ENQUÊTE - Six policiers de la compagnie de sécurisation et d'intervention de Seine-Saint-Denis (CSI 93) ont été placés lundi en garde à vue à l'IGPN notamment pour détention et transport de stupéfiants et vol. Au total, leur compagnie est visée par pas moins de 17 enquêtes préliminaires dans des dossiers pour le moins douteux. Focus sur ce qui pourrait devenir un scandale d'ampleur.
Une nouvelle affaire vient écorner l'image des forces de l'ordre. Le 29 juin 2020, six policiers de la Compagnie de sécurisation et d'intervention de Seine-Saint-Denis (CSI 93) ont été placés en garde dans les locaux de l'IGPN.
Ils sont entendus sur des faits de détention et transport de stupéfiants, ainsi que pour vol, selon une autre source proche du dossier. Mais au total, la CSI 93 est visée par bien plus d'enquêtes qui la mettent encore un peu plus à à mal : 17 au total notamment pour violences et vols… Focus sur cette unité dont la dissolution est proche.
En garde à vue pour une affaire de mai 2019
Selon une source judiciaire, les gardes à vue qui ont débuté lundi ne portent que sur des faits qui se sont déroulés le 30 mai 2019 à Saint-Ouen devant un épicerie équipée de caméras et survenus au cours d'une "fausse opération anti-drogues". Plusieurs policiers interviennent ce jour-là pour contrôler Jonathan, le patron d'un salon de coiffure. Âgé de 37 ans et père de famille, il se rendait alors dans l'épicerie en question quand les agents sont venus vers lui sans qu'il sache pour quelle raison. "Il y a un policier qui, discrètement, mais heureusement que la caméra l'a vu, a sorti un sac de drogue et l'a jeté derrière moi", a raconté Jonathan sur France Inter mardi.
Suspecté de trafic de stupéfiants, le coiffeur qui a cru "mourir' ce jour-là après avoir été frappé et avoir subi une clé d'étranglement, a fini en garde à vue pendant 24 heures. Ses proches ont récupéré la vidéo de l'épicier et l'ont remises très rapidement à l'Inspection Générale de la police nationale (IGPN).
Une autre en août 2019
Le 9 août 2019, la CSI 93 a déjà défrayé la chronique. La scène se passe cité Cordon, à Saint-Ouen, à l'occasion de l'interpellation violente d'un homme de 20 ans, par plusieurs policiers. Initialement interpellé pour "trafic de drogues", le jeune homme avait été entendu par les enquêteurs de l'IGPN et avait déposé plainte pour "violences" contre des policiers de la compagnie.
Aux enquêteurs qui l'ont entendu, ce jeune SDF, qui vendait du shit ce jour-là, a indiqué qu'un individu lui avait demandé de la drogue. Alors qu'il coupait un morceau, son interlocuteur, policier en civil, l'a "gazé". " Dans la foulée, il m'a directement donné des coups. Je n'ai rien compris. Je me suis débattu. Je suis parti sur le parking pour m'échapper, il m'a rattrapé, il m'a donné des coups", a-t-il expliqué.
Le jeune homme indique ensuite avoir été menotté et avoir reçu un "coup de pied dans la tête". "Une fois dans le camion, les policiers m'ont étranglé et ils m'ont donné des coups de pieds sur la tête. Ils m'ont donné des coups de taser sur les parties génitales à au moins trois reprises", a-t-il détaillé au cours de son audition. La victime indiquera par ailleurs avoir "vraiment eu peur" au cours de l'étranglement. "Je me suis vraiment vu mourir, dix secondes de plus et je mourais dans leur camion. Dans le camion, ils m'ont mis à terre et même pas sur un siège. J'étais allongé par terre. Ils appuyaient sur ma tête avec leur chaussures". Des images, provenant d'une vidéo amateur et de la vidéosurveillance, corroborent la version du jeune homme concernant les faits commis hors du véhicule.
Six policiers de cette CSI, dont plusieurs venus en renfort ce jour-là, avaient à ce moment-là été placés en garde à vue avant d'être remis en liberté en attendant des "actes d'investigation supplémentaires", comme l'avait indiqué le parquet à l'époque.
