Procès d'une filière djihadiste vers la Syrie : "Sur place, je passe du mythe à l'horrible réalité"

Publié le 2 décembre 2015 à 21h08
Procès d'une filière djihadiste vers la Syrie : "Sur place, je passe du mythe à l'horrible réalité"

JUSTICE – Les six hommes jugés au procès d'une filière d'acheminement de djihadistes vers la Syrie ont expliqué ce mercredi pourquoi, une fois arrivés là-bas, ils n'avaient eu qu'une envie, revenir en France. Ils ont également émis des critiques sur Salim Benghalem, sous le coup d'un mandat d'arrêt et jugé en son absence.

"Je suis parti avec l'intention de prendre les armes mais là-bas, c'est la réalité et la réalité, c'est pas ce qu'on croit". Paul a été le premier des six prévenus présents au procès d'une filière d'acheminement de djihadistes vers la Syrie à répondre ce mercredi aux questions du président de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Agé de 23 ans, il a effectué comme ses comparses originaires du Val-de-Marne un court séjour en Syrie en 2013. Paul a déclaré qu'il y avait une "éventualité" qu'une fois sur place il "puisse combattre". "Abdelmalek (lui aussi prévenu et considéré comme le bras droit de Salim Benghalem en fuite, ndlr) m'a proposé d'aller faire le djihad avec lui mais j'ai refusé. (...) On m'a proposé des entraînements aux explosifs mais ça ne m'intéressait pas", dit-il tout en restant évasif sur son séjour.

Pour arriver en Syrie, la plupart des hommes jugés depuis mardi et jusqu'au 7 décembre sont passés par Stuttgart, en Allemagne, destination la Turquie. Un passeur nommé Abou Jaffar est venu les chercher avant de les ramener dans un hangar près d'Alep. "Là, il y a une multitude de personnes, des civils, des combattants, des armes, des kalachnikovs, un lance-roquettes…", détaille Medhi, autre prévenu qui dit avoir été "séduit" par la Syrie après avoir vu des vidéos "sur Facebook" et "sur Youtube".

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Selfies, écoutes téléphoniques, clé USB…

Tous affirment être allés en Syrie pour "aider le peuple syrien", et "faire de l'humanitaire". Des déclarations qui peinent à convaincre le président, Denis Couhé, qui rappelle qu'aucun ne s'est engagé auprès du Croissant-Rouge. Il s'appuie alors sur des photos, dont des ies, de certains avec des kalachnikovs. Et reprend des extraits d'écoutes téléphoniques où il est question entre autres d'armes et d'explosifs pour démonter leurs arguments qui, pour lui, ne tiennent pas la route.

Sur les six prévenus, seul Abdelmalek est resté longtemps en Syrie. Les autres ont pour beaucoup écourté leur séjour. "Sur place, on passe du mythe à la réalité. Du mythe à l'horrible réalité. On réalise qu'à tout moment, on peut y passer… Je peux vous assurer qu'il y a une différence entre une vidéo Youtube et ce qu'on voit là-bas", insiste Medhi en ajoutant qu'il est "très compliqué de repartir" de Syrie. Il invoquera la "maladie" pour pouvoir rentrer en France. Karim, lui, dit avoir "préparé une ruse pour regagner la frontière"puis l'Hexagone.

Et Benghalem dans tout ça…

Quelle était alors la relation de chacun avec Salim Benghalem ? Ce dernier, apparu dans une vidéo en février dernier dans laquelle il fait l'apologie des attentats commis à Paris en janvier et exhorte ses frères à suivre le chemin des Kouachi et de Coulibaly, est perçu comme le chef de file de cette filière.  "Je désavoue tout le mal qu'il a fait et tout le mal qu'il compte faire" a déclaré Abdelmalek à son sujet en répondant à une question du président. "Ce qu'il a dit, ça fait peur" a jugé Paul.

Younes dit lui avoir pris connaissance des propos tenus dans la vidéo "avec effroi", "quoi qu'il en soit, j'ai rien à voir avec lui", "il était pas comme ça avant". Selon lui, "un tel degré de folie peut être atteint si la personne reste des années" en Syrie. "Il trouvera aucun texte qui légitime ces propos, ces actions". Même explication reprise par Medhi, qui a évoqué une "barbarie, une déshumanisation qui est progressive". Lui ne voit "pas comment on défend la religion" en tuant des "gens en terrasse", allusion aux attentats sanglants du 13 novembre à Paris.

De dix à vingt ans de prison

Inscrit sur la liste des djihadistes recherchés par les Etats-Unis, Salim Benghalem est sous le coup d'un mandat d'arrêt international, et est considéré comme l'un des bourreaux de l'organisation Etat islamique (EI). Il a fréquenté le groupe des Buttes-Chaumont où il a rencontré les frères Kouachi et Amédy Coulibaly, les auteurs des attaques de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher. Il a également été avec Mehdi Nemmouche, le tireur présumé du Musée juif de Bruxelles, un des geôliers des quatre journalistes français libérés en avril 2014 après avoir passé dix mois comme otages en Syrie.

Déjà condamné à cinq reprises dans des affaires de stupéfiants, de violences, mais aussi à onze ans de prison pour tentative de meurtre, il se trouve en état de récidive légale et encourt vingt ans de prison, le double des six autres prévenus. Selon le journal Le Monde, Salim Benghalem a été ciblé le 8 octobre par un bombardement de l'armée française à Raqqa, le fief de l'EI en Syrie.

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La rédaction de TF1info

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