Procès Dekhar : "Je voulais que la police me tue. C’était un suicide par procuration", affirme le "tireur parisien"

par Aurélie SARROT Aurélie Sarrot
Publié le 23 novembre 2017 à 22h26, mis à jour le 23 novembre 2017 à 22h31
Procès Dekhar : "Je voulais que la police me tue. C’était un suicide par procuration", affirme le "tireur parisien"

JUSTICE – Au cinquième et avant-dernier jour de son procès, la cour a procédé ce jeudi à l’interrogatoire d’Abdelhakim Dekhar sur les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le tireur a répété qu’il ne voulait "blesser personne", qu’il voulait juste "intimider", et qu’il ne souhaitait qu’une chose : "être abattu par la police".

Ses déboires conjugaux, la mort de son frère, des problèmes financiers, et surtout le fait de ne plus voir ses deux enfants. Voilà les raisons qui, selon lui, l’ont poussé, "par désespoir", "par désespérance", à pénétrer armé d’un fusil dans les locaux de BFMTV le 15 novembre 2013 puis trois jours plus tard, le 18 novembre 2013,  dans ceux de Libération faisant un blessé grave, ce, avant de se rendre à La Défense et de tirer à nouveau des coups de feu. 

Jugé depuis vendredi dernier pour "tentatives d’assassinat" et "enlèvement et séquestration", Abdelhakim Dekhar, 52 ans, a expliqué à la cour ce jeudi que le but de ces actes étaient de se faire "abattre par la police" dans une "mort scénarisée", "romancée", pour "sauver la face vis-à-vis de ses deux enfants alors âgés de 5 et 7 ans",  pour ne pas être perçu "comme un loser" par eux. 

"Je n’ai jamais voulu blesser ou tuer quelqu’un. Je voulais intimider, à aucun moment je n'ai voulu m'en prendre à la personne humaine", affirme ainsi celui qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité. 

"Faire du bruit"

Abdelhakim Dekhar explique que le 15 novembre2013 à 6h41, il s’est "posté devant l’entrée de BFMTV".  "La couverture H24 par la chaîne aurait démultiplié mon scénario", justifie l’accusé. 

"En arrivant je pensais attendre qu’il y ait du monde pour pouvoir tirer en l’air, faire du bruit, intimider les gens. J’ai remarqué un va-et-vient. J’ai été surpris par la facilité pour entrer dans les locaux, il n’y avait pas de contrôle. J’ai abandonné l’idée de tirer en l’air". Il pénètre dans les locaux et vise le rédacteur en chef Philippe Antoine. Deux cartouches tombent au sol. Selon, un témoin, il dit alors à sa cible : "la prochaine fois je ne vous louperai pas".

 Puis il ressort, et se met à courir dans la rue. Dekhar assure qu’à ce moment son arme est vide. 

- " Pourquoi courir puisque vous vouliez être tué par la police?",  interroge le président 

- "Je ne voulais pas être ceinturé. Je voulais que la police me tue. C’était un suicide par procuration", répond Dekhar.

 L’homme parvient à s’enfuir et trois jours plus tard, sévit dans les locaux de Libération

" Confusion et panique"

Quand on lui demande pour pourquoi il n’a pas répété le même scénario à Libération et à la Société Générale, pourquoi cette fois il a tiré, l’accusé déclare. "J’étais choqué d’être encore vivant. Entre BFMTV et Libération il y a une montée en puissance. A Libé, je me suis dit que peut-être le bruit allait ameuter le quartier, que la police allait venir plus vite et me tuer".

 

Abdelhakim Dekhar ne meurt pas mais fait un blessé grave : César S. assistant photographe de 23 ans. Il se sauve ensuite en hurlant à plusieurs reprises : "Je suis un militant". 

"J’ai tiré sur lui dans la confusion et la panique", dit l’accusé. Il assure avoir sommé les personnes présentes dans le hall du quotidien de ne pas "bouger", il indique que tout le monde l’a écouté sauf César qui s’est avancé…et qui a pris une balle dans le dos. Dekhar affirme que César S. avait fait "une rotation", qu'il était "alors de face". Un expert balistique a démontré lundi que la version des faits de l’accusé ne pouvait coller avec la réalité. 

Sur cette balle qui a frôlé le corps du jeune homme et qui a failli lui coûté la vie, Abdelhakim Dekhar reconnait "avoir fait quelque chose de monstrueux". "Ça me torture depuis quatre ans", dit-il. 

Puis Dekhar indique être reparti, avoir marché jusqu’au métro arme à la main sans être inquiété par les forces de l’ordre. Encore une fois, son "suicide par procuration" n’a pas marché. 

Un café chez Starbucks

Puis Dekhar prend la direction de La Défense, où il espère dit-il "se faire tuer cette fois par la police". 

- "Pourquoi La Défense ?"lui demande le président. 

- "J’achetais souvent des livres à la Fnac. Je savais qu’il y avait un commissariat", répond Dekhar.

Il prend un café chez Starbucks, puis quelques minutes plus tard, sur le parvis, devant la Société Générale, tire trois coups de feu : un en l’air, un en direction du bâtiment, puis un au sol. Là encore, Dekhar dit avoir voulu "faire du bruit pour que la police vienne et l’abatte mais n’avoir jamais voulu toucher quelqu’un". 

Encore une fois, il n’est pas tué comme il le souhaite, et pour ne "pas être ceinturé par les forces de l’ordre", il s’en va. 

"Une balle sur les Champs-Elysées, c'est l'apothéose"

Abdelhakim Dekhar prend ensuite un automobiliste en otage et lui demande de le conduire sur les Champs-Elysées. Pourquoi cet endroit ? "Pour moi les Champs-Elysées c’est l’endroit le plus sécurisé de France. Se prendre une balle sur les Champs-Elysées, à l’époque, c’est l’apothéose. Aujourd’hui, je me dis que c’est absurde".

Il assure s’être promené un long moment sur l’avenue avec son fusil sans être inquiété, avant de disparaitre dans les sous-sols des transports en commun. " Vous pensez sincèrement que la cour et le jury vont vous croire quand vous dites que vous avez marché une demi-heure sur les Champs-Elysées avec votre arme ?", ironise l’avocat général. 

Abdelhakim Dekhar sera interpellé deux jours plus tard, le 20 novembre 2013, à demi conscient dans une voiture après avoir ingéré des cachets.

La cour devrait rendre son verdict vendredi tard dans la soirée. Abdelhakim Dekhar encourt la réclusion criminelle à perpétuité.


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