Procès Jawad Bendaoud : "La bête immonde du terrorisme se nourrit de gens comme vous"

Publié le 1 février 2018 à 21h01, mis à jour le 2 février 2018 à 9h10
Procès Jawad Bendaoud : "La bête immonde du terrorisme se nourrit de gens comme vous"
Source : AFP

JUSTICE – Les plaidoiries des avocats des parties civiles qui avaient débuté mercredi se sont poursuivies ce jeudi au procès de Jawad Bendaoud, Mohamed Soumah et Youssef Aït-Boulahcen. Aucune des robes noires représentant les victimes n’a cru aux différentes versions données par les trois prévenus pour expliquer les événements survenus mi-novembre 2015.

Depuis mercredi après-midi et jusqu’à vendredi soir, ils se relaient pour plaider. Ce jeudi, plusieurs avocats des parties civiles ont pris la parole dans l’enceinte de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris où sont jugés Youssef Aït-Boulahcen, Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah. 

Plus de 500 personnes se sont constituées parties civiles dans ce premier procès en lien avec les attentats commis à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015 . Tour à tour, leurs représentants ont déconstruit les versions données par les prévenus, poursuivi pour le premier pour "non-dénonciation de crime terroriste", et pour "recel de malfaiteurs terroristes" pour les deux autres. 

Youssef Aït-Boulahcen était au courant

Ainsi, dès mercredi, plusieurs des avocats représentant les victimes ont abordé le cas de Youssef Aït Boulahcen. L’homme qui cache son visage en permanence pour ne pas  être croqué par les dessinateurs de presse et qui a changé de noms depuis les tragiques événements de 2015, affirme qu’il ignorait tout des personnes que voulait héberger sa sœur Hasna quand elle l’a appelé le dimanche 15 novembre, deux jours après les attaques sanglantes. 

Mais pour les enquêteurs de police comme pour les avocats des parties civiles, Youssef Aït Boulahcen savait qu’Hasna lui demandait de l’aider à trouver une planque pour leur cousin Abdelhamid Abaaoud et son comparse, Chakib Akrouh. En attestent, selon eux,  les nombreuses conversations  téléphoniques ("36" le 15 novembre) entre Youssef et sa soeur ou encore le surnom "d’Hamid" enregistré dans une conversation et qu’ils étaient les seuls à utiliser pour désigner Abaaoud" a rappelé mercredi Me Chemla. "Il savait qui était son cousin, il savait de quoi il était capable, et qu’il s’apprêtait à passer à nouveau à l’acte", a affirmé sa consœur Me Giffard. 

Soumah "intervient pour exécuter les ordres venus de Belgique"

Me Josserand-Schmidt a elle rappelé que c’est Mohamed Belkaïd , qui, depuis la Belgique, avait appelé Hasna Aït-Boulahcen le 15 novembre pour trouver une planque à Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh après les attentats. Mohamed Soumah,  affirme depuis toujours qu’il a rencontré "Hasna par hasard le 16 novembre"  alors qu’elle cherchait de la drogue. Elle lui aurait également demandé un toit après que sa mère l’a virée de chez elle. Lui, aurait accepté de l’aider pour la "baiser" comme il l’a répété à maintes reprises durant le procès. 

Balivernes pour Me Josserand-Schmidt qui ne croit pas du tout que les deux êtres se soient rencontrés pour la première fois le 16 novembre : "Mohamed Soumah intervient à chaque étape de l'organisation de la planque d'Abdelhamid Abaaoud et de Chakib Akrouh. Il intervient à chaque étape, pour exécuter les ordres venus de Belgique. "Il est totalement invraisemblable qu'Hasna Aït-Boulahcen ait utilisé Mohamed Soumah sans rien lui dire de son objectif d'héberger son cousin"

