JUSTICE – L'ancien médecin doit être jugé à partir du lundi 30 novembre et jusqu'au 3 décembre devant les assises de la Charente-Maritime pour les agressions sexuelles et/ou les viols de quatre fillettes commis entre 1989 et 2017.
Ce sera son premier "vrai" procès, mais pas le dernier… Accusé de pédophilie, l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, qui aura 70 ans le 3 décembre, doit comparaître à partir de ce lundi 30 novembre et jusqu'au 3 décembre 2020 devant les assises de la Charente-Maritime.
Prévu initialement les 13, 16 et 17 mars 2020, le procès de Joël Le Scouarnec pour une première série de viols et agressions sexuelles et exhibition sexuelle commis entre 1989 et 1999 à Loches (Indre-et-Loire) et à Jonzac sur quatre victimes mineures, s'était ouvert à huis clos avant d'être interrompu au deuxième jour, en raison de la crise sanitaire due au Covid-19.
Deux des nièces de l'ancien chirurgien, aujourd'hui trentenaires, une patiente de l'hôpital communal qui n'avait que 4 ans en 1993, ainsi qu'une ancienne petite voisine âgée de 6 ans, prénommée Lucie, sont les victimes de ce premier volet. Sauf surprise, le procès devrait reprendre comme en mars à huis clos.
Affaire de pédophilie d'une ampleur inégalée
C'est la plainte des parents d'une fillette des voisins du chirurgien, alors installé à Jonzac, qui, en avril 2017, a permis de mettre à jour une série d'événements terrifiants. Avec ses mots d'enfants, Lucie* a raconté comment cet homme, de 63 ans son aîné, lui avait montré son "zizi" et ses "fesses", avant de se masturber dans le jardin mitoyen et de lui imposer, selon elle, une pénétration digitale. C'est ce récit qui va révéler une affaire de pédophilie sans précédent en France, avec des centaines de victimes potentielles durant les trente ans de carrière de ce médecin respecté, père de trois fils.
En effet, au cours des perquisitions au domicile de septuagénaire, les enquêteurs ont découvert au milieu de poupées, de perruques, ou encore de godemichets, des milliers de documents appartenant au chirurgien. Parmi ceux-là, un journal intime commencé en 1990 détaillant de possibles abus et une longue liste déroulant, de 1984 à 2006, des noms d'enfants, dans lesquels les quatre victimes étaient mentionnées. Les titres des carnets retrouvés sont sans équivoque :"Mes lettres pédophiles", "petite fille précoce", "petites filles de lIe de Ré"…
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"Attirance" pour les enfants
Après son interpellation en mai 2017, face aux enquêteurs, le médecin a admis avoir exhibé "son sexe et ses fesses" devant la petite Lucie et lui avoir demandé de "baisser sa culotte". Il ne se souvenait plus s'il s'était caressé devant la fillette. Joël Le Scouarnec leur a aussi confié son "attirance" pour les enfants, l'utilisation de poupées et d'objets sexuels et sa "boulimie" d'images pédophiles (300.000 retrouvées), qui lui avait valu en 2005 une condamnation pour des consultations illégales sur internet (4 mois avec sursis). Puis il avait livré des aveux, des "attouchements" sur ses deux nièces et des agressions - prescrites - sur d'autres enfants de son entourage et dans des hôpitaux.
"Il est temps qu'il passe aux aveux afin que les victimes puissent se reconstruire (...) il n'a plus rien à perdre", souligne l'avocate des parents de Lucie, Francesca Satta.
"Il n'est pas dans une logique de déni (...) Il sait que depuis des années, il a eu un comportement qui a fait du mal", assurait en mars son avocat Thibaut Kurzawa. Le chirurgien, qui reconnaît des attouchements mais conteste toute pénétration digitale, encourt 20 ans de réclusion criminelle au terme d'un procès où va planer sans doute l'ombre d'une autre affaire, d'une ampleur sans précédent.
"Qui savait quoi?"
Qui savait quoi ? Le Scouarnec a été plusieurs fois questionné par ses proches sur ses penchants. À commencer par sa sœur et sa femme, dont les témoignages sont très attendus. En mars dernier, avec le report du procès, l'avocat de l'association La Voix de L'Enfant, Me Frédéric Benoist, avait déclaré : il y a "le prédateur auto-proclamé" et "un autre forme de prédation, c’est ce silence de tous les adultes (...) une chape de plomb qui a contribué à ce que Le Scouarnec poursuive ses activités pendant une trentaine d'années".
Dans un communiqué publié le jeudi 26 novembre, l'association L'Enfant Bleu-Enfance Maltraitée "pose la question de multiples responsabilités qui ont permis au chirurgien d'échapper pendant près de 30 ans aux soupçons" et "déplore que des personnes, ayant été condamnées pour des agressions sexuelles, puissent continuer à exercer en toute liberté une profession en contact avec des mineurs".
Un autre procès à venir
S'il encourt 20 ans de réclusion pour les faits jugés au cours de ce premier procès, la peine pourrait être plus lourde pour le suivant : le jeudi 15 octobre 2020 en effet, le procureur de la République de Lorient Stéphane Kellenberger a en effet annoncé la mise en examen du chirurgien Joël Le Scouarnec pour viols et agressions sexuelles sur 312 victimes, principalement mineures.
Les faits ont été commis, principalement dans l'exercice de ses fonctions, entre 1986 et 2014, dans plusieurs établissements hospitaliers en France. La date de ce second procès n'est pas encore connue.
* le prénom a été modifié