Procès des attentats du 13-Novembre : le Bataclan était "une cible d'opportunité", selon l'ex-patron de la DGSI

Publié le 17 décembre 2021 à 18h01
Procès des attentats du 13-Novembre : le Bataclan était "une cible d'opportunité", selon l'ex-patron de la DGSI

JUSTICE – Un peu plus de six ans après les attaques terroristes de Paris et Saint-Denis, Patrick Calvar, ex-directeur de la Direction générale de la sécurité intérieure a témoigné ce vendredi devant la cour d'assises spécialement composée.

Il devait être entendu le 16 novembre 2016 après Bernard Bajolet, ancien directeur de la DGSE, mais retard faisant ce jour-là, son témoignage avait été reporté. C'est donc ce vendredi 17 décembre, dernier jour d'audience de l'année 2021 au procès des attentats de Paris, que Patrick Calvar, ancien patron de la DGSI, s'est exprimé devant la cour d'assises spéciale de Paris. 

 "J'ai servi pendant 40 ans au sein de la police nationale et j'ai lutté pendant 25 ans contre les terrorismes. Ces années ont été marquées par un certain nombre d'attentats qui ont fait de nombreuses victimes. Je pense à toutes ces victimes et je n'oublie surtout pas que le terrorisme islamiste tue d'abord des musulmans dans leur propre pays", indique le spécialiste dans son propos liminaire. 

Citant les attaques successives qui ont frappé la France au fil des ans, Patrick Calvar, 66 ans, costume sombre, chemise bleue et cravate, admet que tous ces attentats ont été "des échecs pour les services". "La mission première des services est d'en éviter la commission et nous n'avons pu le faire", regrette-t-il, alors qu'en 2015 la DGSI ne comptait que "3300 enquêteurs". Ils sont aujourd'hui 4700.  La porosité des frontières à l'époque n'a pas joué en la faveur des policiers non plus, avec "plus d'un million de personnes qui franchissaient et une absence de contrôle".  

Patrick Calvar précise aussi la situation telle qu'elle était en novembre 2015. Onze des personnes impliquées à divers degrés dans les attentats ou leur préparation étaient fichées S avant les attaques : Mohamed Abrini, Osama Krayem, Abdelhamid Abaaoud, les frères Fabien et Jean-Michel Cain, Samy Amimour, Ismaël Mostefai, Foued Mohamed Aggad, Chakib Akrouh, Abdellah Chouaa, et Najim Laachraoui. Pour la coopération internationale, la DGSI avait alors des relations avec plus de 100 pays. En novembre 2015, 1215 signalements avaient été faits aux autorités turques. 

"Nos mots ne consoleront jamais les victimes"

"Au matin du 13 novembre 2015, nous avions 568 individus français ou résidant en France présents sur zone syro-irakienne dont 199 femmes et 16 mineurs combattants, 247 individus de retour sur le territoire, 141 individus présumés morts, 256 individus en transit dans un pays tiers, 707 individus ayant exprimé l'intention de partir en Syrie. Soit au total, 1760 individus formellement identifiés ce à quoi il faut ajouter ceux que nous ne connaissions pas", détaille avec minutie l'ex-numéro 1 de la DGSI. Il ajoute que "156 enquêtes étaient ouvertes 957 individus visés, 275 interpellés, 131 écroués, 38 sous contrôle judiciaire, 18 filières démantelés depuis octobre 2013".

 "Je n'ai jamais pris la parole publiquement. Nos mots ne consoleront jamais les victimes, mais je voudrais qu'elles comprennent qui nous étions, comment nous travaillions", tient à ajouter Patrick Calvar dans sa déclaration spontanée.

L'objectif des terroristes : faire un maximum de victimes"

"Y avait-il des menaces particulières sur le Bataclan ?, interroge le président après les déclarations spontanées du témoin. "Je n'ai jamais eu connaissance de menaces réelles, acquises, quand j'ai pris mes fonctions (en mai 2012)", assure Patrick Calvar. 

Concernant Farouk Ben Abbes, il souligne que le Belgo-Marocain avait bénéficié en 2012 d'un non-lieu dans une enquête sur des projets d'attentats signalés en 2009 par les autorités égyptiennes, où la salle de spectacles du Bataclan apparaissait parmi les cibles.

"Chez les terroristes, les cibles sont souvent d'opportunité avec un seul objectif : faire le maximum de victimes et donc avoir un maximum d'impact sur la population. Regardez les cibles : Stade de France, terrasses, salle de concert. Ce qui s'est passé au Bataclan est malheureusement, tristement, pour moi une cible d'opportunité. Comme le Stade de France l'a été, comme les terrasses l'ont été", déplore l'ancien patron de la DGSI. 

L'avocate générale revient sur les propos des terroristes du Bataclan qui, dans la salle, le jour des attentats, ont dit attaquer la France en réponse aux frappes de la coalition en Syrie. "Comment peut-on dire ça alors qu'ils n'ont cessé de tuer jour après jour des gens dans leur propre pays ? Les islamistes tuent les musulmans avant tout", répète Patrick Calvar.

"Pourquoi les terroristes au Bataclan disent qu'ils frappent la France ? Car la France est intervenue. Ces revendications existent", insiste Me Nogueras. Patrick Calvar, ex-patron de la DGSI : "C'est l'expression de la haine la plus pure. Ces personnes haïssent ce que nous sommes".


Aurélie SARROT

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