JUSTICE – Metin Karasular, 50 ans, est interrogé ce lundi par la cour d'assises spéciale. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle. Il aurait, avec d'autres, participé à la recherche et à la fourniture d'armes pour Amedy Coulibaly et les frères Kouachi.
Le 9 janvier 2015, quand il a vu la photo d'Amedy Coulibaly à la télé, il a paniqué. "Tout m’est tombé sur la tête. J’étais choqué. J’ai eu peur. J’ai pris contact avec mon avocat et je me suis présenté à la police", explique-t-il dans le box ce lundi. Entendu le 13 et 14 janvier 2015 avant d'être mis en examen participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle et placé en détention, Metin Karasular a parlé dès le début mais livré par la suite de nombreuses versions et multiplié les revirements. Ce Belge d'origine kurde âgé de 50 ans, à l'époque propriétaire d'un garage à Charleroi, est aujourd'hui poursuivi pour avoir participé à la recherche et à fourniture d'armes des auteurs des attentats de janvier 2015.
"Aujourd'hui, je vais dire la vérité. Sur mes enfants, ma maman qui est morte. Moi, les terroristes, j'aime pas ces gens-là. Et je suis content qu'ils ont tué le chien (Coulibaly)", clame cet homme de 50 ans aux cheveux bruns courts et clairsemés, un peu rond, moulé dans son polo noir et blanc à manches longues, dont le fort accent et l'impulsivité rendent parfois complexe la compréhension des propos.
Des listes d'armes qui posent question
Accusé d'avoir participé à la recherche de pistolets et de fusils d'assaut pour Amedy Coulibaly, qui lui a rendu visite à plusieurs reprises accompagné de son bras droit, Ali Riza Polat, Metin Karasular livre des explications peu vraisemblables sur l'origine de ces rencontres. "Monsieur Polat s'est présenté dans mon garage, sa voiture était en panne. J'ai fait réparer sa voiture : pour moi une personne qui tombe en panne, c'est normal, si on peut aider", assure ce proche du PKK, qui nie toute vente d'armes.
Selon les enquêteurs pourtant, un premier stock d'armes a été acheté via cette filière en août 2014. Mais ces armes, jugées "pourries" par Coulibaly, ont été renvoyées auprès de trafiquants de Charleville-Mézières liés à Karasular, où certaines ont fini dans la Meuse.
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Mais d'autres armes ont-elles été acquises auprès de ce réseau, puis utilisées durant les attentats ? Si l'enquête n'a pas permis de le déterminer avec certitude, un sérieux faisceau d'indices le laisse penser. Une liste d'armes et de munitions avec leurs prix, rédigée Ali Riza Polat selon une expertise, a ainsi été retrouvée dans le garage de Karasular ; un lieu de trafic décrit par la police belge comme "crasseux" et dépourvu d'une "comptabilité" digne de ce nom.
"Une vieille liste" qui "n'a rien à voir avec les attentats", se défend Metin Karasular selon qui "la porte (de l'établissement) était toujours ouverte". Une façon de sous-entendre que n'importe qui aurait pu rentrer et déposer cette liste.
Vous comprenez qu'on s'interroge ?
Me Barré, avocate de la partie civile
Quid, dès lors, des documents retrouvés dans sa chambre, au-dessus d'une armoire, comme cette autre liste mentionnant là encore des noms d'armes. "Glock 17 9 mm", "AK47 kalash 7,62x39 mm", "fusil mitraillette Ulitmax 100", pour ne citer qu'elles. "Cette liste-là, vous vous en souvenez ?", lui demande Me Barré, avocate de la partie civile. "La police a dit qu'elle l'a trouvée chez moi au moment où j'étais pas là. Moi je m'en souviens pas", assure le quinquagénaire. Mais Me Barré iniste : "Au-dessus de cette armoire il y a aussi un papier avec le numéro de monsieur Polat, numéro dédié à ses contacts belges. Vous comprenez qu'on s'interroge ?" L'accusé répond qu'il comprend mais ne fournit aucune explication.
Le premier assesseur rappelle qu'en plus des listes, deux armes ont été découvertes chez Metin Karasular. Ce dernier affirme qu'il les a "trouvées là, scotchées sur le toit" et précise qu'elles ne marchaient pas, affirmant en avoir donnée une et vendue l'autre. "À la brocante (en Belgique), il y en a tous les dimanches à vendre", fait-il valoir.
"Je mérite pas cette punition"
Toujours est-il que ces liaisons dangereuses ne s'arrêtent pas là. Et pour cause, Metin Karasular a acheté une Mini Cooper à Coulibaly, qui, assure l'ancien garagiste, se présentait alors comme un dénommé Mourad. Un véhicule acquis via un crédit à la consommation au nom d'Hayat Boumeddiene, compagne du tueur de l'Hyper Cacher, figure clé du djihadisme féminin et grande absente du procès. Selon les enquêteurs, cette vente aurait pu servir à financer les attentats.
S'il reconnaît avoir joué l'intermédiaire pour l'achat de la Mini Cooper, admettant aussi avoir baigné dans le milieu des stups et consommé beaucoup d'herbe - "5 grammes d'Amnesia" par jour, justifiant selon lui ses pertes de mémoire -, Metin Karasular conteste aujourd'hui avoir vendu des armes. Ce qu'il avait pourtant fini par confesser face aux juges d'instruction. "Un mensonge", explique-t-il désormais, justifiant ces propos par sa soif de "vengeance" contre deux autres accusés, Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez, qui l'avaient impliqué. "Ils veulent me brûler et bien on va brûler ensemble", lance-t-il, avant d'embrayer par de nouvelles tirades nébuleuses. "Je suis dans la mer. Si je peux m'accrocher à un serpent pour remonter à la surface, je m'accroche."
Face à l'insistance du premier assesseur, l'accusé s'agace et conteste tout lien avec les armes des terroristes. "C'est quoi toutes ces questions ? Vous croyez que je savais ce qu'ils allaient faire ces fils de p*** ? C'est ça que vous pensez ? Jamais je vais autoriser un truc comme ça !" Puis il conclut : "Je sais que je suis pas parfait. Je suis joueur, je trompais ma femme alors que je suis marié avec elle… Mais tuer des gens innocents, moi, je ne mange pas de ce pain-là. Je pense en toute honnêteté que je ne mérite pas d'être puni comme ça." Plus tard à l'audience, il répètera à nouveau qu'il "n'aime pas les terroristes", affirmant même : "Il faut les piquer."