Myrtille, 15 ans, a témoigné ce jeudi devant la cour d'assises spéciale de Paris.Le 14 juillet 2016, alors âgée de 9 ans, elle se trouvait avec son papa Kévin sur la promenade des Anglais.Si elle n'a pas été blessée physiquement, l'attaque l'a marquée à jamais.
Elle est la plus jeune des parties civiles à avoir témoigné au procès de l'attentat de Nice qui a débuté début septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris. Tout de noir vêtue, cheveux dégradés blond, auburn et brun jusqu'aux épaules, une frange sur le front, Myrtille, 15 ans, s'avance à la barre ce jeudi 13 octobre. "Bonjour", répond-elle avec sa voix d'enfant à la première assesseure qui vient de la saluer. Puis l'adolescente sort ses notes manuscrites, rédigées sur des feuilles simples de classeur, surlignées en trois couleurs.
Le 14 juillet 2016, Myrtille avait 9 ans. Elle avait décidé d'aller faire du roller avec son père Kévin sur la promenade des Anglais, comme ils le faisaient "souvent en été". Au moment du feu d'artifice, ils s'arrêtent pour assister au spectacle. Soudain, Myrtille se souvient avoir vu "des gens courir" et avoir "entendu des cris". "J'ai ensuite vu le camion, je n'ai pas compris ce qui arrivait. J'ai cru à un accident. Peut-être que le chauffeur avait perdu le contrôle de son véhicule. Qu'il s'était endormi. À ce moment-là, j'ai eu peur pour lui", explique-t-elle à la cour.
Sauvée par son père
Le 19 tonnes poursuit ses embardées et n'épargne personne. "J'ai zigzagué d'un côté à l'autre, essayant d'éviter le camion, mais celui-ci n'allait pas droit. J'ai eu beau continué, je ne savais plus quoi faire", poursuit Myrtille. Son père non plus ne sait pas comment échapper au poids-lourd qui roule de gauche à droite et de droite à gauche. Il tire sa fille par le bras, côté droit. "J'étais face aux roues du véhicule qui passait devant moi. Et bien que ce moment n'ait duré que quelques secondes, j'ai parfois l'impression de le vivre et alors, il dure une éternité", décrit l'adolescente.
Kévin se blesse dans sa chute. Myrtille, elle, est indemne. Un homme vient vers eux pour leur demander si tout va bien. "Je ne me souviens pas de son visage mais cet homme m'a marquée par l'altruisme dont il a fait preuve (...) Je ne l'oublierai pas", souligne-t-elle, tout émue en évoquant cet inconnu.
La fillette et son papa se relèvent et découvrent le "chaos" face à eux. "Mon père m'avait dit de tourner la tête", se remémore l'adolescente qui ne pourra éviter d'être confrontée à l'horreur. "Je me souviens en me relevant voir une silhouette au sol entouré d'autres personnes. Les gens criaient, hurlaient."
Myrtille prend alors le chemin de la maison avec son père. En route, elle appelle sa mère déjà au courant des événements dramatiques qui viennent de se produire. "C'est quand je l'ai entendue pleurer que j'ai compris que quelque chose d'encore plus horrible que ce que j'avais vu, que ce que je pouvais imaginer, venait d'arriver."
"La moindre surprise me terrorise"
Les jours qui suivent, Myrtille endure "des nuits sans sommeil", "des journées d'école fatiguée", passe de moments de "solitude" à des "crises de panique". "Aujourd'hui, c'est un quotidien où les voitures font peur, où les feux d'artifice, pétards ou encore claques-doigts, n'ont plus rien de festif ou d'amusant mais me glacent le sang. La moindre surprise me terrorise, le moindre bruit m'effraie. C'est un quotidien où j'ai l'impression que la fatalité de ce soir-là ne m'a pas quittée."
Qu'attend-elle aujourd'hui de la justice ? "Je ne peux pas attendre de ce procès qu'il me retire un poids. Ce que j'attends de ce procès ? C'est le futur", ponctue la jeune fille qui veut devenir urgentiste. La cour et son avocate Me Chalus l'ont félicitée pour son témoignage avant qu'elle ne quitte la salle d'audience.