Procès des policiers de la Bac 18 : "Avant je n'avais pas conscience de la gravité du blanchiment"

Publié le 9 février 2021 à 20h18, mis à jour le 9 février 2021 à 20h25
Procès des policiers de la Bac 18 : "Avant je n'avais pas conscience de la gravité du blanchiment"
Source : AFP/ Illustration

JUSTICE – Huit personnes, dont six policiers de la brigade anticriminalité du 18e arrondissement de Paris, comparaissent devant la 16e chambre du tribunal correctionnel jusqu'au 12 février pour corruption, trafic de drogue et blanchiment. Parmi eux, le principal protagoniste, un brigadier surnommé "Bylka".

"SI c'était à refaire, vu la tournure que ça a pris, je ne le referais jamais. Ces agissements ne sont pas compatibles avec la fonction de policier mais comme ces fonds viennent de commerçants et pas de trafiquants, concède Karim M. alias Bylka, depuis le box et au 4e jour de son procès … Pour moi, à cette époque-là, ça ne m'a pas trop interpellé. Après, avec le temps, j'ai conscience que c'est un délit et je n'aurais jamais dû faire ainsi avec ma fonction de policier". 

Jugé aux côtés de 5 anciens collègues de la BAC 18 et de deux ex-indics, qui eux comparaissent libres, Bylka (pour "Kabyle" en verlan), est notamment poursuivi pour corruption, trafic de stups, faux en écriture et blanchiment. Et c'est sur ce dernier point que s'est penché le tribunal ce mardi.  Entre 2015 et le 11 juin 2019, date de son interpellation, Karim M., 47 ans,  n'a fait aucun retrait bancaire. Il ne réglait que ses charges courantes en cash. Il disposait toujours d'espèces sur lui qu'il essayait de transformer en chèque ou  virement. 

"Juste pour rendre service"

L'accusation lui reproche ainsi d'avoir échangé 2450 euros en liquide contre un chèque de son cousin en janvier 2019, d'avoir obtenu un virement de 2000 euros de son collègue Aaron B., prévenu, en échange d'un remboursement en espèces, d'avoir proposé à son collègue Mehmet C. , prévenu aussi, d'endosser un chèque à son nom et de le rembourser en espèces après la vente d'une colonne de douche à 70 euros sur un site de e-commerce). 

Elle lui reproche également d'avoir voyagé en Algérie en payant ses billets et ses frais sur place en espèce, d'avoir reçu en août 2018, 23 000 euros d David E., lequel a indiqué être remboursé en liquide, d'avoir acquis un studio à Aubervilliers à 51 000 euros, avec notamment un apport de 19 000 euros provenant d'un gain PMU de son père. 

Il y a aussi ces 15 000 euros que Karim M. est allé chercher en espèces dans un café en Kabylie. "J'ai rendu service à un ami, Farid. Ce sont des gens très très bien, des commerçants pas des trafiquants. Je les ai conservés pour lui et je lui ai remis. Je les lui ai gardés le temps qu'il arrive. Juste pour rendre service. Je n'ai aucun intérêt à part leur rendre service dans ces opérations-là" promet Bylka, crâne rasé et vêtu d'un pull noir ce mardi. 

La présidente  Isabelle Prévost-Deprez  émet quelques doutes face à ces déclarations. "Vous êtes policier depuis longtemps, et vous, vous allez chercher 15 000 euros en espèces sans savoir d'où il proviennent en Algérie et à qui vous allez le donner. Vous servez d'intermédiaire pour la réception de 15 000 euros en espèces, c'est quand même étrange", fait-elle remarquer au quadragénaire qui ne la quitte pas des yeux. 

"Policier, banquier, investisseur", suivant les heures...

Concernant le petit studio de 23 m2 acheté 51 000 euros à Aubervilliers, la présidente demande à l'ancien policier de la BAC si cet investissement a été fait pour "avoir du rendement". "Absolument pas", assure le prévenu. 'Policier, banquier, et investisseur immobilier… C'est ça que je comprends sur les opérations sur le studio d'Aubervilliers, avec les 23 0000 euros". "Oui c'est un investissement pour le futur, je ne peux pas le nier", admet Bylka. 

Mais Isabelle Prévost-Deprez ne veut pas en rester là et veut en savoir plus sur ces "services" et  ces"achats". "Pourquoi cherchez-vous à faire des investissements? Vous avez de l'argent à placer? Vous avez des opérations immobilières à faire. On a l'impression que vous passez plus de temps à tout ça qu'à être policier. Cherchez-vous à investir de l'argent dans l'immobilier?" renchérit-elle. "Chercher à investir de l'argent non car je ne l'ai pas, mais chercher à faire de bonnes affaires, oui", déclare finalement Bylka.

Pour les faits qui lui sont reprochés, Bylka encourt jusqu'à dix ans de prison et un million d'euros d'amende. Le procès doit se poursuivre jusqu'à vendredi.   


Aurélie SARROT

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