Procès du 13-Novembre : "Être serviable et commettre un attentat, ça n'est pas pareil !"

Publié le 14 janvier 2022 à 22h09
Procès du 13-Novembre : "Être serviable et commettre un attentat, ça n'est pas pareil !"

Source : Benoit Peyrucq/ AFP

JUSTICE - L'interrogatoire de l'accusé Adel Haddadi, 34 ans, s'est tenu ce vendredi. Mandaté par Oussama Atar, commanditaire des attaques, il devait commettre comme d'autres un attentat suicide en Europe mais a été arrêté avant. Il assure qu'étant "serviable" et redoutant des représailles de Daech, il n'a pas pu refuser la mission.

Il s'exprime tantôt en français, tantôt en arabe. Cheveux ras, lunettes de vue, chemises blanches à petits motifs, Adel Haddadi, 34 ans, a quitté son pays le 15 février 2015, direction la Turquie, puis la Syrie, avant de revenir vers l'Europe avec d'autres, à l'automne 2015.  Deux jours après avoir franchi la frontière turco-syrienne, l'Algérien a été arrêté en Grèce le 3 octobre 2015 avec trois autres hommes : le pakistanais Muhammad Usman (accusé dans le box) et les deux Irakiens Ahmad el Mohammad et Mohamad Alhmamod. Les deux premiers seront maintenus en détention sur l'île de Kos pendant un mois, avant de pouvoir poursuivre la route des migrants vers l'Europe et d'être de nouveau arrêté à Salzbourg, le 10 décembre 2015. 

Entre temps, les deux autres, pas inquiétés par les autorités grecques, poursuivent leur route avant de se faire exploser le 13-Novembre devant le Stade de France.  Adel Haddadi reconnait "qu'une mission suicide" lui avait été "confiée" comme aux trois autres par Oussama Atar, commanditaire des attentats de Paris, qu'il a rencontré en Syrie.  

Il détaille ensuite avoir quitté son pays début 2015 parce qu'il se "posait beaucoup de questions". "Mes projets, ma vie, c'était tout le temps la même chose. Je n'avais aucun moyen d'avancer. Y'a rien qui marchait, mon quartier, mes problèmes." Il cite aussi "l'humanitaire" comme motivation. 

Puis explique avoir croisé en Turquie le chemin d'un certain Abou Ali, "un Syrien de l’Armée Syrienne Libre", dont on ne retrouvera pas trace, qui l'aurait convaincu de rejoindre les combattants de l'État islamique. Sur les sept mois passés sur zone - deux dans la ville frontière d'Al rai, le reste, à Raqqa - Adel Haddadi dit n'avoir fait qu'une semaine d'entrainement militaire et religieux. Le reste du temps il dit avoir été "cuisinier" dans les deux maisons où il a été hébergé. 

"Pouquoir Oussama Atar vous choisi"

"Pourquoi Oussama Atar vous choisit pour une mission suicide ? Vous dites être allé en Syrie faire de l'humanitaire, que vous passez deux mois dans une maison à faire de la cuisine. Pourquoi vous, alors que c'est une mission capitale pour l'État islamique ?", interroge le président de la cour d'assises spéciale Jean-Louis Périès. "Peut-être aussi il avait compris que je pouvais pas dire non, je pense que c'est ça..." Pourquoi ne pouvait-il pas refuser ? "Tout ce qu'on me demandait… j'étais quelqu'un de serviable", justifie l'accusé. "Enfin, être serviable et commettre un attentat, ça n'est pas pareil !", s'indigne le président

Adel Haddadi explique aussi avoir eu "peur des représailles de l'État islamique" s'il refusait la mission. Il affirme n'avoir jamais eu de détails ni sur le lieu, ni sur la date projetée pour les attaques. Oussama Atar pourtant semble le considérer comme un homme de confiance Adel Haddadi. Il lui donne un téléphone, lui fait envoyer de l'argent, et reste en contact avec lui, même après son arrestation à Salzbourg, en lui envoyant des messages que retrouveront les enquêteurs autrichiens. Le 11 et le 15 décembre 2015, le commanditaire des attentats de Paris envoie plusieurs SMS à Adel Haddadi : "Oui mais pas encore", "le médicament n'est pas bon", "tu sais", "et toi chéri comment tu vas", "qu'est-ce que tu deviens".

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"Pourquoi alors que vous êtes dans un camp de réfugié en Autriche vous entretenez des contacts avec Abou Ahmad ?", questionne l'avocate générale, pas dupe. "J'ai essayé d'arrêter ça mais j'ai pas trouvé le bon mot. Je voulais me retirer de ça. Je l'ai pensé, je ne l'ai pas fait", dit Adel Haddadi. "Les attentats étaient passés, Abou Ahmad est en Syrie, vous n'aviez plus rien à craindre", rappelle la représentante du ministère public avant d'ajouter : "Le 'médicament n'est pas bon' ça fait penser un peu à un code : 'reste un peu à  Salzbourg, attend que la situation se calme'." 

"Je suis là pour prendre une peine"

Me Topaloff, avocat de parties civiles, questionne l'accusé  à son tour et lui demande ce qu'il pense du GIA. "C'est un groupe terroriste en Algérie. Je suis contre." "Comme vous êtes aujourd'hui contre Daech", poursuit l'avocate. "Ouais je suis contre", reprend l'accusé. "Donc vous condamnez les attentats qui ont été commis à Paris ?", continue la robe noire. "Je condamne tous les actes de violences dans le monde", assure Adel Haddadi. "Finalement heureusement que vous avez été arrêté avant", relève l'avocate. "J'ai fait des fautes, je suis là pour prendre une peine, être condamné, mais j'accepte ça", admet l'accusé. 

Son avocate, Léa Dordilly, lui demande ensuite s'il "assume une responsabilité". Il acquiesce. "J'ai suivi des gens qui ont fait des crimes en France qui ont tué des innocents. J'ai rejoint ces gens." Poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, Adel Haddadi encourt 20 ans de réclusion criminelle.


Aurélie SARROT

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