JUSTICE – Les avocats de Saïd Makhlouf et d'Amar Ramdani, tous les deux accusés, ont plaidé ce vendredi devant la cour d'assises spéciale de Paris.
"Recherche la preuve désespérément" pourrait être le résumé de ce vendredi au cours duquel trois avocats de la défense se sont succédés pour plaider. "L'avocate générale vous a dit : 'La défense va terroriser la cour en vous demandant une preuve absolue'. Bon alors déjà je ne suis pas sûre du choix du verbe", a relevé Me Zoé Royaux, avocate de Saïd Makhlouf, ex-ambulancier sans antécédents judiciaires, mis en cause pour la recherche d'armes avant d'ajouter : "Nous ne demandons pas de preuve absolue, nous demandons juste des preuves. L'intime conviction c'est la certitude de la culpabilité, c'est ce qui protège un homme de l'erreur judiciaire".
"Faire rentrer les pièces du puzzle"
Treize ans de réclusion sans période de sûreté ont été requis par le parquet à l'encontre de Saïd Makhlouf, au vu, selon lui, "de son ancrage professionnel". Ainsi, selon les représentants du ministère public, le trentenaire serait parti avec son cousin Amar Ramdani chercher des armes dans le Nord pour Amedy Coulibaly. Eux affirment qu'ils ont fait là-bas du trafic de stupéfiants et que l'ex-ambulancier profitait de ces escapades pour aller voir des prostituées. "Makhlouf a vu une fois Coulibaly dans un restaurant à Gentilly par l'intermédiaire d'Amar Ramdani et une autre fois dans la rue où ils se sont serrés la main. Mais ils ne se sont pas vus régulièrement et ne se connaissaient pas !", a insisté Me Royaux.
L'ADN de Saïd Makhlouf a pourtant été retrouvé sur la lanière d'un taser d'Amedy Coulibaly à l'Hyper Cacher. "Dès sa garde à vue Makhlouf a contesté avoir vu ce taser. Pourquoi le cacherait-il ? Un taser n'est pas une arme létale et c'est en vente libre", a fait valoir son avocate avant de dire qu'un transfert d'ADN avait été jugé possible par les experts (Amedy Coulibaly ayant dormi un soir dans le canapé de Makhlouf en son absence.
Pour Me Zoé Royaux, il n'y a aucune preuve que les allers retours dans le Nord de Ramdani et Makhlouf étaient pour des armes. "On vous demande sur une hypothèse de condamner Saïd Makhlouf. On vous demande de broder, de faire rentrer les pièces du puzzle en forçant un peu, dit-elle à la cour. Saïd Makhlouf a-t-il adhéré de façon intentionnelle à une association de malfaiteurs terroriste ? Non. Connaissait-il la radicalité de Coulibaly ? Non. Connaissait-il les projets terroristes de Coulibaly ? Non. Alors je vous demande de l'acquitter".
"Ramdani a toujours dit que Coulibaly était un ami"
"Plaider c'est partager une conviction, c'est défendre des hommes", a lancé Me Christian Saint-Palais au début de sa plaidoirie. "Pour la première fois des juges prononceront des condamnations à l'encontre de personnes qu'ils n'auront pas vus, qui portaient des masques bleus chirurgicaux", a ajouté l'un des avocats d'Amar Ramdani alors que le parquet a requis mardi 17 ans de réclusion, dont 2/3 de sûreté, à l'encontre de ce dernier. Selon l'accusation, Amar Ramdani "connaissait l'idéologie djihadiste" d'Amedy Coulibaly et a été impliqué dans la fourniture d'armes et le financement des attentats.
"Ramdani a toujours dit que Coulibaly était un ami, un frère, a rappelé Me Saint-Palais. On dit qu'il dissimule mais il a toujours dit que c'était un ami". Les deux hommes se sont côtoyés pendant plusieurs mois à la maison d'arrêt de Villepinte, notamment à la buanderie. Puis ils se sont revus 14 fois au total quand les deux sont successivement sortis de prison : Ramdani en 2013 et Coulibaly en 2014. Ils ont échangé 482 échanges de SMS entre le 25 octobre 2014 et le 6 janvier 2015. Pas de quoi être une preuve de culpabilité pour la défense. "Ramdani échangeait avec tout le monde. Il avait 31 lignes pour ses escroqueries notamment. C'est à se demander s'il n'avait pas un téléphone greffer dans la main", a ironisé Me Pugliesi, autre avocate de l'accusé.
Les avocats de cet homme décrit par beaucoup comme "intelligent" et "beau gosse" n'ont pas omis de rappeler les erreurs dont avait été victimes leurs clients ces dernières années. En effet, Amar Ramdani avait été interpellé en janvier 2015 sur mandat de recherche européen pour trafic de stupéfiants et d’armes de guerre en Espagne. Il s'agissait en fait d'une usurpation d’identité et il a bénéficié ensuite d'un non-lieu.
Puis Amar Ramdani a été désigné sur photo comme celui qui avait tiré sur Romain D., un joggeur grièvement blessé sur la Coulée Verte dans le Val-de-Marne quelques heures après l'attentat de Charlie Hebdo. Plusieurs éléments, notamment la téléphonie l'ont exonéré dans ce dossier. Amedy Coulibaly est probablement l'auteur de ces tirs qui lui aurait permis d'essayer ses armes.
"On n'a pas envie de dire que les armes viennent d'un indic"
"Avez-vous un seul témoignage dans le dossier qui dise que Ramdani s'est radicalisé, qu'il a réagi mollement aux attentats de janvier 2015 ? Vous n'en avez aucun, a souligné Me Saint Palais. Amar Ramdani a été choqué le soir des attentats de Charlie Hebdo, il a été choqué d'apprendre que son ami Coulibaly était l'auteur des attentats de Montrouge et de l'Hyper Cacher"
Me Daphné Pugliesi a rappelé que depuis cinq ans elle était aux côtés d'Amar Ramdani et qu'ils avaient "dû supporter les erreurs" notamment. Puis elle a cité les "zones d'ombre" de ce dossier évoquées maintes fois par les enquêteurs. "Ces zones d'ombres ne sont pas que pour les absents, elles sont aussi pour ceux qui sont là-devant vous dans le box", a-t-elle pointé.
L'avocate comme beaucoup a regretté que le volet "armes lilloises" impliquant Claude Hermant, fournisseur des armes de Coulibaly n'ait pas été joint à ce dossier." On a tenu à éloigner le volet lillois des attentats parce qu'il posait la question de la défaillance et de la responsabilité de l'État dans la fourniture des armes, a dénoncé ainsi Me Pugliesi. Quand on a 4 millions de personnes qui descendent dans la rue pour crier au massacre, on n'a pas envie de dire que les armes elles viennent d'un indic qui bossait pour la gendarmerie de la police et pour les douanes"
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Puis pendant plus d'une heure, elle a repris point par point chaque petit détail qui pourrait, selon elle, mettre hors de cause son client dans ce dossier : déplacements, téléphonie, absence de traces papillaires, de radicalisation. "Je vous demanderai, vous l'aurez compris, de l'acquitter", a-t-elle conclu.
Les plaidoiries de la défense doivent se poursuivre lundi.
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