"Je ne suis pas un assassin" : les derniers mots de Salah Abdeslam au procès du 13-Novembre

Publié le 27 juin 2022 à 15h19, mis à jour le 27 juin 2022 à 15h36

Source : JT 13h Semaine

Les accusés ont pu, pour ceux qui le souhaitaient, s'exprimer une dernière fois ce lundi avant que la cour ne se retire pour délibérer.
Parmi ceux qui ont parlé, Salah Abdeslam a assuré qu'il n'était "pas un assassin".
Le verdict est attendu mercredi en fin d'après-midi ou dans la soirée.

Tous ont pris la parole sauf un, Osama Krayem, qui a fait usage de son droit au silence comme il le fait depuis plusieurs mois. Ce lundi, au procès des attentats du 13-Novembre, les 14 accusés présents sur les 20 jugés pouvaient s'exprimer une dernière fois avant que la cour ne se retire pour délibérer. 

À la barre pour ceux qui comparaissent libre ou dans le box pour les autres, certains ont clamé leur "innocence" parfois sans pouvoir contenir leurs larmes, exprimer des "regrets", "remercier leurs avocats", ou encore "condamné les attentats". Dernier à s'exprimer devant une salle comble, Salah Abdeslam a répété qu'il n'avait ôté la vie à personne. 

"Je vous ai présenté mes excuses"

Cheveux bruns coupés courts, barbe, fine doudoune beige à manches longues, le principal accusé adresse ses  "premiers mots pour les victimes". "Je vous ai présenté mes excuses et certains vous diront qu'elles sont insincères, que c'est une stratégie. Plus de 130 morts, Plus de 400 blessés. Qui peut présenter des excuses insincères face à tant de souffrance", lance calmement et distinctement celui qui s'était présenté en début de procès comme un "combattant de l'État islamique".

L'accusé, contre lequel la perpétuité incompressible a été requise, évoque ses conditions de détention, avec des "surveillants qui l'ont malmené". "Si on vous annonce la nouvelle de ma mort, sachez que je ne me suis pas suicidé. Ils prennent du plaisir à me faire du mal. On m'a harcelé jour et nuit. J'avais mal au ventre, je vomissais. J'ai cru qu'on m'empoisonnait", explique Salah Abdeslam qui avait alors l'appendicite. 

"On m'a trainé comme un chien jusqu'à l'hôpital. J'avais les menottes, on m'a mis une cagoule. Je frôlais la crise d'angoisse à chaque instant. J'avais l'impression d'être dans un cercueil, crucifié", poursuit-il. 

"Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur"

Le trentenaire raconte qu'on l'a ensuite "ramené dans cette enceinte après six ans d'isolement". "On m'a empêché de parler à qui que ce soit. C'était le choc social, je n'avais pas vu autant de monde depuis si longtemps. J'étais sur les dents, alors j'ai été un petit peu dur dans mes paroles et je le regrette. Je me suis apaisé, pas parce que j'ai entendu vos souffrances, mais parce que j'ai retrouvé ce semblant de vie sociale."

Puis se tournant vers la cour, Salah Abdeslam lance : "C'est avec l'épée du parquet sur le cou que je m'adresse à vous. L'opinion publique dit que j'étais sur les terrasses occupé à tirer sur les gens à la kalachnikov, l'opinion publique dit que j'étais au Bataclan à tuer des gens, vous savez que la vérité est à l'opposé". Pour l'accusé, "la France perd ses valeurs petit à petit pour laisser place à leur contraire. Les valeurs de la France s'effritent. Le parquet me l'a promis dans ces réquisitions."

"La perpétuité est peut-être à la hauteur des faits mais pas des hommes qui sont dans le box. Le président à rappeler dans cette enceinte que les accusés n'étaient pas dans le box. J'ai reconnu que je n'étais pas parfait. J'ai fait des erreurs, c'est vrai. Mais je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur. Et si vous me condamniez pour assassinats vous commettriez une injustice"", conclut Salah Abdeslam.

"Les assassins ne sont pas dans le box"

Invités à réagir après les derniers mots des accusés après l'audience, plusieurs avocats et parties civiles ont exprimé leur ressenti. Pour Philippe Duperron, président de l'association 13Onze15 et père de Thomas, décédé au Bataclan, a vu dans la parole des accusés "de la sincérité et de l'émotion pour tous". Concernant Salah Abdeslam, il déclare : "Nous ne savons pas encore si Salah Abdeslam restera le combattant de l'État islamique ou s'il redeviendra le petit gars de Molenbeek".

Bruno, rescapé du Bataclan, espère "réellement que ces hommes seront jugés à la hauteur de ce qu'ils ont fait et pas à la hauteur de l'événement en lui-même parce qu'effectivement, les assassins ne sont pas dans le box".

Pour Jean Reinhart, avocat de  l'association de victimes 13onze15 Fraternité-Vérité, avocat de parties civiles, et oncle de Valentin, décédé au Bataclan, "Salah Abdeslam est dans un discours évolutif, il est caméléon.(…) Il est un coauteur plein et entier des actes qui lui sont reprochés."

Olivier, rescapé du Carillon et ami de Sébastien Proisy, "mort de 7 balles"  estime qu'"on a vu que les affreux se sont transformés en Bisounours." "Pour ma part, il va être extrêmement difficile d'entendre les excuses et les regrets qu'ils ont pu formuler", confie-t-il. Concernant Salah Abdeslam, Olivier estime que "pour aller au bout du bout de la lutte contre l'islam radical, il faut l'enfermer (#Abdeslam) et l'enterrer à vie (…) Il faut le séparer de la société. La société a souffert et continue à souffrir de ces maux-là."

Georges Salines, père de Lola, tuée au Bataclan, considère qu'il " y a eu une évolution" chez Salah Abdeslam "mais pas au point que je puisse lui accorder le pardon". Pour autant, le papa endeuillé "ne souhaite pas que la peine maximale soit prononcée à son encontre".

Après dix mois d'audience, le verdict est attendu mercredi en fin d'après-midi ou dans la soirée.


Aurélie SARROT

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