JUSTICE - Ce jeudi à Créteil se déroulait le procès des rappeurs Kaaris et Booba, ainsi que des neuf autres personnes impliquées dans la rixe survenue à Orly, en août dernier. Le parquet a requis un an de prison avec sursis contre chacun des deux rappeurs. Jugement le 9 octobre.
Ce fut une audience banale dans un procès peu commun. Banale par les faits, une bagarre, mais peu commune par son emplacement, en salle d'assises du tribunal de Créteil, par l'identité des prévenus et par le service de sécurité. C’est en tout cas ce que soufflent les habitués de la salle des pas perdus.
Le 1er août dernier, les clashs sur les réseaux sociaux opposant Kaaris à Booba se sont concrétisés dans un terminal de l’aéroport d’Orly Ouest. En tout, ce sont onze personnes qui étaient jugées, ce jeudi, devant le tribunal correctionnel de Créteil, pour violences aggravées et vols en réunion. Ils risquent dix ans de prison.
Dans la salle d’assises du tribunal de Créteil, les prévenus, qui comparaissaient libres, ont pris place, chacun leur tour, peu avant 14 heures. Face au tribunal, les deux équipes ne sont séparées que de quelques centimètres. A droite, l’équipe de Booba, chemise à carreaux, noire et blanche, floquée d’un "Check Shirt". A gauche, celle de Kaaris, vêtu d’une chemise blanche.
Des personnes ont été heurtées par les images. Je présente mes excuses
Kaaris
L'audience s'ouvre sur un faux départ. La faute à un traducteur créole-haïtien ou anglais, absent, pour traduire les propos des juges à Daniel Toussaint, alias Gato da Bato. L'audience doit être suspendue. A la reprise de celle-ci après de longues minutes, quand on annonce les faits pour lesquels Daniel Toussaint est poursuivi, le greffier embauché comme traducteur à la dernière minute est incapable d’employer la terminologie exacte en anglais. Rebelote, l’audience est suspendue.
Comme annoncé, la défense plaide la nullité des procès-verbaux de comparution immédiate : les avocats expliquent qu'ils n'ont pas reçu les CD-Rom contenant les éléments du dossier en temps et en heure, au moment des gardes à vues, le jour de la rixe. Un argument réfuté par le parquet et un coup d'épée dans l'eau pour la défense : la cour décide de renvoyer les incidents au fond. Le procès se tiendra bel et bien.
D'ailleurs, la parole est donnée aux prévenus. Tous disent attendre de "voir les vidéos", ou n'avoir "aucune déclaration à faire". Seul Kaaris fait le vœu de s'exprimer : "Ce qui s’est passé n’est pas bon. Des personnes ont été heurtées par les images. Je présente mes excuses. Je ne suis pas à l’origine de cette rixe. J’ai dû me défendre. Je suis vraiment désolé, je suis dans une position d’apaisement."
Je le touche pas, c'est un coup d'intimidation
Booba
Durant de longues semaines, les avocats de Kaaris ont expliqué que leur client n'était pas à l'origine de la rixe. Les visionnages des vidéos devaient éclaircir tout ça. Les avocats s'écharpent forcément sur leur interprétation. Qui a donné le premier coup, qui déclenche la bagarre ? Que disent les images ? Elles ne sont pas très claires, à vrai dire. Tant les celles de vidéosurveillance que celles postées sur Internet. Après un visionnage minutieux, où il a fallu se concentrer sur un détail sur un tee-shirt, une couleur de paire de baskets, un pied positionné... Difficile de répondre à la question "qui a fait quoi ?". Le positionnement des caméras ne permet pas d'affirmer clairement comment la rixe a éclaté et d'établir ainsi, les responsabilités. Alors les versions s'opposent. Les clans se rejettent la faute.
"Le premier coup, c'est bien vous ?", demande Me Kaminsky, le conseil de Kaaris, à Booba. "Je le touche pas, c'est un coup d'intimidation, pour éviter une attaque", rétorque le rappeur. Un argument qui pourra rester dans les mémoires. "Je le vois arriver vers moi, j’ai entendu des insultes de sa part, au moment où il lâche son sac, j’ai tout de suite compris", raconte Kaaris. Quelles insultes ? Booba aurait lancé un "Lève toi, salope" à son ancien "protégé". Une phrase dont il n'a d'ailleurs aucun souvenir.
"Au sujet des insultes dans l'aéroport, j'étais choqué. Venant de la part de Booba, ça m'étonne pas. Toute l'année, il insulte les gens", explique Kaaris. Il racontera que "toute la salle (d'embarquement, ndlr) s’est levée quand les insultes ont été criées". "Je l’ai vu arriver, je me suis dit, ça va se passer là. Il arrive dans ma direction, je trouve un moyen de garder mes distances de sécurité. Il vient dans ma direction et quand il lâche son sac, j’ai tout de suite compris, je me suis levé", dira le rappeur de Sevran. "J’ai agi par légitime défense du début à la fin" a argué le chanteur.
Il est 20 heures lorsque Booba et son équipe se présentent à la barre. Booba détaille son ressenti: "Je pensais aller m'asseoir tranquillement (...) Son équipe se lève, je me sens encerclé, menacé. Je lâche mon sac, parce que je vois du coin de l’œil, que je suis encerclé", raconte le rappeur de Boulogne. "A aucun moment, on vous voit être encerclé", rétorque alors Me Kaminsky. "Moi, je le vois", répond Booba.
S'ensuit alors un échange savoureux entre "hommes de mots". "Vous qui maniez les mots, il y a une différence entre encerclement et aller à la rencontre. Petite précision sémantique", lance Me Kaminsky. Réponse laconique de Booba : "Ok merci". Il regrettera plus tard l'événement : "j'aurais préféré être à Barcelone plutôt que de me battre et aller en prison", dira-t-il. "Quand j’ai vu Kaaris en face de moi qui bloquait ma route, j’ai compris que j’allais prendre des coups. Je sais ce qu’il pense de moi. Dans une vidéo, il dit qu’il veut boire mon sang et briser mes os. Il allait forcément tenter quelque chose", justifie le rappeur de Boulogne. "N'y avait-il pas moyen que cela se termine autrement?", soupire la présidente."J'aurais bien aimé", a répliqué Booba. "Je me suis défendu, tout simplement."
Booba porte le premier coup de pied mais Kaaris se lève et va au contact
Difficile d'établir les responsabilités de chacun, de savoir qui a initié la bagarre. Dans ses réquisitions, le parquet a estimé que les "hommes ont perdu toute lucidité", lors de cet événement. Pour lui, Booba et Kaaris sont responsables "de ce déchaînement de violences" et il n'y a pas d’ambiguïté : "Mr Yaffa (le nom de Booba), a porté le premier coup de pied" mais Kaaris "se lève et va au contact". "Les autres n'ont rien pu faire d'autre que d'intervenir", dira le procureur qualifiant au passage les deux rappeurs de petits "bourgeois du clash" imposant "un spectacle indigne et dégradant".
"Il est évident que les violences ont été volontairement occasionnées", aussi, "il est difficile de plaider la légitime défense", dit-il dans son réquisitoire. Il demande que les peines soient distinctes dans la responsabilité de la bagarre. Aussi, il requiert des peines entre 8 mois ferme et la relaxe. Pour Kaaris, il demande un an de prison avec sursis. Même chose pour Booba. Le jugement a été mis en délibéré au 9 octobre.
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