Procès du viol du 36, quai des Orfèvres: "Je n'ai jamais cru aux déclarations d'Emily S." lance un policier de la BRI

Publié le 25 janvier 2019 à 19h35
Procès du viol du 36, quai des Orfèvres: "Je n'ai jamais cru aux déclarations d'Emily S." lance un policier de la BRI

Source : BERTRAND GUAY / AFP

JUSTICE – Le procès de Nicolas R. et Antoine Q. policiers, anciens de la BRI, jugés pour le viol d'une touriste canadienne dans les locaux du 36, quai des Orfèvres en avril 2014 se poursuit. Ce vendredi matin, Sébastien S. fonctionnaire de police à la BRI, est venu témoigner à la barre.

Il a été le destinataire du SMS "Dépêche Ca est une touzeuse", envoyé par Nicolas R. le 23 avril 2014 à 1h04 alors que ce dernier se trouvait dans son bureau du 36, quai des Orfèvres avec Emily S., touriste canadienne rencontrée quelques heures plus tôt au pub Le Galway. 

Ce vendredi matin, Sébastien C., 41 ans, est revenu sur la nuit du 22 au 23 avril 2014 devant la cour d'assises de Paris où sont jugés deux de ses anciens collègues  Nicolas R. et Antoine Q, pour le viol de cette jeune femme. Il était ce soir-là avec eux au pub. Il a bu des verres en leur compagnie. Puis comme certains, il a regagné les locaux du QG de la police judiciaire à Paris après avoir trinqué. La suite, sa version, il l'a livrée ce vendredi, affirmant avoir "toujours dit la vérité"  et qualifiant la plaignante de "menteuse".

"Elle gesticulait, elle était euphorique"

Souhaitant "faire part de tous ses souvenirs" à la cour, Sébastien C. est revenu sur ces moments. Dans le bar d'abord mais aussi la suite. "Après je me suis rendu dans mon bureau du 36 pour prendre des affaires et rejoindre Antoine Q. qui devait me ramener ce soir-là. Puis une personne est sortie du bureau d'en face, dénudée, elle ne portait pas de haut, elle gesticulait, elle était euphorique, explique-t-il. Ça m'a perturbé, la situation n'était pas commune. Puis Nicolas R. est parti. Ça a fait basculer la situation. Elle a changé de comportement, je pense qu'elle était déçue. Elle a parlé de vol. c'était difficile de la calmer". 

Comme ses collèges aujourd'hui jugés, il assure qu'Emily S. a accusé Nicolas R. de lui avoir volé sa "jacket à 500 dollars". "On est sorti des locaux, là ça n'était plus une plainte pour vol mais une plainte pour viol. Entre temps j'ai été récupéré sa veste au pub. La personne se fichait de sa veste, elle continuait d'accuser les collègues de viol J'ai appelé mon chef de groupe pour l'avertir. Voilà". 

"Je n'avais pas envie du tout de partouzer"

Le président, Stéphane Duchemin, revient, après cette déposition, sur le SMS, envoyé à 1h04, par Nicolas R. "J'ai reçu un texto à teneur sexuelle à savoir que c'était une "partouzeuse "Je lui ai dit que je n'avais pas envie du tout de partouzer, ni avec cette dame, ni avec d'autre. J'ai trouvé le texto décalé. Je voulais rentrer chez moi". Sébastien C. précise  qu'il n'était "pas du tout intéressé par cette femme" dont il avait remarqué la tenue au pub et ajoutera plus tard qu'elle n'est pas "son genre". "Le fait est que vous êtes arrivé quelques minutes plus tard...", reprend toutefois le président. A 1h09 en effet, Sébastien C. franchit la porte du 36. 

Le président évoque aussi ce deuxième texto envoyé par Amaury R. un collègue de la BRI : "Suite à notre petite soirée arrosée, Antoine, gamin et Nico ont monté une gonzesse au 36 pour la fourrer. Sauf qu’elle a déposé plainte pour viol".  Puis il demande au policier à la barre :"Gamin, c'est votre surnom?" Sébastien C. : "Oui. Mais, Je pense que c'est un raccourci qui n'est fondé sur aucune réalité déjà. Demandez à Amaury R. Je n'ai baisé personne et je n'ai rien fait à connotation sexuelle ce soir-là. Je pense qu'il manque d'objectivité ce message, c'est une mauvaise perception des choses. Je pense qu'il a cette perception des choses après le bordel qu'il y a devant le 36 quai à 2h du mat le 23 avril. Ça n'est pas fondé sur quelque chose de concret".