L’avocate lit alors la retranscription d'une écoute du 17 novembre 2015 d’une conversation entre Hasna Aït Boulahcen et Mohamed Soumah : "‘Mon frère, ce que t'as fait hier, je te jure, tu es un bon'".  Qu'est-ce qu'il a fait, Soumah? Il a trouvé un appartement pour héberger Hasna et Abaaoud et Akrouh" a-t-elle commenté

"Pour l’argent, Mohamed Soumah aide Hasna Aït-Boulahcen, il la guide, il la conseille, il la met en relation avec Jawad Bendaoud. Il l'assiste dans sa mission pour cacher des terroristes. Il ne fait pas que donner le numéro d'une connaissance",   a plaidé  pour sa part sa consœur Me Rimailho. 

Les "mensonges patents" de Jawad Bendaoud

Puis les avocats ont dénoncé les "mensonges" du "logeur de Daech". "Ce n'est pas possible que pendant 4-5 jours, monsieur Bendaoud ne savait rien des attentats (..) Je ne crois pas un seul instant qu'il était au courant de rien et qu’il ne savait pas ce qu’il se passait en dehors de son squat et de sa coke", a commencé Me Héléna Christidis. Elle et ses confrères ont repris les centaines d’appels, sms ou tentatives de contact entre Jawad Bendaoud et divers interlocuteurs entre le 13 novembre et le 18 novembre, jour de l’assaut à Saint-Denis. 

Dénonçant les "mensonges patents" du "logeur de terroristes", Me Georges Holleaux a insisté sur cet appel de 3,31 minutes que Jawad Bendaoud a passé le 16 novembre dans la soirée à Hasna Aït Boulahcen. Le prévenu avait affirmé qu'il était tombé sur le répondeur de la jeune femme, mensonge encore pour l'avocat qui s'appuie sur des fadettes. "Pendant ce temps-là, Hasna n'était pas du tout seule, elle était dans le buisson", où se cachaient Abdelhamid Abaaoud et son complice Chakib Akrouh, a expliqué l'avocat, envisageant que le prévenu ait alors pu parler aux djihadistes.

L’avocat a également mis en avant cette conversation entre Jawad Bendaoud et sa mère, le 18 novembre 2015 à 6h45, alors que l’assaut avait été donné rue du Corbillon à Saint-Denis. 

Sa mère : "Ils ont dit à la télé qu’ils avaient arrêtés des terroristes à Saint-Denis , rue du Corbillon"

Jawad :  "Ils sont hébergés chez moi, rue du Corbillon"

Sa mère : " Tu nies tout (…) Tu n'as qu'à dire que tu étais chez nous"

Jawad : "Ce sont des terroristes, ils viennent de Belgique et ils sont hébergés chez moi'"

"Vas-y, qu’est-ce que tu racontes, là?"

Me Maktouf qui lui a succédé a regretté le "manque de courage", « la manque de respect de la vie humaine », des trois prévenus qui n’ont pas appelé la police pour dénoncer ces terroristes. Pour deux d’entre eux, dans le box, elle a regretté que "l’appât du gain" l’ait emporté sur le reste. 

"Vous n’êtes certes pas aujourd’hui dans ce box pour les attentats du 13 novembre mais la bête immonde du terrorisme se nourrit de gens comme vous",  a conclu Me Didier Seban s’adressant à Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah. Chacun va amener sa petite pièce à ce réseau. Comme une hydre qui se nourrit de gens comme vous. (…) Vous sortez à peine de prison l’un et l’autre que vous avez à peine recommencé la délinquance". 

Dans le box, les prévenus font des gestes de protestation, s’agacent. "Monsieur Soumah vous vous calmez s’il vous plait! ",  a alors lancé la présidente Isabelle Prévost-Desprez au prévenu qui venait de dire à l’avocat : "Vas-y. Qu’est-ce que tu racontes là?"

L'audience reprendra vendredi à 13h30, avec la fin des plaidoiries des parties civiles. 


Aurélie SARROT

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