TÉMOIGNAGE - Le commissaire Christophe Molmy, patron de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) en 2015, revient sur l'intervention de ses équipes le 13 novembre 2015 dans la salle de spectacles du Bataclan.
C'est l'attaque terroriste la plus meurtrière que la France ait connu. Ce 13 novembre 2015, en moins d'une heure, plusieurs explosions et plusieurs fusillades sont perpétrées par un commando kamikaze au Stade de France, aux terrasses de plusieurs cafés parisiens et au Bataclan. Bilan : 130 morts et 360 blessés.
Christophe Molmy, alors patron de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention), regarde la télévision en famille quand il est alerté des événements. "Ce soir-là, en 33 minutes, Paris a été victime de huit attentats". "Les attaques étaient tellement éparses qu'on ne savait pas exactement où aller", continue le policier. L'équipe passe donc par "le 36", quai des Orfèvres, en plein centre de la capitale. "De là, on peut rayonner partout. On reprend du matériel, un bouclier lourd, des explosifs..."
Le commissaire Molmy et ses hommes sont envoyés rue de Charonne. En route, contre-ordre, direction le Bataclan. Il est 22h10-22h15 quand ils arrivent. "Quand on entre, on a une vision un peu déstabilisante. Parce que d'abord il n'y a pas de bruit, contrairement à ce que j'ai pu entendre. Il ne s'agit pas de dire aux gens : 'Sortez immédiatement !', car la menace n'est pas imminente. Personne n'est en train de leur tirer dessus, personne ne nous tire dessus. Et surtout, parce qu'on ne sait pas qui est dans la salle", relate le policier.
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"Ne pas ouvrir un feu nourri car il y a des otages au milieu"
Les hommes de la BRI mettent un quart d'heure pour faire le tour de la salle, avant de faire sortir les personnes valides et de les fouiller. Ensuite, les blessés légers. Puis les "très graves". Il n'est "pas loin de 23 heures" quand la BRI monte dans les étages. "On a trouvé des blessés, des gens tassés dans les toilettes, les faux plafonds, un placard électrique... Sûrement une bonne centaine, facile".
À 23h15, la colonne de la BRI bute sur une porte. Elle entend un otage hurler "de ne pas entrer", qu'ils sont plusieurs "menacés par deux terroristes avec kalachnikov et gilets explosifs". Un otage donne son numéro de téléphone à la BRI pour que le négociateur entre en contact avec les djihadistes. Lui et le psychologue sont rompus à l'exercice.
"Il est près de minuit. Mais dès le premier appel (...) on a vite compris qu'une reddition n'était pas possible". Christophe Molmy sort du Bataclan pour dire au préfet de police de Paris Michel Cadot sa conviction qu'ils n'arriveront "pas à faire sortir les otages autrement que par un assaut".
La décision d'y aller sans tarder est prise. Tout le monde se met en place dans la colonne, "les plus aguerris, qui étaient à l'Hyper Cacher, devant". Il y aura cinq appels en tout entre les assaillants et le négociateur, poursuit le commissaire Molmy. "Chaque fois qu'ils appelaient, il fallait s'arrêter". "Ça rebondit comme ça jusqu'à 00h18". Quelques secondes avant, nouvel appel des djihadistes, mais là, Christophe Molmy décide d'en profiter pour donner "le top de l'assaut".
Des otages ont été placés devant la porte pour la bloquer. Elle finit par céder. Premier échange de coups de feu. Les policiers tirent, mais trouvent devant eux un assaillant qui vide le chargeur de sa kalachnikov. 27 cartouches touchent le bouclier. La tactique de la BRI ? "Ne pas ouvrir un feu nourri parce qu'on avait des otages au milieu" insiste Christophe Molmy.
Les otages rampent jusqu'aux policiers, qui les extraient tout en continuant à avancer mètre par mètre. Mais il y a des petites marches que personne n'a vues, le bouclier de 80 kg, surnommé "Ramsès" ou" Sarcophage", bascule en avant, comme un "pont-levis".
"Il l'abat pour éviter une seconde explosion"
Le premier homme de la colonne ne s'arrête pas. Il n'y a plus rien entre lui et les deux terroristes. Il sort son arme et tire tout en avançant. "Il voit une ombre. C'est un des terroristes. Il n'attend pas qu'il tire, il lui tire dessus. Il le blesse. Le terroriste repart et il tombe au sol et en tombant au sol, il déclenche son gilet" se remémore le commissaire.
Le deuxième homme de la colonne BRI, aperçoit ensuite le deuxième terroriste qui est "blasté", soufflé, sonné par l'explosion. Il est assis le dos au mur. Manifestement, il cherche son détonateur. En légitime défense, il l'abat, pour éviter une seconde explosion. L'assaut est terminé. "Aucun [otage] n'a pris de tirs pendant l'assaut et on a réussi à tous les sauver", se rappelle-t-il.
Au total, les hommes de la BRI n'ont utilisé que 7 grenades et 11 cartouches. L'opération a duré moins d'une minute. Un assaut très bref, mais très violent. Un officier a été gravement blessé à une main pendant l'intervention.
Au total, 90 personnes ont perdu la vie dans la salle de spectacles et plusieurs dizaines ont été blessées.