Une vidéo effacée

Stéphane Duchemin revient alors sur cette vidéo tournée à 1h16 avec l'iPhone de Sébastien C. Vidéo effacée et qui n'a jamais pu être reconstituée.  Sébastien S. évoque "un déclenchement intempestif "ou peut-être une "envie de filmer quelque chose en particulier qui a été stoppée sans pouvoir expliquer pourquoi". Mais il ne se souvient pas. 

- "Et la suppression de la photo?", demande Stéphane Duchemin.

- "Il n'y avait sûrement aucun intérêt à cette vidéo, j'ai du la supprimer. Je ne peux pas vous inventer la vérité. Il n'y avait rien d'exceptionnel à filmer", répond Sébastien C.

Et le président de commenter :"Si quand même... une fille qui arrive les seins à l'air dans votre bureau." 

" Le fantôme du 36"

Concernant la suite de la soirée, Sébastien C. parle de cette "plainte déposée pour un viol commis par 4 personnes" dans les locaux du 36. "Je n'imaginais pas des scènes aussi obscènes. Jamais je me dis que quatre jours plus tard j'allais me retrouver en garde à vue" lance Sébastien C. à la barre. 

Dans cette procédure, Sébastien C. été placé 48 heures en garde à vue, puis déféré. Il n'a pas été mis en examen mais placé sous le statut de témoin assisté. 

"Je n'ai jamais cru à ses déclarations à (Emily S.). Je n'y crois pas encore aujourd'hui. J'ai été bouleversé, traîné dans cette affaire sans le vouloir", dit-il. Et au sujet de cet ADN qui n'a toujours pas été identifié, il répond : "Le policier qui a laissé son sperme dans la culotte d'Emily S. soit il est parti en hélicoptère soit c'est un fantôme, le fantôme du 36 quai des Orfèvres!"

Il ajoute : "Cette affaire elle m'a coûté cher, j'ai tout perdu. Cette affaire est une merde.  Les policiers accusés aujourd'hui, ils  ont essayé de sauver leur carrière, leur vie familiale. Ce sont des gens passionnés. J'en ai les larmes aux yeux... Ils auraient pu servir au Bataclan ou à l'Hypercacher."

"Traumatisé par les femmes"

Depuis le fonctionnaire de police dit être "traumatisé par les femmes". "Je ne peux plus monter dans un ascenseur avec une femme seule, prendre le métro. J'ai peur. Elles pourraient raconter n'importe quoi".  Celui qui a été suspendu un an et demi affirme avoir été "broyé par cette affaire" et précise : "Et encore, j'ai retrouvé le poste que j'occupais à ce moment-là, non pas sans effort, je peux vous le dire." 

- "Monsieur l'avocat général a essayé de vous piéger sur des détails. Aujourd'hui c'est votre honneur qui est en jeu. Vous dites que vous n'avez jamais participé à un crime et que vous n'auriez jamais couvert un crime. Ce que dit Emily S. son accusation, est à l'opposé de ce que vous dites, relève Me Schapira, l'avocat de Nicoals R..  Elle dit qu'elle a été violée à plusieurs reprises, par quatre hommes dans deux bureaux, qu'on lui a imposé une fellation, qu'elle a été pénétrée. Elle ne parle jamais de blouson. Il est temps de nous dire la vérité. Emily S. Nous dit-elle la vérité, ou est-ce vous? 

- "C'est une menteuse monsieur, j'ai toujours dit la vérité, je la dirais jusqu'au bout de ce dossier. Je suis convaincu depuis le départ que c'est des fausses déclarations et que c'est une menteuse", conclura le témoin. Un peu plus tôt, Me Obadia, le conseil de la plaignante, avait fait remarquer à Sébastien C. qu'Emily S., qu'il qualifie de "fofolle", avait eu l'honnêteté  de dire qu'elle ne le reconnaissait pas. 

La jeune femme canadienne a été entendue cet après-midi.


Aurélie SARROT

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