Aéroport de Roissy : l’inquiétante saisie d’œuvres d'art en provenance de Syrie

par William MOLINIE
Publié le 20 septembre 2016 à 18h19, mis à jour le 21 septembre 2016 à 8h39
Aéroport de Roissy : l’inquiétante saisie d’œuvres d'art en provenance de Syrie
Source : William Molinié

ENQUÊTE – C’est une première en Europe : deux bas-reliefs syriens ont été saisis par les douaniers de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. De forts soupçons pèsent sur cette œuvre, en provenance sans doute de la zone de conflit irako-syrienne. Des trafics de biens culturels dans le viseur des autorités françaises.

C’est une saisie qui a fait mouche dans le petit milieu des experts. Deux bas-reliefs en marbre ont été interceptés par les douaniers de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 15 mars dernier dans la zone de fret. Une découverte gardée secrète pendant plusieurs mois. Et pour cause : désormais, les douaniers et enquêteurs en ont la quasi-certitude : ces deux pierres proviennent très certainement de pillages dans la moyenne vallée de l’Euphrate, dans la région du levant du Nord, une zone qui se trouve actuellement entre les mains des combattants de Daech.

Ce sont des spécialistes du musée du Louvre qui ont expertisé ces deux bas-reliefs, d’un poids de 108kg et datés entre le 14e et 16e siècle après-JC. "Les deux objets étaient particulièrement bien conservés et présentés comme des pierres d’ornement pour décoration de jardin", détaille Christophe Verbois, douanier responsable de la cellule de ciblage fret des opérations commerciales à Roissy. "Il y a de fort soupçons qu’ils soient issus de pillages en zone de guerre", ajoute-t-il, précisant ne pas pouvoir à l’heure actuelle en donner la certitude, compte-tenu du fait qu’il "faudrait aller sur place pour vérifier".

Pillage de la Syrie: deux plaques de marbre saisies par les douanes françaisesSource : Sujet JT LCI
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"On va voir remonter des œuvres majeures"

Cette découverte, de taille, inquiète les connaisseurs du marché illicite des œuvres d’art. "C’est à notre connaissance la première fois qu’une saisie de cet ordre est réalisée en Europe", avance auprès de LCI Edouard Planche, en charge du programme de lutte contre les trafics illicites de biens culturels à l’Unesco. "Les pillages en Syrie et en Irak sont un phénomène de grande ampleur. On en a encore pour des décennies. Petit à petit, on va voir remonter à la surface des œuvres majeures disparues", alerte-t-il.

A titre d’exemple, un millier d’objets ont été saisis au Liban entre 2011 et 2015. En Italie, 90 objets en provenance de Syrie ont été récupérés en début d’année. En Turquie, ce sont pas moins de 30.000 pièces qui ont été récemment interceptées. En Slovénie, trois statuettes en provenance d’Irak. D’autres en Suède ou en Norvège. Mais c’est surtout le musée de de Bagdad, pillé en 2003, qui apparaît de loin comme la plus grosse catastrophe culturelle de la région. A ce jour, dix mille pièces se trouvent toujours dans la nature.

Contrôles systématiques

"Il suffit de voir les photos satellites des sites culturels de ces régions pour comprendre l’ampleur du phénomène", souligne Edouard Planche. D’autant que ces pillages représentent une levée financière importante. Et que les trafics qui en découlent financent parfois des opérations terroristes. "Nous savons des services de police que des actes terroristes en Europe ont été financés en partie grâce aux trafics de biens culturels", avance le spécialiste.

En France, la législation a été durcie grâce à la loi du 7 juillet dernier. Désormais, les mesures de contrôle pour l’importation de biens culturels en provenance d’Irak et de Syrie sont systématiques. Pour autant, de nombreux biens échappent aux filets des douaniers grâce à la vente de particulier à particulier. Notamment sur des sites de vente en ligne, où il est relativement aisé de se procurer une statuette, une pièce de monnaie, ou un vase en provenance de Syrie ou d’Irak.


William MOLINIE

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