comme si quelqu'un faisait du sport", nuance-t-il.

"Impossible" de surveiller tous les détenus

Au moment où Colonna a été agressé, il y avait au total 25 agents et deux gradés en détention, avance le directeur interrogé par un député, assurant que le bâtiment compte "douze ailes", et qu'il est "impossible" de surveiller tous les détenus en même temps, qu'ils soient Détenus particulièrement signalés (DPS) ou non. "Si on veut qu’ils n’aient aucun contact, il faut les mettre à l’isolement, ce qui n’était justifié ni pour Yvan Colonna, ni pour Franck Elong Abe", détaille-t-il, avant de revenir sur le secteur que le surveillant avait à couvrir ce jour-là. Ce dernier était en charge d’une aile "de 30 mètres de long", avec des détenus à surveiller dans différentes pièces, "sachant que la salle de musculation est située à l’autre bout de l’entrée de l’aile". Mais également d'une autre où sept détenus étaient rassemblés avec cinq intervenants, dont des femmes, ce qui justifiait selon lui une surveillance particulière.

Évoquant le nombre de détenus incarcérés à la maison centrale d'Arles, Marc Ollier juge que le meurtre du militant corse ne peut être attribué à un problème de surpeuplement. "Sur le taux d'occupation, la maison centrale a cet avantage de ne pas être surpeuplée, avec 130 détenus le 2 mars", jour de l'agression, insiste le directeur. Et de nuancer : "Par contre, il y a un phénomène à prendre en compte : les surveillants pénitentiaires sont des humains, et on a un taux d'absentéisme et de congés maladie à prendre en compte".

"Aucune raison de séparer les deux détenus"

Également interrogé sur l'opération de maintenance en cours sur l'un des postes de vidéosurveillance au moment de l'agression, le directeur a précisé qu'elle a duré "une à deux minutes". Et selon lui, le fait qu'elle n'ait pas lieu "n'aurait rien changé", le poste permettant certes de surveiller les 280 caméras de l'établissement mais qui défilent neuf par neuf sur les écrans. Or, "il n'avait aucune raison de regarder cette salle en particulier à ce moment-là", conclut le directeur "sauf si une alarme se déclenche".

Entendue avant Marc Ollier, l'ancienne directrice de la prison, Corinne Puglierini est quant à elle revenue sur le parcours et le comportement de Franck Elong Abe décrit comme "discret", "calme", "poli", "courtois" par les surveillants. "Il n'y avait aucune raison de séparer les deux détenus", martèle l'ancienne directrice de la prison interrogée sur la présence dans une même salle d'Yvan Colonna et de Franck Elong Abe, tous deux DPS, sans surveillance. "Une mesure de séparation aurait eu du sens si on avait eu le moindre indice, le moindre doute sur une difficulté entre ces deux personnes, ce qui n’était absolument pas le cas. Monsieur Colonna et Monsieur Elong Abe se fréquentaient", rappelle-t-elle, évoquant une relation cordiale alors que ces derniers jouaient aux échecs et faisaient du sport ensemble.

La Commission avait été saisie peu après l'agression du militant indépendantiste corse pour tenter, notamment, de déterminer la responsabilité de l’administration pénitentiaire.


Audrey LE GUELLEC

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