Les plaidoiries des avocats des parties civiles se poursuivent ce mercredi.Les réquisitions de l'avocat général et la plaidoirie de la défense auront lieu jeudi.Le verdict au procès de Nordahl Lelandais, pour l'enlèvement et le meurtre de Maëlys, est attendu vendredi.
C'était la fin des vacances, après un séjour au Portugal. Elle avait le teint encore halé. C'était la dernière fête avant la rentrée. À la reprise de l'audience, ce mercredi 16 février après-midi, les avocats du père de Maëlys ont rappelé dans quel contexte la fillette avait croisé le chemin de son bourreau.
"C’était une réunion pour un moment de joie. Tout est légèreté. Elle déambule dans la liesse, cette gamine, en allant de son père, à sa mère puis sa sœur. Elle se fait belle, Maëlys, pour aller à ce mariage. Elle ira chez le coiffeur pour se faire ces tresses dont on a tant parlé", rappelle Me Vatinel, l'un des avocats de Joachim de Araujo, papa endeuillé.
En un instant, la fête devient cauchemar et la vie bascule. "Ses parents ne l’accompagneront jamais à l’autel de son mariage. Derrière ces portes de l’enfer, vous seul savez ce que vous avez imposé à votre suppliciée. Non, Monsieur Lelandais, vous n’êtes pas jugé pour viol. Mais on vous a posé la question : pourquoi avez-vous enlevé cette enfant ?", continue l'avocat.
Me Vatinel en est certain : au terme de trois semaines de procès, le puzzle n'a pas été reconstitué. "La vérité est bien plus sombre que celle que vous avez avouée du bout des lèvres. Qu’il soit pris de visions au volant de sa voiture ? C’est peu probable. Mais peu importe. Lui seul emmènera cette vérité avec lui", dit-il.
Il projette alors la scène macabre telle qu'il l'imagine." Votre haine, à coups de poing, va s’abattre sur le visage innocent de cette petite. Bien sûr qu’elle a crié, qu’elle vous a supplié. Vous l’avez senti : ses os ont craqué. Vous avez vu ce sang et son visage se fissurer. Elle agonise sur le siège, dans le coffre. Et vous allez l’abandonner là."
Puis Nordahl Lelandais retourne au mariage où l'inquiétude grandit après qu'hôtes et convives ont réalisé qu'une fillette manquait. On la cherche, des heures, des mois, en vain, jusqu'à la révélation de cette "minuscule trace de sang" dans le coffre de l'Audi A3 de l'ancien militaire, en février 2018.
"Ce 14 février 2018, c’est la fin d’une plongée abyssale. Cet espoir de six mois, c’est vous, Nordahl Lelandais, qui l’avez alimenté avec vos mensonges. Cette famille a été digne en respectant la présomption d’innocence. Et on dit à ce père : 'Monsieur De Araujo, on a retrouvé votre fille. Ou du moins, ce qu’il en reste'. C’est l’effondrement. C’est définitif. Lorsque l’information tombe, elle est d’une violence incommensurable. Elle emporte tout. C’est un tsunami émotionnel", rappelle l'avocat. Après cela, le couple tente de rester soudé, mais finit par se séparer. Le père de Maëlys perd 28 kilos, "le poids de sa fille", et devient ce "papa perdu en mer", conclut l'avocat.
"Il hypersexualise sa vie"
Me Boguet, autre avocat de Joachim de Araujo, dresse, lui, un portrait de l'accusé. Un homme qui s'est "bunkerisé", qui a choisi "de s’organiser vers le côté sombre, le choix de l’oisiveté, de l’alcool, du toxique". Un homme obnubilé par sa voiture et ses chiens. Un homme qui "hypersexualise sa vie", qui "noie sa solitude psychique dans des soirées en discothèques", qui se drogue, "un pilleur d’existence qui vous envisage comme un objet susceptible de lui procurer du plaisir. Et il s'en va".
"Nordahl Lelandais mène son existence en chauffard, et malheur à vous si vous croisez sa route lorsqu’il a décidé d’accélérer. La vitesse, ça grise jusqu’au mur. Il tue Arthur Noyer et trace sa route. Il ne s’arrête jamais. Il n’y a pas de stand, analyse Me Boguet. Il se dit : 'Voilà, le premier est mort'. Ensuite, les arguments 'trop de cocaïne, trop d’alcool'. Il faut tout de suite assouvir cette tension. Ce n’est pas un état de souffrance. Il y va avec gourmandise. C’est sa quête. Après le réveil : rail, clope et café et il est à l’ouvrage. Des heures à s’exciter visuellement. Puis, c’est la bascule dans le drame ".
