JUSTICE – Les auditions des victimes de l'attentat du Bataclan se poursuivent. Ce mardi, plusieurs d'entre elles ont témoigné de leurs calvaires, dont Guillaume, venu raconter comment il s'était retrouvé sur la scène, aux côtés de l'un des terroristes.
Il y a ces mots et ces groupes de mots qui reviennent douloureusement chaque jour comme des leitmotiv : "des bruits de pétards", "une odeur de poudre", "une odeur de sang", "des corps enchevêtrés", "des rafales", "des tirs au coup par coup", "des cris", "des râles" notamment. Puis, il y a tous les autres, qui font l'unicité de chacun des témoignages.
Depuis le mercredi 6 octobre, les victimes de l'attaque du Bataclan se succèdent à la barre pour raconter cette terrible soirée du 13 novembre 2015 au cours de laquelle elles ont côtoyé la mort et/ou perdu un proche. Parmi les parties civiles entendues ce mardi, Guillaume. "Je suis venu ici pour éclairer les zones d'ombre du commissaire de la BAC75 et de son collègue. Je suis celui que le terroriste Samy Amimour met en joue sur la scène ce soir-là. J'ai été sauvé in extremis par le commissaire de la Bac75N et son collègue. Sans eux, je ne serais probablement pas ici.", annonce ce jeune homme brun, chemise blanche et veste sombre en liminaire de son propos.
"Lève-toi sinon je te tire une balle dans la tête"
Ce soir-là, Guillaume, alors âgé de 21 ans, est venu avec sa petite amie Lucie au Bataclan pour écouter les Eagles of Death Metal. À 21h47, l'attaque commence. Le jeune homme a alors le réflexe de se réfugier "sous un amas de chaises et de cartons stockés dans un coin de la salle". "J’avais pour but d’aller vers une sortie de secours située selon moi derrière la scène", explique-t-il. Puis il entend deux terroristes sur le balcon qui crient quelque chose. Ils mentionnent François Hollande notamment. "Je ne saurais pas décrire précisément ce qui a été dit", précise-t-il à la cour.
Avec d'autres, Guillaume décide alors de s'enfuir. Mais dans sa fuite, il est stoppé net. "J’entends des bruits de pas sur un escalier en bois. Sur la scène où je suis, je croise le regard du troisième terroriste. Il me fait comprendre qu'il ne va pas me tuer. Il manipule bizarrement son arme", explique l'homme à la barre mimant le geste de l'assaillant avec un balancement de sa main de l'avant vers l'arrière. "On s’attendait à une posture un peu plus professionnelle" ajoute-t-il.
À ce moment, Guillaume a "la sensation que le terroriste voulait faire durer le moment". "J'ai cru comprendre dans le premier regard qu'il ne me tuerait pas. Il n’a pas dû croiser beaucoup de regards ce soir-là".
L'homme armé d'une kalachnikov lui lance alors : "Tu es avec nous. Lève-toi ! Lève-toi sinon je te tire une balle dans la tête". Guillaume monte sur la scène et c'est là qu'il réalise "l'étendue des dégâts" : "Sur scène, je me suis rendu compte de tout ce qui avait été fait, commis. Je suis alors les mains en l'air, tenu en joue par le terroriste. Il me demande d'aller relever une vieille personne accroupie. Le terroriste me dit : 'Aide ce fils de pute à se relever, on va voir s'il est mort'".
"Deux ombres bienveillantes"
Selon Guillaume, Samy Amimour "improvisait" dans son discours mais aussi dans la manière dont il allait l'utiliser lui, otage. "La façon dont il me parlait, beaucoup de gros mots, un langage familier, qui vient de la rue, qu'on entend tous les jours", énumère celui qui sur le moment avait cru à "une blague".
C'est alors qu'un autre terroriste, du haut du balcon, lui crie :" Eh toi, qu'est-ce que tu fous là?" "Il était surpris de nous voir sur scène, se souvient Guillaume. Amimour a dit: 'C'est bon il est avec nous. Et moi j'ai dit' : Je suis avec vous. C'était une façon d'apaiser l'excitation du balcon. À côté de moi, j'avais quelqu'un de détendu et calme".
Tout d'un coup, le jeune homme aperçoit "deux ombres bienveillantes" à l'autre bout de la salle. Il comprend qu'il s'agit de policiers. Le commissaire de la BAC75N et son collègue viennent d'arriver. Ils "neutralisent" Samy Amimour. Guillaume, lui, en profite pour sauter de l'estrade et sortir de la salle. "Je ressens le souffle d'une explosion. J'ai appris plus tard que c'était le gilet [du terroriste] qui avait explosé. Je suis parti pour me mettre en sécurité", détaille, dans un calme surprenant, celui qui n'a jamais eu de suivi psychologique après ces événements. "Le commissaire a été non seulement un sauveur pendant l'attentat mais aussi pour l'après", conclut Guillaume avant de faire part de sa "plus haute considération pour les forces de l'ordre ce jour-là".
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info