13-Novembre : "J'ai participé à un film sur l'intégration des jeunes étrangers", assure l'un des accusés

Publié le 4 novembre 2021 à 22h00, mis à jour le 5 novembre 2021 à 11h29
13-Novembre : "J'ai participé à un film sur l'intégration des jeunes étrangers", assure l'un des accusés
Source : Benoit Peyrucq/ AFP

JUSTICE – La cour d'assises spéciale de Paris poursuit les interrogatoires de personnalité des accusés. Parmi ceux interrogés ce jeudi, Osama Krayem, considéré comme l'un des principaux accusés.

Leur enfance, leur scolarité, leur relation amoureuse… Au procès des attentats du 13 novembre 2015, la cour d'assises spéciale poursuit les interrogatoires de personnalités des accusés. 

Ce jeudi 4 novembre, c'était au tour d'Adel Haddadi et Muhammad Usman, qui ont quitté la Syrie et rejoint l'Europe avec deux kamikazes du Stade de France et sont soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat en France. C'était au tour, également, de Mohammed Amri, qui a ramené Salah Abdeslam en Belgique après les attentats ; ainsi que d'Osama Krayem, qui a notamment recueilli les confidences de Salah Abdeslam pendant sa cavale et est soupçonné d'avoir participé à la préparation des attentats de Paris. 

Mais comme ça a été le cas depuis mardi, l'exercice a encore une fois montré ses limites, notamment pour ce dernier accusé. En effet, le président de la cour d'assises spéciale a fait le choix, compte-tenu notamment de l'ampleur du dossier, de "séquencer" les interrogatoires. La religion et le fond du dossier, notamment, seront donc abordés plus tard.

Aujourd'hui donc, d'Osama Krayem, nous apprenons qu'il est né le 16 août 1992 à Malmö, en Suède. "Vous avez dit que votre père était Syrien et votre mère Palestinienne. Mais votre père, lui, dit qu'il est Palestinien", s'étonne le président. Cheveux longs noirs, sweat-shirt zippé gris, masque sur le visage qui dévoilera plus tard une barbe et une moustache, l'accusé maintient que son père est Syrien. Sa grande sœur, qui vit à Malmö, est divorcée, a deux enfants et travaille à l'hôpital. Son petit-frère, lui, fait des allers-retours en prison, notamment pour des infractions aux stupéfiants. "Le beau-frère de votre sœur a été tué en allant combattre les Israéliens au Liban, c'est exact ?", demande le président. "Oui, peut-être", répond l'accusé aidé d'une interprète.

Ses études, il les a poursuivies jusqu'à ses 19 ans, s'est spécialisé dans la construction puis a travaillé dans ce domaine. "Je construis des routes", confirme-t-il. Se sentant "exploité" par la commune, il quitte son emploi puis revient plus tard chez le même employeur, mais fait cette fois "du transport de table, de chaises".  Son salaire ? 1300 euros avant son départ en Syrie. Tout a été dépensé selon lui. "Nous verrons plus tard comment vous êtes parti et avec quel argent", poursuit le président, qui s'autolimite dans ses questions du fait du "saucissonnage" du procès. 

"Vous auriez, vous aussi, fréquenté les casinos et gagné de l'argent ?", poursuit le président. L'accusé ne conteste pas. "J'avais des amis qui faisaient des choses illégales, ils me demandaient mon aide et je leur apportais. J'ai pas envie de parler de ça", explique-t-il peu après sur l'une de ses activités non déclarées. 

Sorties, alcool... "Tout sauf la drogue"

Célibataire sans enfant, Osama Krayem a entretenu une relation de trois ans avec une jeune femme avant son départ, mais n'a pas voulu donner ses coordonnées à la justice. Selon lui, la rupture n'a rien à voir avec son séjour vers la Syrie. Il a aussi joué au foot jusqu'à l'âge de 15-16 ans. Pour faire le lien avec le ballon rond, Jean-Louis Périès lui rappelle qu'il a "même dit" qu'il avait  "participé à un film" en Suède. "C'était en tant que footballeur ou...", interroge le président.  "Le film portait sur l'intégration des jeunes étrangers via le foot", détaille le Suédois. Dans la salle, on sourit.

Sur la suite, Osama Krayem confirme qu'il sortait en Suède, qu'il buvait de l'alcool "tout sauf la drogue". Il a ensuite rejoint la Syrie en 2014 puis regagné l'Europe par la route des migrants. Puis il a été arrêté deux ans plus tard, en avril 2016 après les attentats de Bruxelles. Il est soupçonné d'avoir voulu, comme le terroriste Khalid El Bakraoui, qu'il a accompagné le 22 mars 2016 dans le métro belge, se faire exploser dans le métro. Comme Salah Abdeslam, il n'a pas été au bout de sa mission et a renoncé. 

Il est détenu depuis avril 2016, d'abord en Belgique avant d'être transféré en France. À la maison d'arrêt, le détenu, dont le casier est vierge, est à l'isolement. Il fait du sport, se rend dans sa cour de promenade, apprend le français. Les surveillants le disent "calme", "soigné", parfois même"mélancolique". Ses proches le décrivent comme quelqu'un de "timide", "sensible", pacifiste". 

"C'est une affaire de terrorisme, quand même"

Il lui est pourtant reproché cinq infractions dans le cadre du procès des attentats de Paris, notamment la complicité de meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste, pour lesquelles il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il conteste les faits. 

Osama Krayem est entre autres soupçonné d'avoir fabriqué des explosifs. Mais quand la première assesseure  lui parle de sa visite à l'hôpital pour des brûlures aux mains suite à la manipulation de produits chimiques, il assure s'être brûlé avec les produits d'"un voisin qui travaillait dans le nettoyage des camions"

Quand l'avocate générale lui demande pourquoi il n'a pas voulu donner les coordonnées de ses comparses, il affirme que c'est pour qu'ils n'aient "pas de problème avec la justice ou dans leur famille". Et de commenter : "Ça va salir leur réputation. C'est une affaire de terrorisme, quand même." 

Quand maître Chemla, avocat de parties civiles lui demande s'il est "un meneur ou un suiveur", il assure "qu'il est un suiveur". Me Toppalof, elle aussi avocate de parties civiles, tente une question sur ses voyages, mais est vite stoppée par la limite de l'interrogatoire, lequel doit rester centré sur la personnalité. Idem pour Me Cechman, qui veut en savoir plus sur le beau-frère de sa sœur tué au Liban. Elle doit se rasseoir, car cela pourrait toucher à l'aspect religion. 

Outre les faits qui lui sont reprochés dans le cadre des procès des attentats du 13-Novembre à Paris et des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016 et pour lesquels il bénéficie de la présomption d'innocence, le parcours d'Osama Krayem, qui est aussi soupçonné d'avoir voulu commettre une attaque le 13 novembre 2015 à Amsterdam, pourrait donc sembler lisse, à en croire cet interrogatoire de personnalité. 

Le 3 septembre dernier, Le Monde révélait pourtant que le djihadiste suédois était visé par une enquête pour "crime de guerre" ouverte par la justice suédoise. Les enquêteurs l'ont identifié dans la vidéo de l’exécution d’un pilote jordanien, brûlé vif dans une cage début 2015, en Syrie. Osama Krayem a fini par admettre, durant l’instruction, qu’il avait bien participé à cette exécution. Mais les faits ne devraient pas être abordés avant janvier...


Aurélie SARROT

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