L'avocat se tourne alors vers l'accusé et s'adresse à lui comme s'il était Maëlys. "Tu n’as pas dit la vérité mon copain. Nono. Tu sais, quand tu me tournais autour, quand tu m’as enlevée. Je pensais que tu étais gentil et que j’allais voir tes chiens. Maëlys est en moi à cet instant. Elle vous parle à vous, le sourd du box". Lui comme son confrère pense que Nordahl Lelandais n'a pas tout dit. "C’est le dernier regard, le vôtre, que Maelys a croisé. J’espère que vous l’entendez un jour, que vous le ressentirez dans votre chaire, la pitié du père de votre suppliciée, emportez-la dans le cachot que vous vous êtes vous-même construit".
"Vous savez la dangerosité de cet homme"
Me Fabien Rajon, avocat de Jennifer et Colleen, la maman et la sœur de Maëlys, prend le relais. "Ce n’est pas ses aveux programmés et faussement sincères de vendredi dernier qui vont vous leurrer, lance-t-il très rapidement à la cour. Vous savez la dangerosité de cet homme. Il a beaucoup menti. Malgré ses amis et les parties civiles qui l’ont exhorté à parler, le masque n’est jamais tombé". Puis, s'adressant lui aussi à l'homme dans le box, il dit : "Vos cousines avaient 4 et 6 ans. Elles étaient innocentes. Maëlys avait 8 ans et vous l’avez tuée. Monsieur Lelandais, n’oubliez jamais vos morts. N’oubliez jamais Maëlys".
C'est à Colleen, 16 ans aujourd'hui, qu'il choisit de parler ensuite. "Ta famille a été saccagée. À la sortie de l’enfance, tu as basculé dans le monde cruel et violent des adultes. Mais l’avenir est à toi. Tu vas devoir trouver la force de te relever. Tu vas devoir avoir la force en le genre humain. Colleen, ne laisse personne et surtout pas cet accusé dans le box, te tirer vers le bas. Regarde cet homme. Regarde sa vie qu’il a lui-même mise à néant par sa seule faute. Regarde où mène le mensonge. Cet homme-là va vite retomber dans l’indifférence qu’il mérite. Une fois condamné, il allumera sa télévision et il constatera qu’il était l’idiot utile des médias et qu’il finira dans les poubelles de l’histoire. Un jour, un garçon, un vrai, te prendra par la main. Tu donneras la vie. Définitivement, oui, la vie vaut la peine d’être vécue, Colleen."
L'avocat de la mère et de la sœur de Maëlys lit peu après une lettre rédigée par les parents du caporal Arthur Noyer, tué lui aussi par Nordahl Lelandais. "Vous n’avez jamais rien avoué, vous avez toujours confirmé des preuves. Que vos mensonges et vos vérités finissent par vous étouffer, que les images de nos enfants morts vous hantent, écrivent-ils notamment. Vos excuses, nous les refusons. Force et courage pour continuer à écouter cet individu abject."
Me Rajon a ensuite ces quelques mots pour ceux et celles, qui, dans 48 heures, se retireront pour délibérer. "J’aimerais m’adresser à vous les jurés. Je vous demande, en fermant les yeux pourquoi pas, de vous mettre à la place de Jennifer De Araujo lorsque tout a basculé". Il leur fait revivre les derniers instants où la mère de Maëlys a vu sa fille cadette vivante avant d'être plongée dans "une angoisse" puis une tristesse inconsolable. "Mesdames et messieurs, la famille de Maëlys vous fait confiance. Rendez un jugement sans vengeance, mais sans naïveté. En fonction de la peine que vous donnerez, cela montrera que vous avez compris qui était Nordahl Lelandais.", conclut l'avocat après avoir dit à l'accusé qu'il n'avait "pas donné la mort", à Maëlys, mais qu'il l’avait "arraché à la vie".
L'audience doit reprendre jeudi, avec les réquisitions de l'avocat général Jacques Dallest suivi de la plaidoirie de l'avocat de la défense, Me Jakubowicz.