À partir de lundi, Mohamed Lamine Aberouz comparait devant la cour d'assises spéciale de Paris.Il est soupçonné d’avoir été présent au moment où le djihadiste Larossi Abballa a assassiné les policiers Jean-Baptiste Salvaing et sa compagne Jessica Schneider à leur domicile, le 13 juin 2016, en présence de leur enfant de 3 ans.L'auteur principal des faits a été neutralisé le soir des faits.
Un crime effroyable, un traumatisme pour la police et aujourd'hui un seul accusé dans le box. Sept ans après les assassinats des policiers Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, et de Jessica Schneider, 36 ans, à Magnanville (Yvelines), Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, comparaît à partir de ce lundi et jusqu'au 10 octobre devant la cour d'assise spéciale de Paris.
Ce franco-marocain est jugé pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste sur personnes dépositaires de l'autorité publique", "complicité de séquestration volontaire sans libération avant le 7e jour" et "association de malfaiteurs terroriste en vue de préparer des crimes d'atteintes aux personnes".
Il est soupçonné d'avoir été présent le 13 juin 2006 sur les lieux du double assassinat perpétré par son ami Larossi Abballa. Son ADN a été retrouvé sur le repose-poignet de l'ordinateur du couple. Pour l'accusation, cet ADN est la preuve que Mohamed Aberouz était présent quand son ami a commis cet attentat. Mohamed Lamine Aberouz, qui a toujours clamé son innocence depuis sa mise en examen en 2017, assure n'avoir quitté son logement ce soir-là que pour aller à la mosquée aux Mureaux, près de chez lui.
"C'est de la part de l'État islamique"
Ce lundi 13 juin 2016, Jessica Schneider, adjointe administrative principale au commissariat de Mantes-La-Jolie, récupère son petit garçon âgé de 3 ans au centre de loisirs avant de regagner son pavillon de Magnanville. Chez elle, un homme l'attend : Larossi Abballa, français âgé de 25 ans. Quand elle entre dans la maison vers 19h, le terroriste lui saute dessus et la tue de plusieurs coups de couteau.
Jean-Baptiste Salvaing, qui est encore au commissariat des Mureaux où il travaille, ignore tout du drame qui se déroule chez lui. À 20h06, il quitte son travail et envoie à sa compagne un SMS : "Je pars". Le message restera sans réponse. À 20h20, alors qu'il vient de franchir le portail de son domicile, le commandant de police est à son tour poignardé par le même homme. Il hurle à un voisin d'alerter les forces de l'ordre, puis s'effondre au sol. À 21h, son décès est constaté par un médecin.
Juste après avoir poignardé la deuxième victime, Larossi Abballa s'enferme dans le pavillon avec le petit garçon. Le terroriste a mis son jeune otage devant la télé, au premier étage. À 20h30, un témoin appelle la police, raconte qu'un voisin vient d'être poignardé, que des personnes sont en train de lui faire un massage cardiaque. Il dit aussi qu'un homme porteur d'un couteau se trouve au niveau d'un velux de la maison et qu'il vient de crier : "J'ai un otage, si vous rentrez, vous allez voir ce qu'il va se passer", "Vous êtes chez nous, on vient chez vous. C'est de la part de l'État islamique, j'ai des armes".
Les effectifs de police locaux se rendent sur place et découvrent Jean-Baptiste Salvaing au sol. Son corps présente dix plaies par arme blanche. À 22h, ils sont rejoints par les équipes du Raid et une tentative de négociation est entamée. En vain. À minuit, l'assaut est donné. Quand les policiers entrent, Larossi Abballa se jettent sur eux et hurlent : "Allahu Akbar". Il est neutralisé.
Face aux fonctionnaires, au rez-de-chaussée, le corps sans vie de Jessica Schneider, présentant une grave blessure au niveau du cou. À l'étage, le petit garçon est retrouvé sain et sauf. Pris en charge, il est conduit à l'hôpital Necker.
Live sur Facebook, appel au meurtre, Daech...
Trois couteaux, dont un couteau de boucher avec une lame de 22 cm présentant des traces de sang sont découverts dans la maison. Les enquêteurs trouvent également plusieurs lettres, dont l'une comportant des menaces de mort envers des policiers, des surveillants pénitentiaires, des députés et maires mais aussi des journalistes et rappeurs célèbres dans l'Hexagone. "On vous attendra devant vos demeures, on égorgera vos enfants" peut-on lire notamment sur ces missives.
Les investigations permettent d'établir que l'assassin, après avoir achevé les deux policiers, et alors que le petit garçon de 3 ans est présent dans le pavillon, va, à plusieurs reprises se connecter sur Internet à l'aide de l'ordinateur du couple et poster plusieurs messages grâce à différents supports sur les réseaux sociaux.
À 20h52, il poste une vidéo de revendication sur Facebook live. Dans celle-ci, il affirme qu'il vient de tuer un policier et sa femme et montre l'enfant en indiquant : "Je ne sais pas ce que je vais faire de lui encore". Il y appelle aussi, comme dans le texte retrouvé par les policiers, à tuer certaines catégories de personnes. "L'Euro sera un cimetière. Nous aussi Hollande (...) nous aussi nous serons impitoyables et j'ai été impitoyable avec ce policier et sa femme et dis-toi que j'ai encore son petit".
À 21h50, il poste sur son compte "Mohamed Ali" le message "Voilà la femme, son mari est dans la rue", photo à l'appui.
La vidéo, après sa diffusion sur Facebook, a été reprise par Amaq, organe de propagande de l'État islamique. Dans les appareils électroniques de l'assassin seront retrouvés entre autres la bande audio d'allégeance et de revendication d'Amedy Coulibaly, auteur de l'attentat de l'Hyper Cacher en 2015 ou encore un discours d'Abou Mohammed Al Adnani, porte-parole de l'État islamique.
Quid du mobile?
Le procès qui va durer trois semaines pourra-t-il éclaircir le mobile de ce double assassinat ? Pourquoi ce couple de policiers a-t-il été visé par cet homme radicalisé, et peut-être comme le soutient l'accusation, par son complice Mohamed Lamine Aberouz? L'enquête n'a pas permis de le déterminer.
Si aucune trace de menace ni de relations antérieures entre Larossi Abballa et les victimes n'a été découverte au cours des investigations, il est avéré que l'attentat a été préparé par le terroriste. Ce dernier, qui après avoir vécu aux Mureaux était domicilié à Mantes-la-Jolie en 2016, a fait, au fil des jours, des recherches sur les victimes sur Internet, des repérages et les a même suivis à plusieurs reprises. Était-il seul pour ces "préparations" comme pour la commission des faits ? La défense assure que Mohamed Lamine Aberouz n'était pas présent et que son ADN sur l'ordinateur est un ADN de transfert laissé soit par des gants portés par Larossi Abbala, soit par ses mains.
Des rumeurs de voisine ont évoqué la présence d'un deuxième homme. Tout comme le petit garçon du couple qui s'est confiée à des proches et à une psychologue de l'hôpital Necker où il a été pris en charge. Sa tante, entendu par les enquêteurs, a déclaré que son neveu avait vu sa mère se faire tuer et avait évoqué un deuxième "méchant" lors de ses séances chez la psychologue...