Assassinat de Xavier Jugelé : "Je n'ai rien à voir avec cette vente d'arme ni avec le terrorisme"

Publié le 15 juin 2021 à 17h11

Source : TF1 Info

PROCÈS - Quatre ans après l'assassinat du policier Xavier Jugelé sur les Champs-Élysées, la cour d'assises spéciale a procédé ce mardi à l'interrogatoire du principal accusé Nourredine A. Sur les quatre hommes jugés depuis lundi 7 juin, il est le seul à être poursuivi pour "association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un crime". Il conteste les faits qui lui sont reprochés.

Pendant l'instruction comme au procès qui a débuté le 7 juin dernier, quatre ans après l'attentat commis sur les Champs-Elysées par le terroriste Karim Cheurfi, il y a eu de nombreuses versions, souvent contradictoires. Mais au septième jour du procès de quatre hommes, jugés pour trois d'entre eux pour "détention et ou cession d'arme" et pour "association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un crime", la manifestation de la vérité n'a visiblement pas éclaté au grand jour. 

Considéré comme le principal accusé, Nourredine A., 31 ans, soupçonné d'avoir acheté la Kalachnikov pour la revendre à Karim Cheurfi, maintient ainsi sa version initiale et conteste les faits qui lui sont reprochés. Selon lui, il n'a pas remis la Kalachnikov utilisée par le terroriste le 20 avril 2017 pour abattre le policier Xavier Jugelé et blessé deux de ses collègues et une touriste allemande sur la plus belle avenue du monde. "Je n'ai rien à voir avec cette vente d'arme et encore moins avec le terrorisme", a clamé le trentenaire dans le box t-shirt gris, jean, cheveux noirs coiffés en arrière. 

Selon la version de Nourredine A., Karim Cheurfi, il l'a croisé en prison en 2009. Ce dernier est alors détenu pour "tentative d'assassinat sur plusieurs fonctionnaires de police". Nourredine A. assure qu'il l'ignore à l'époque et indique avoir échangé une seule phrase avec ce dernier en détention. 

Karim Cheurfi sort ensuite en 2013 de prison. Nourredine A. dit l'avoir croisé plus tard en 2017, devant le café L'Écu de France à Chelles, en Seine-et-Marne. Ils échangent quelques mots. Nourredine A. veut alors acheter une moto. L'achat qu'il a convenu avec une tierce personne ne se fait pas. Karim Cheurfi aurait alors précisé à Nourredine A, qu'il vendait sa Suzuki. Selon l'accusé, la transaction s'est faite en quelques jours. Des dizaines d'appels entre les deux hommes dont 42 sur le seul 31 mars 2017, quatre jours de transaction et la moto est aux mains de Nourredine A. moyennant 800 euros. Un bon prix pour celui qui dit avoir "couillé"son vendeur qui voulait vendre sa moto 1500  euros.

Quant à la Kalachnikov, Nourredine A. maintient ne l'avoir jamais vue. Pour lui, les échanges avec l'homme qui allait devenir le 20 avril un terroriste ne porte que sur l'achat de la moto. "Contrairement à tout le quartier de Chappe à Chelles", comme l'a pointé le ministère public, Nourredine A. assure qu'il ignorait que Karim Cheurfi était "fou", "dérangé" et qu'il avait une "haine des flics". L'avocate générale relève que les deux hommes vivent dans le même quartier, qu'il se dit lui-même sociable et qu'il est difficile de croire qu'il puisse ne pas être au courant. L'accusé s'en défend : "Karim Cheurfi est de Chelles mais on n'est pas voisin, il habite dans la zone pavillonnaire et moi dans la cité. J'en ai rien à foutre de ce mec-là. Je l'ai vu pour la moto, c'est tout". 

Il se rend de lui même à la police

En couple et père de deux jeunes enfants, Nourredine A. s'est rendu de lui-même à la police le 24 avril 2017, quatre jours après l'attentat des Champs-Elysées et après avoir réalisé que son vendeur de moto était l'auteur de l'attaque sanglante. 

Au cours  de sa garde à vue qui a duré jusqu'au 27 avril, il a parlé de la transaction de la moto et décrit Karim Cheurfi comme quelqu'un de "space", "au ralenti". Il affirme avoir dit aux policiers qu'il ne voulait plus de la moto, depuis qu'il avait pris connaissance de l'attentat. Ressorti libre le 27 avril, Nourredine A. sera finalement interpellé le 9 juin après que des éléments de l'enquête l'ont mis en cause.  

En effet, les autres accusés à ses côtés dans le box aujourd'hui donnent une tout autre version des faits. Ainsi, Mohamed B., 28 ans, déclare que Nourredine A. cherchait désespérément une arme en 2017. "Il m'a dit que c'était pour défendre son terrain de stup, qu'il avait des soucis avec des gens" a détaillé Mohamed B. à l'audience  la semaine dernière. 

La Kalachnikov, "un bijou", "un trésor"

Mohamed B. pense alors à Yanis A. assis à ses côtés aujourd'hui dans le box. En 2016, ce dernier avait trouvé dans une cage le fusil d'assaut. Il dit l'avoir gardé ensuite comme "un bijou", "un trésor", qu'il a manipulé et qu'il ne voulait "pas vendre". 

Au cours d'un voyage à Cancún, Yanis A. est contacté par Mohamed B. qui veut l'arme pour Nourredine A. Dans un premier temps, Yanis A. dit non, mais"harcelé" par son interlocuteur, il affirme avoir fini par céder. Mohamed B. dit avoir joué les intermédiaires dans la transaction mais ne pas y avoir assisté. La Kalachnikov, selon les deux hommes, finit ensuite entre les mains de Karim Cheurfi, via l'intermédiaire Nourredine A.

Le ministère public  semble adhérer davantage à cette thèse qu'à la version donnée par Nourredine A. Poursuivis pour détention ou cession d'armes, les deux hommes reconnaissent les faits qui leur sont reprochés.  Les avocates générales ne croient pas que Nourredine A. n'ait été en contact avec Karim Cheurfi que pour la moto. "Qu'est-ce qu'évoque pour vous une Kalachnikov ?", demande l'une d'elle au principal accusé. Nourredine A. répond simplement : "Une arme à feu". La représentante du ministère public agacée le reprend : "Une arme à feu, c'est tout ? Pour vous il n'y a pas de différence dans les armes ? (...) Vous suivez un peu l'actualité, les attentats ça vous parle ? Le Bataclan ? Vous savez qu'ils avaient des Kalachnikovs ? Vous ne savez pas qu'une Kalachnikov c'est pour faire un massacre, que c'est une arme de guerre ?". Nourredine A. reste sur sa ligne de défense : "Une arme, c'est une arme, je ne suis pas expert". 

Le procès doit se poursuivre jusqu'à jeudi.


Aurélie SARROT

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