Un des fonctionnaires de la compagnie doit être jugé le 5 novembre pour violence par personne dépositaire de l'autorité publique et faux en écriture publique, a indiqué mardi une source proche de l'enquête. Dans son compte-rendu d'intervention, ce dernier avait en effet affirmé avoir pris le jeune homme en flagrant délit de vente de drogue. Puis, il avait également raconté l'avoir poursuivi alors qu'il fuyait puis l'avoir interpellé alors qu'il se débattait….
Les gardes à vue de lundi dernier prolongées
Ce 29 juin donc, six agents appartenant à cette CSI ont été placés en garde à vue lors d'un coup de filet mené par l'IGPN, la "police des polices"avec à la clef plusieurs perquisitions dans le cadre de l'affaire de mai dernier. Elles peuvent durer jusqu'à 96 heures.
Leur audition par les "bœufs-carottes" s'est poursuivie mardi. Ils sont notamment soupçonnés de détention et de transport de stupéfiants ainsi que de vol, a précisé une source proche du dossier.
Les policiers incriminés ont été placés sur écoute pendant de longs mois, sur leur lieu de travail, dans leur véhicule et dans leurs vestiaires. Leurs comptes bancaires ont fait apparaître des rentrées d'argent suspectes.
17 enquêtes judiciaires
Mais les soupçons ne s'arrêtent pas là. La hiérarchie est alertée très vite. Selon plusieurs sources, l'IGPN a ces agents dans le viseur depuis plusieurs mois. Véhicules et vestiaires des mis en cause auraient été sonorisés pour tenter de mettre au jour les pratiques "plus que douteuses" de ces agents.
Violences, vols, extorsions, faux et usages de faux, falsifications de procès-verbaux et délits liés au trafic de stupéfiants : la compagnie de sécurisation et d'intervention (CSI) de Seine-Saint-Denis est au cœur de nombreuses investigations, a-t-on appris de source proche de l'enquête.
En septembre 2019, un juge d'instruction avait été nommé et 17 enquêtes judiciaires ouvertes.
Une compagnie qui sera en partie dissoute
Dès lundi, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, avait annoncé qu'il avait "décidé d'engager une réflexion sur la réorganisation des unités de police de la CSI 93 à laquelle appartiennent les fonctionnaires mis en cause", selon la préfecture de police (PP). "Si des comportements fautifs étaient susceptibles d'être confirmés, ils appelleraient des sanctions", a-t-on ajouté à la PP.
Dès le lendemain, mardi 30 juin, plusieurs sources indiquaient que la compagnie de sécurisation et d'intervention (CSI) de Seine-Saint-Denis, visée par 17 enquêtes judiciaires sur des soupçons de violences, vols, falsifications de procès-verbaux et délits liés au trafic de stupéfiants, allait être en partie dissoute.
La première Compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) a été créée en 2003 par Nicolas Sarkozy, pour assurer la sécurité des quartiers de la Paris, et servir de renfort lors de violences urbaines. La deuxième CSI a été créé à Bobigny en 2008. Elle comptait à l'époque 113 agents.
Il existe en 2020 une douzaine de CSI en France: en Ile-de-France, mais aussi en province comme à Strasbourg ou encore Marseille. Les CSI d'Ile-de-France sont sous l’autorité de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP). Celles situées en province dépendent elles de la police nationale.
Quatre CSI sont implantées sur chaque département de l’Agglomération parisienne: la CSI 75, la CSI 92, la CSI 93 et la CSI 94. Elles sont constituées de plus de 500 fonctionnaires au total. Ces unités, spécialisées dans la sécurisation et la lutte contre la délinquance, sont aussi entraînées à rétablir l'ordre public et à lutter contre les violences urbaines.
Elles sont organisées en unités "tenue" à qui incombent la sécurisation et la lutte contre la délinquance de voie publique et les violences urbaines, et en unités "spécialisées" composées de fonctionnaire en civil (lutte anti-délinquance en flagrant délit), de motocyclistes et de groupes de soutien opérationnel formés à la pénétration en milieux confinés ou sur les sites sensibles.
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