Procès de Sylvie Leclerc : "Maman, tu as bien fait de le tuer"

Publié le 23 mars 2016 à 13h46
Procès de Sylvie Leclerc : "Maman, tu as bien fait de le tuer"

COMPTE RENDU D’AUDIENCE - En ce troisième jour du procès de Sylvie Leclerc aux assises de Nancy, la fille unique du couple a livré à la barre un témoignage bouleversant. Elle décrit un papa profondément dépressif et une vie de famille "pas comme tout le monde".

Elle est entièrement vêtue de noir. De la pointe de ses chaussures à talon jusqu’à sa veste de tailleur ajustée. Les ongles, la fleur tatouée sur le dos de la main, les cheveux coupés au carré, sont noirs, eux aussi. Aude est la fille unique de Sylvie Leclerc, jugée depuis lundi 21 mars aux assises de Nancy (Meurthe-et-Moselle), pour le meurtre de son compagnon quatre ans auparavant. En ce troisième jour d’audience, la jeune femme est appelée à la barre des témoins.

A l’image d’une affaire compliquée, où ni la victime ni l’accusé apparaissent ange ou démon, Aude, la vingtaine, décrit une enfance en demi-teinte. Et se souvient d’un papa aussi tendre - lorsqu’il "construisait des cabanes" dans son lit pour l’aider à s’endormir - que colérique, comme ce jour où il a menacé de mort le voisin, qui "avait osé hurler" sur sa fille. Elle décrit, surtout, un homme profondément dépressif. Elle-même diagnostiquée bipolaire à l'adolescence, la jeune femme affirme que "la maladie existe dans toute la famille, des deux côtés". Et que son père, "lui aussi, connaissait des troubles de l’humeur". "Il avait des idées noires, je pensais qu’il finirait par se tuer lui-même".

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"Ta mère est sale"

Le nez un peu rouge à force de pleurer, s’agrippant fermement à la barre, elle évoque avec une colère contenue les disputes à répétition de ses parents qui, depuis longtemps, faisaient chambre à part et ne dînaient jamais ensemble. "A la maison, c’était pas comme chez tout le monde", poursuit-elle. "Petite, je n’ai jamais vu mes parents se donner la main, se faire un bisou. Ils s’engueulaient tout le temps, ils s’insultaient tous les deux. Ils étaient malheureux, ça se voyait. Et ils s’auto-pourrissaient la vie." La situation, déjà instable, s’empire encore plus au retour de Tunisie de Sylvie Leclerc, où elle était partie une semaine retrouver un béguin de vacances. "Papa venait dans ma chambre, reprend Aude, il me disait : ‘j’en peux plus, ta mère est sale, je pourrai pas lui pardonner. Je vais tuer tout le monde et je pourrai retrouver le bon Dieu’. A un moment donné la souffrance a pris le pas sur tout le monde, plus personne ne savait où était le bien et le mal".

Gênée par ses talons hauts, sans doute inconfortables au terme d’un interrogatoire interminable, Aude soudain se déchausse, sort un nouveau mouchoir en papier. Se redressant, d’une voix grave, elle finit par lancer : "Maman, tu as bien fait de le tuer. Il est mieux là où il est." Puis, s’adressant à la cour : "Je ne demande pas un permis de tuer, mais un permis de tranquillité, pour lui, comme pour elle. C’était salutaire pour lui, il aurait fini par se suicider et moi, j’aurais perdu les deux." Silence dans la salle. Le public, saisi, digère cette déclaration. L’accusée, quant à elle, pleure sans bruit. Elle encourt, pour son geste, la prison à perpétuité.

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La rédaction de TF1info

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