Procès des attentats de janvier : "On ne peut pas condamner sur des hypothèses", plaide l'avocat du principal accusé

Publié le 8 décembre 2020 à 19h51
Procès des attentats de janvier : "On ne peut pas condamner sur des hypothèses", plaide l'avocat du principal accusé

JUSTICE – Les avocats d'Ali Riza Polat, principal accusé au procès des attentats de janvier 2015, ont plaidé ce mardi l'acquittement pour leur client, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Pour l'accusation, il est "le pivot", "la pièce maîtresse", le "bras droit" d'Amedy Coulibaly. "Avant les attentats, Ali Riza Polat est partout, il côtoie tous les protagonistes. Même s'il le conteste, il avait une connaissance précise du projet terroriste", a insisté ce mardi matin l'avocat général Jean-Michel Bourlès. À l'encontre du Franco-Turc de 35 ans, le parquet a requis un peu plus tard la perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, pour "complicité" des crimes d'Amedy Coulibaly mais aussi des frères Saïd et Chérif Kouachi. 

Dans l'après-midi, les deux avocats de l'accusé ont eux plaidé l'acquittement. "On n’a pas voulu juger les vrais responsables sur les fournisseurs des armes, a lancé Me Isabelle Coutant-Peyre, qui depuis le début du procès pointe le "volet armes lillois" et désigne Claude Hermant. Les commanditaires, c’est le cosmos, le trou noir. Quand on les trouvera on fera un autre procès et les gens qui auront été condamnés entre-temps, on se dira c’est une erreur judiciaire". 

Pour l'avocate d'Ali Riza Polat, son client est " l’objet du désir d’une mauvaise justice". "C'est le seul accusé présent à être jugé pour complicité. Pourquoi s'acharner sur lui ? C'est un mystère"

"M. Polat panique comme un débutant"

"Lors de ce procès, on a tout reproché à monsieur Polat, d’être l’ami, le soldat de Coulibaly, d’avoir été son complice et celui des frères Kouachi. Il serait carrément le logisticien en chef, un cerveau, un professionnel. Un cerveau serait parti avant les attentats comme l'ont fait certains. M. Polat est parti après. Il vous l'a dit ici, il passerait de 'James Bond au dernier des tocards', le 'pire des pieds nickelés' ?, s'est étonné son autre avocat Me Van Rie. La raison de la fuite de M. Polat saute aux yeux. M. Polat panique comme un débutant." Ali Riza Polat est parti le soir même des attentats en Belgique, puis a rejoint le Liban. Il aurait tenté de gagner la Syrie, puis serait revenu en France pour repartir quelques jours à Phuket en Thaïlande", via la Belgique, avant de revenir en France fin janvier 2015. 

Le Franco-Turc converti n'est pas non plus radicalisé selon la défense. Ainsi, au sujet des photos liées à l'Etat islamique retrouvées dans l'I-pad d'Ali Riza Polat, Me Van Rie a ironisé.  "Il y plus de 16.000 photos et sur ces 16.000, seules 86 sont en rapport avec l'Etat islamique. 0,51% du contenu qui ferait de M. Polat un terroriste ?", a-t-il dit. 

"Eponger la frustration"

"Ali Riza Polat n’a jamais été le bras droit de Coulibaly ni des frères Kouachi", a donc martelé Me Van Rie, avant d'appuyer :"Comment peut-on être complice de personnes qu'on ne connaît même pas ? Les Kouachi, il ne les a jamais vus". Pour l'avocat, l'accusation tente d'"éponger la frustration de ne pas pouvoir juger les vrais auteurs des attentats". Me Coutant-Perle a de son côté évoqué à plusieurs reprises un bouc émissaire.

Les avocats de la défense ont ensuite assuré qu'Ali Riza Polat avait découvert les actions de son "soi-disant" ami le 9 janvier à la télévision, comme des millions de personnes. "Oui, nos proches peuvent nous surprendre, M. Polat aujourd'hui est victime de ce proche, qu’il croyait connaître, à cause de qui aujourd'hui on vous demande la perpétuité", a souligné Me Antoine Van Rie. La robe noire a rappelé ensuite les propos de son confrère, avocat de Charlie Hebdo : "Me Malka vous a demandé de faire primer le droit sur la force. Aujourd'hui, donnez lui raison, appliquez le droit. On ne peut pas condamner un homme sur des hypothèses et il reste de nombreux doutes dans ce dossier, le doute doit profiter à l’accusé".  Me Coutant-Peyre l'a appuyé là encore sur ce point : "Quand les charges ne sont pas assez sérieuses, on ne peut pas condamner et priver quelqu’un de sa liberté".  

Les plaidoiries de la défense reprendront mercredi matin, à 9h30. Le verdict, lui, est attendu le 16 décembre.


La rédaction de TF1info

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