Perrine, 9 mois, morte après avoir été gardée chez sa nounou : le poignant combat de ses parents pour connaître la vérité

Anaïs Condomines
Publié le 1 juillet 2016 à 17h46, mis à jour le 29 avril 2017 à 7h35
Perrine, 9 mois, morte après avoir été gardée chez sa nounou : le poignant combat de ses parents pour connaître la vérité

EXCLUSIF - Le ministère public vient de demander le renvoi devant une cour d’assises de Maryline, 29 ans, pour "violences volontaires". Cette nounou est soupçonnée d’avoir maltraité Perrine, 9 mois, au point de la tuer, le 21 mai 2014. Ses parents, Gwenaelle et Fabien Saulnier, ont accepté de raconter leur combat à LCI. Ils dénoncent d’importants dysfonctionnements contre plusieurs institutions.

Ils complètent les phrases l’un de l’autre, sans pour autant se couper la parole. Gwenaelle et Fabien Saulnier, parents meurtris, sont plus proches que jamais. "Dans pareille épreuve, un couple, ça passe ou ça casse. Nous, on a fait le pari de nous reconstruire." Cette épreuve, c’est la mort de leur fille Perrine, encore bébé, survenue le 21 mai 2014 après avoir été gardée au domicile de sa nourrice en région parisienne. Dans des conditions qui aujourd’hui encore, restent troubles, et pourraient connaître, d’ici la fin de l’année, une vérité judiciaire devant les tribunaux.

Il est 10h30 du matin, ce jour-là, quand Gwenaelle reçoit un premier SMS. Maryline, la jeune nourrice de 29 ans qui garde Perrine depuis six mois, la prévient. Perrine a vomi dans son lit, elle a failli s’étouffer. Deux heures plus tard, un nouveau coup de fil se veut rassurant : tout va bien, la petite s’est calmée. Et puis, à 13 heures, c’est la voix paniquée de la nounou qui retentit dans le combiné. "Elle est en pleine crise, elle a les yeux révulsés. J’appelle les pompiers." La suite est un cauchemar sans fin. Quand les secours arrivent sur place, Perrine est en arrêt respiratoire depuis au moins vingt minutes.

Des organes explosés

Direction les urgences du Kremlin-Bicêtre. "On nous annonce que notre fille ne va probablement pas passer la nuit. Que son cerveau est anéanti, que plusieurs organes abdominaux, dont la rate, sont explosés" se souvient la maman, qui se confie à LCI. Le lendemain, Perrine est toujours là. Mais seules les machines la maintiennent en vie. Ses parents, alors, décident de la laisser partir. Il est 7h05 lorsque, l’assistance respiratoire coupée, Perrine s’éteint. Elle avait neuf mois.

Une autre bataille commence alors. Car les médecins sont formels. Perrine a été maltraitée, elle montre tous les signes du syndrome du bébé secoué. Comment cela a-t-il pu arriver ? La police, d’abord, soupçonne les parents. "On a été placé en garde à vue pendant près de 27 heures, séparément. Les questions étaient très incisives, on ne comprenait pas ce qu’il se passait" détaille Fabien. Rapidement, néanmoins, les soupçons se portent sur la nourrice. Sa garde à vue, ainsi que celle de son mari, sont prolongées. Tous deux sont mis en examen pour "violences habituelles sur mineur de quinze ans". Lui sera libéré quelques mois plus tard, et placé sous contrôle judiciaire.

La nourrice nie en bloc

Les parents, eux, n’osent pas y croire. "Le jour du décès de Perrine, j’ai posé la question à la nourrice", détaille Gwenaelle. "Elle m’a regardé dans les yeux et m’a juré qu’elle n’avait jamais frappé notre fille. Je l’ai crue. D’autant qu’on avait vraiment un bon feeling avec elle." Peu à peu, pourtant, des éléments troublants leur reviennent en mémoire. "Les bleus sur le visage de Perrine ont commencé à apparaître au mois de février. La nounou disait qu’un autre enfant lui jetait des jouets à la figure. Avec le recul, on a l’impression d’avoir amené notre fille à son bourreau."

Pour l’heure, la mise en examen, toujours incarcérée, réfute en bloc les faits de violences. Elle pourrait, si le juge d’instruction suit les réquisitions du Parquet formulées la semaine dernière, comparaître devant les assises de Créteil pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", avec les circonstances aggravantes que les faits auraient été commis sur un mineur de moins de quinze ans, et par une personne ayant autorité. Yazid Benmeriem, son avocat, assure devoir "combattre les apparences" de sa cliente, "qui ne jouent pas en sa faveur". "Dans le dossier, le rapport psychologique la décrit comme ‘irritable’. Et son mari, dont le rôle dans ce drame reste encore à déterminer, l’accable." De son côté, l'avocate du couple, maître Sarah Desbois, estime que Maryline "ne doit pas se voiler la face en ce qui concerne ses implications". 

Des négligences ?

Mais Gwenaelle et Fabien veulent plus. Ils ont besoin de comprendre pourquoi personne n’a vu que Perrine faisait, comme le décrit le dossier, l’objet de maltraitances. Et pourquoi une nourrice aujourd’hui renvoyée devant les assises, avait obtenu un avis favorable de la part de la PMI, en vue de l’acquisition d’un agrément. Après avoir quitté son travail dans un bureau d'étude, Fabien est parti lui-même à la pêche aux réponses.

"J’ai passé le CAP Petite enfance, pour mieux connaître ce monde" dit-il. "Résultat : j’ai appris que ce diplôme, pourtant professionnalisant, n’est pas obligatoire pour exercer. Par ailleurs, j’estime que l’agrément est trop facilement délivré. Avec ma femme, nous avons décidé de porter plainte contre la PMI." Une information confirmée par leur avocate, qui souligne ce qu'elle pense être "un réel manque d'investigation" de la part des institutions. Contacté par LCI, le département du Val-de-Marne, dont dépend la PMI, ne fait de commentaire sur cette affaire. Mais assure être "engagé dans une dynamique de prévention du syndrome du bébé secoué, auprès de toutes les assistantes maternelles formées dans le département".

Autre combat, et pas des moindres : les parents de Perrine ont également décidé de poursuivre en justice un hôpital parisien pour enfants malades, pour négligence. "Moins d’un mois avant sa mort, nous avons emmené notre fille en urgence au service pédiatrique de cet hôpital. Notre médecin généraliste suspectait une méningite, car Perrine était toute molle, toute blême. Nous en sommes repartis avec un Doliprane et l’impression d’être des parents beaucoup trop inquiets" déclare Gwenaelle, amère. Avant d’ajouter : "On ira jusqu’au bout, on n’a plus rien à perdre."


Anaïs Condomines

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