Procès des attentats de janvier 2015 : "On ne peut pas être condamné sur du flou"

Publié le 14 décembre 2020 à 21h34
Procès des attentats de janvier 2015 : "On ne peut pas être condamné sur du flou"

Source : BENOIT PEYRUCQ / AFP

JUSTICE – Les dernières plaidoiries des avocats de la défense ont eu lieu ce lundi devant la cour d'assises spéciales. Le verdict, lui, est attendu mercredi.

Ils ont été les derniers à se lever pour la défense. Ce lundi, les avocats de Mohamed Amine Fares et Nezar Mickaël Pastor Alwatik se sont succédés pour plaider. À l'encontre des deux hommes, le parquet a respectivement requis 7 ans de réclusion criminelle et 20 ans de réclusion, avec une sûreté des deux tiers. 

Le parquet a demandé l'abandon de la qualification terroriste pour Mohamed Fares, âgé de 31 ans, connu pour stups et  soupçonné d'avoir vendu des armes utilisées par Coulibaly.  Car selon l'accusation, "il existe des doutes" sur la connaissance qu'il avait de leur "destination". Pour Nezar Mickaël Pastor Alwatik, le parquet a requis la peine la plus lourde considérant cet homme âgé de 35 ans, qui a connu Coulibaly en prison, comme radicalisé et se situant "dans le spectre haut" de l'association de malfaiteurs terroriste criminelle. 

Et si les peines requises pour ces deux hommes n'ont pas le même poids, les avocats ont eu la même stratégie de défense, désignant le manque de preuves criant pour condamner ceux qu'ils défendent. "On ne peut pas être condamné sur du flou des doutes et des supputations", a ainsi insisté Me Daphné Malapert, l'une des avocats de Nezar Mickaël Pastor Alwatik pour résumé la pensée des robes noires.

" Monstre coupable ou innocent malheureux"

"Ce procès n’est ni historique ni politique ni emblématique c’est juste le procès de ces hommes-là  Regardez les dans les box, dans les cages en verre, il y a plus de policiers cagoulés que d’accusés. Monstre coupable ou innocent malheureux, je ne souhaite à personne de subir seul ces regards accablants", a estimé Me Safya Akorri, avocate de Mohamed Amine Fares. 

Celle-ci a rappelé comment son client s'était retrouvé dans ce dossier, en décembre 2017, après qu'une lettre anonyme est arrivée sur le bureau de la juge d'instruction avec la mention "Hyper Cacher – Mohamed Fares". "Mohamed Fares, c’est le dernier homme, celui qui arrive le plus tard dans le dossier, celui qu’on accuse d’avoir acquis et transporté des armes sans preuve, celui qui n’a jamais rencontré Amedy Coulibaly", a-t-elle pointé. 

Mohamed Amine Fares, ce trentenaire qui vivait dans le nord et qu'Amar Ramdani et Saïd Makhlouf sont venus voir à plusieurs reprises, pour des stups selon eux, pour des armes selon le parquet. "L'accusation à aucun moment n'a établi un lien entre Claude Hermant (qui a fourni les armes de Coulibaly) et Mohamed Fares. L’acquisition d'armes, on ne vous l’explique pas, le port et le transport d’armes, on ne vous l’explique pas mais on vous demande de le condamner pour ces deux délits", s'est agacée l'avocate. 

Et d'ajouter : "Mohamed Fares, c’est un stupeux qui a l’air de s’en foutre de tout alors pour ça on considère qu’il est forcément coupable ? Mais on n’est pas au tribunal correctionnel, on est à la cour d’assises. Mohamed Fares C’est un délinquant d’habitude mais est-ce que c’est le trafiquant d’armes qu’on a essayé de vous vendre ? Non et on ne vous le démontre pas." La robe noire a plaidé l'acquittement du trentenaire. 

"Vous pouvez trembler. Car vous pouvez faire une erreur"

Les avocats de Nezar Mickael Pastor Alwatik ont voulu faire tomber les "briques" amoncelées par le parquet pour accabler leur client.  "La téléphonie (en réalité les fadettes) les témoignages,  l’ADN nous permettent d’interpréter à l’infini plusieurs histoires. Les avocats généraux vous demandent de valider leurs hypothèses pour qu’elles deviennent la vérité judiciaire", a dénoncé Me Delphine Malapert, l'une des avocates de Nezar Mickael Pastor Alwatik. 

L'avocate a rappelé que trentenaire, interpellé quelques jours après les attentats, n'a " jamais cherché à fuir". "Pastor Alwatik a immédiatement parlé des éléments les plus importants, notamment le fait qu'il ait touché les armes dans le coffre de la voiture d'Amedy Coulibaly.  En remontant dans la voiture où se trouvent les armes, l'infraction de détention d'armes est qualifiée. (...) C'est pour cela qu'on ne vous plaidera pas l'acquittement de M. Pastor", a-t-elle expliqué. 

Pour ses défenseurs, Nezar Mickaël Alwatik ignorait tout des projets de Coulibaly, qu'il a rencontré en détention, avec qui il a fréquenté la buanderie, qui lui a appris quelques versets et sourates et qu'il "appréciait beaucoup". "Il n'y avait pas de signes qui pouvait laisser penser que c'était quelqu'un de mauvais. Je suis désolé de ce que je vais dire encore une fois mais je vois en Coulibaly quelqu'un de gentil, de correct. Avec un certain charisme mais posé. J'aurais jamais pu penser que Coulibaly ait pu commettre un centième de ce qu'il a fait", avait ainsi déclaré M. Pastor Alwatik à l'audience mi-octobre.

"C'est pas parce qu'on croise Amedy Coulibaly qu'on tombe dans le takfirisme. Et c'est pas parce qu'on apprend des sourates qu'on tombe dans le djihadisme", a lâché Me Guillaume Arnaud autre avocate de Nezar Mickaël Pastor Alwatik.  Pour lui, l'accusation n'a rapporté aucune preuve de la radicalité de son client, comme de sa culpabilité. "On attendait quelque chose du parquet. Ça a été navrant. Alors peut-être que Mickaël Pastor n'était pas loin de la frontière. Mais il ne l'a jamais franchie. Il n'avait même pas connaissance de la carte. Alors oui, aujourd'hui vous pouvez trembler. Car vous pouvez faire une erreur."

"Ils ne seront jamais les auteurs directs de ces attentats"

"Sans Nezar Mickaël Pastor Alwatik, le destin criminel d'Amedy Coulibaly aurait été le même, avec ou sans lui, l’histoire aurait été la même aussi sanglante et insupportable", a assuré Me Malapert.

Me Marie Dosé, dernière avocate de Nezar Mickaël Pastor Alwatik à plaider a regretté le manque d'équité dans ce dossier. "Mes confrères de parties civiles, vous êtes trop nombreux. Ça pose la question du procès équitable. Et certains trop souvent se posent en procureurs privés. Il y a un déséquilibre. Tout ce passe comme si chaque fois ou presque nos interventions sont rendues inaudible par votre nombre".  

L'avocate a rappelé que "les hommes dans le box, ils n'étaient pas, ils ne sont pas, ils ne seront jamais les auteurs directs de ces attentats " avant de s'élever contre les "peines de malades" réclamées par le parquet national antiterroriste, appelant la cour à "la mesure". 

Des peines  allant de cinq ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité ont été requises mardi dernier à l'encontre des 14 accusés jugés au procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et l'Hyper Cacher.Le verdict est attendu pour mercredi. 


Aurélie SARROT

Tout
TF1 Info