La figure d'Emmanuel Macron cristallise les tensions, suite à l'adoption de la réforme des retraites.Un mannequin à son effigie a été frappé et brûlé à Grenoble, lors d'une manifestation, le 24 avril.Une enquête a été ouverte pour retrouver les auteurs de ce geste.
Rassemblés lundi à Grenoble (Isère), des manifestants ont brûlé un mannequin à l'effigie d'Emmanuel Macron après l'avoir au préalable roué de coups. Une scène filmée par la chaîne locale Télégrenoble et qui a conduit à l'ouverture d'une enquête par le parquet pour "outrage à personne dépositaire de l’autorité publique".
Des faits passibles, selon le procureur de la République de Grenoble Eric Vaillant, d'une peine d'emprisonnement d'un an et de 15.000 euros d'amende. Mais des spécialistes du droit estiment qu'il est peu probable que les manifestants visés puissent faire l'objet d'une condamnation.
Une protection de la CEDH
Enseignant en droit des libertés à Sciences Po et à l'université d'Évry, Nicolas Hervieu a donné son avis sur la décision du parquet de Grenoble. À ses yeux, des poursuites à l'égard des manifestants ne pourraient pas aboutir. Il se réfère à une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), datant de 2008. À l'époque, celle-ci a"jugé que brûler en place publique l'effigie d'un monarque", en l'occurrence le roi d'Espagne, était "protégé par la liberté d'expression". Un tel geste relève de "l'expression symbolique d'une insatisfaction et d'une protestation" d'ordre politique aux yeux de la CEDH, de quoi constituer une jurisprudence.
Le spécialiste explique à TF1info que "le précédent en Espagne est totalement transposable au droit français", en particulier du fait que "le président de la République français occupe des fonctions électives". Cela "renforce du point de vue de la jurisprudence le droit de critique politique", assure Nicolas Hervieu. "On peut penser que ce n’est pas de très bon goût", glisse l'enseignant, "mais d’un point de vue de juriste, on peut assurer que ce genre d’acte est protégé". A fortiori parce que "les gens ici l’ont fait dans un cadre politique, dans un contexte de débat d’intérêt général".
Est-ce que le droit français, qui prévoit des peines pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, pourrait être appliqué malgré tout ? "La réponse est non, car la Cour de cassation française a, à plusieurs reprises, montré qu’une infraction pénale telle que la diffamation ou l’outrage pouvaient être exemptes de condamnations pénales au titre de la liberté d’expression". Le cas le plus récent, note-t-il, "est celui d'une campagne d’affichage réalisée par un militant antivax qui comparait Emmanuel Macron à Hitler ou Pétain". Sa condamnation initiale a été "finalement levée". On se souvient aussi d'une condamnation de la France par la CEDH, dans le cadre d'une affaire remontant à 2008. À l'époque, un homme qui avait brandi une affichette "casse-toi pov' con" ciblant Nicolas Sarkozy avait été poursuivi. Une condamnation jugée par la suite abusive et "disproportionné" par l'instance européenne.
Pour la CEDH, le fait de brûler l'effigie d'un élu dans le cadre d'une manifestation publique "ne constitue pas une menace directe envers la personne", glisse Nicolas Hervieu, "mais est plutôt perçue comme une critique envers la politique qui est menée". Il ne s'agit ici pas d'un appel à la haine ou à la violence, "malgré la violence symbolique". Si les manifestants avaient proféré des menaces directes à l'encontre du chef de l'État, la situation serait néanmoins tout autre. "L’appel à la violence directe est différent", résume l'enseignant en droit. "Plus on se rapproche de la menace d’une violence physique, plus c’est répréhensible." Au contraire, "plus on reste dans la critique symbolique de la personne qui incarne le pouvoir, plus on est protégé".
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