Procès des policiers de la Bac 18 : "L'assurance pour les dealers, c'était du bluff", assure Bylka

Publié le 10 février 2021 à 22h24
Procès des policiers de la Bac 18 : "L'assurance pour les dealers, c'était du bluff", assure Bylka

JUSTICE – Le procès de six policiers de la BAC 18 et deux indics se poursuit jusqu'au 12 février. Parmi ceux considérés comme ripoux, Karim M. alias Bylka soupçonné d'avoir extorqué de l'argent et de la drogue à des dealers et d'avoir monnayé leur protection en leur faisant souscrire une "assurance".

Pour pourvoir continuer à travailler, pour bénéficier d'une sorte de protection, pour éviter les ennuis il fallait "payer l'assurance". C'est un informateur de la Brigade des stupéfiants qui le premier a indiqué à un policier que Karim M. alias Bylka  faisait cela.

Jugés aux côtés de cinq collègues et deux indics depuis le 3 février et jusqu'au 12 février, cet ancien braqueur aurait proposé ce service un peu particulier aux dealers et guetteur du quartier. Selon l'informateur, Bylka aurait perçu notamment 20.000 euros et deux montres Rolex de la part d'un trafiquant de drogue. Il assure même qu'il y existe une vidéo montrant cette prestation douteuse, mais celle-ci n'a jamais été retrouvée. "Il n'y a pas pu d'avoir de vidéo  car je n'ai absolument pas reçu d'argent ou de Rolex", contesteconteste Bylka, ce mercredi depuis le box, moulé dans un pull blanc. 

"On ne met pas dispositif sur ton business"

L'informateur n'est pourtant pas le seul à rapporter ce système. Dans une sonorisation enregistrée en avril 2019 dans le véhicule de la BAC 18 et diffusée à l'audience, on entend ainsi Karim M. héler un guetteur du quartier et lui dire : " Alors ça va ce soir, je ne vais pas te prendre en traitre, je ne vais pas tarder à te sauter (…) On ne travaille pas sans assurance sur la placette. Tu leur diras (aux dealers) on ne travaille pas sans assurance". 

Bylka lui déclare que "l'assurance pour les dealers, c'était du bluff".  "L'assurance dans leur tête c'est la protection policière. La protection policière, c'est un fantasme chez tous les dealers. Quand un dealer se fait attraper, il pense que les dealers d'en face travaillent avec la police", dit-il. 

"Ce mot 'assurance' je l'ai entendu dès mon arrivée à la BAC en 2015, pour moi ça voulait dire donner des informations. Tout policier quand on arrive à la BAC, on suit le mouvement", indique Aaron B. policier et prévenu. Jean-Baptiste B. autre policier jugé, dit lui que le système de l'assurance c'est :" Tu nous donnes des infos et on ne met pas de dispositif sur ton business". Puis il ajoute : "Pour moi c'est un moyen de pression sur les dealers. L'individu soit il marche avec nous, soit il sait que dans les jours à venir il va se faire interpeller". 

"Il avait pas l'air futé"

La Boule, guetteur, est une autre illustration de ce système d'assurance auquel il fallait souscrire à la Goutte d'or. En mai 2019, Karim M. et deux collègues Mehmet C. et Jean-Baptiste D. ont été le chercher dans le quartier et l'ont emmené avec eux faire un tour en voiture, le conduisant jusqu'à Aubervilliers avec eux pour "discuter" selon Bylka. 

"Vous dites avoir 'discuté' avec La Boule  (le guetteur) dans le véhicule de police. Ce monsieur est alors séquestré par trois policiers dans la voiture alors qu'il n'a commis aucune infraction, privé de sa liberté ? Pensez-vous vraiment que l'on puisse parler de discussion?", pointe la présidente de la 16e chambre Isabelle Prévost-Desprez. 

Le véhicule est sur écoute et la sonorisation a été diffusée elle aussi à l'audience. On y entend ainsi Bylka dire au guetteur : "Ma parole je te donne la placette-là tu vas faire du 'seille-o'. Écoute-moi bien, d'ici le mois d'août t'es refait, t'as ma parole. Tu as entendu parler de l'assurance?  (...) Franchement je ne te donne pas plus que ce week-end. La prochaine fois on va être obligé de te sauter".  "Si tu souscris à l'assurance t'es tranquille. Réfléchis mon pote", renchérit son collègue avant de lui suggérer de "passer dans le camp des gagnants"

"Manque de respect, voire du mépris"

La sonorisation est accablante. Pourtant,  Bylka garde sa ligne de défense: "C'est du bluff. Moi j'ai vu que La Boule était quelqu'un de vulnérable. Qu'il pouvait nous donner des informations sur ce terrain de deal. Mon but c'était d'obtenir des renseignements sur ce site où il y avait énormément de doléances. Nous on avait La Boule vulnérable, j'ai creusé dans ce sens-là . Il n'avait pas l'air futé. Sa vulnérabilité pouvait déboucher sur le nom de ses employeurs et le mode opératoire". 

La présidente rappelle alors que les policiers ont continué à parler, après avoir redéposé le guetteur. Les ripoux raillent l'individu, qui a "transpiré" tout le long de cette "promenade" et qui a laissé un fauteuil de la voiture "trempé". Ils parlent de lui "comme d'un clébard qui était tellement mignon". "Vous ne sentez pas que ce monsieur est un petit peu effrayé", interroge la présidente au policier Mehmet C, qui répond par la négative. 

La présidente poursuit : "Et ça veut dire quoi au-delà du contexte, au-delà du manque de respect, voire du mépris quand vous dites : 'J'avais envie de lui caresser la tête comme à un clébard' ?" Mehmet C.  tout penaud à la barre a du mal à répondre. "C'était une plaisanterie bête, idiote", reconnaît-il finalement. 

L'audience doit reprendre jeudi à 13h30 avec les plaidoiries des avocats de la partie civile et le réquisitoire. 


Aurélie SARROT

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