Procès Bettencourt : Eric Woerth, le cœur léger

Publié le 10 février 2015 à 19h30

JUSTICE – Eric Woerth a été entendu ce mardi au tribunal correctionnel de Bordeaux où se tient le procès Bettencourt. L'ancien ministre du Budget est soupçonné de recel. Et malgré le témoignage de l'ex-comptable Claire Thibout, qui maintient ses accusations, l'homme pourrait bénéficier d'un non-lieu.

A la barre, Eric Woerth parle vite, très vite. Ne prend jamais le temps de réfléchir lorsque le président l'interroge. Un signe qui trahit sans doute sa volonté d'en finir avec ce dossier qui l'empoisonne depuis cinq ans. Et qui lui a coûté, à l'époque, son poste de ministre du Travail. Mais qui montre aussi à quel point il est sûr de son coup. Comme tout politique qui se respecte, les phrases s'enchaînent parfaitement. Le discours est rodé. Convaincant. Et ce n'est pas le président du tribunal, pourtant pugnace avec les autres prévenus, qui le mettra mal à l'aise. Ils échangeront même quelques traits d'humour.

Là où les amis et proches de Liliane Bettencourt sont pour la plupart soupçonnés d'avoir abusé de la faiblesse de la vieille dame pour son argent, Eric Woerth est soupçonné de recel. L'ex-comptable de la milliardaire, Claire Thibout, soutient mordicus que le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre a remis à l'ancien ministre 50.000 euros en liquide début 2007. Une somme destinée à soutenir la campagne de Nicolas Sarkozy et dont Eric Woerth, en tant que trésorier, était charger d'alimenter les caisses. Le candidat pour la présidentielle avait "séduit" Patrice de Maistre, qui figurait parmi les grands donateurs du parti.

"Des coïncidences troublantes"

Contrairement aux autres prévenus, aussi, il ne connaît pas les Bettencourt. Sur l'air du "Je n'ai rien à faire ici", l'ex-ministre tient ses distances avec le "clan" Bettencourt. Il n'a rencontré Liliane que trois fois (lors de dîners ou cérémonies), son époux André, jamais. "Je suis l'un des rares politiques français qui ne connaît pas les Bettencourt", fait même remarquer le député de l'Oise. Non, lui n'a rien à voir avec toutes ces "choses" qui se passent "dans la maison Bettencourt", ces "règlements de comptes" et son "ambiance malsaine" qu'ont donné à voir les débats, ces derniers jours, au tribunal de Bordeaux.

Pourtant, les "coïncidences troublantes" ne manquent pas, comme le souligne le président Denis Roucou. Comme ce rendez-vous dans un café avec Patrice de Maistre le 19 janvier, c'est-à-dire le lendemain de la fameuse entrevue où la comptable raconte avoir remis les 50.000 euros au gestionnaire de fortune. Et cet autre rendez-vous, cette fois en février, deux jours après une importante arrivée de fonds (400.000 euros) venus d'un compte en Suisse des Bettencourt... Nouvelle coïncidence ?

Interrogatoire express

Les deux hommes assurent qu'il s'agissait de "parler politique". "Je comprends la suspicion, mais c'est vrai", assure Eric Woerth à la barre. "Je n'ai jamais reçu d'argent de la part de monsieur de Maistre, martèle-t-il. Durant cette campagne, nous avons reçu des dons de manière considérable. Qu'aurais-je eu besoin d'aller courir je ne sais quel café pour récupérer je ne sais quel argent !?" Mais comment expliquer alors ces dates concordantes ? "On retirait beaucoup d'espèces dans cette maison (environ 50.000 euros par semaine, ndlr). Si vous avez rendez vous avec quelqu'un de chez les Bettencourt, c'est forcement juste avant ou après un retrait d'argent", répond, flegmatique, l'ex-ministre. Le tribunal n'insistera pas. L'audition s'achève, après une heure seulement.

Un record quand on pense aux prévenus François-Marie Banier ou Patrice de Maistre et à leurs interrogatoires à rallonge. Ou à Claire Thibout, qui n'est que témoin dans ce dossier, et que les avocats de la défense ont cuisiné pendant plus de quatre heures. Auditionnée ce mardi en viso-conférence (son état de santé ne lui permettait pas de se déplacer), l'ex-comptable de Liliane Bettencourt était la cible à abattre. C'est en effet son témoignage qui accable de nombreux prévenus, dont Eric Woerth. Mise en examen pour faux témoignage à Paris, elle n'a connu aucun répit sous le feu nourri des avocats de la défense, qui ont pointé ses "incohérences". Claire Thibout s'emporte, crie, soupire, s'agace. Mais a aucun moment elle ne revient sur son récit initial. L'enveloppe de 50.000 euros a bien atterri dans la poche de Woerth, selon elle. "Je n'ai rien inventé." Cela ne suffira sans doute pas pour condamner l'ancien ministre. Le parquet a d'ailleurs requis un non lieu. Et comme son ancien patron Nicolas Sarkozy l'an dernier, Eric Woerth pourrait s'en tirer sans dommages.

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La rédaction de TF1info

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