Qui sont les "Chibanis", ces cheminots marocains qui ont fait plier la SNCF ?

Publié le 31 janvier 2018 à 20h14
Qui sont les "Chibanis", ces cheminots marocains qui ont fait plier la SNCF ?
Source : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

HISTOIRE - Embauchés par la SNCF dans les années 1970, les "Chibanis" ont fait le même travail que les cheminots de nationalité française pendant des années. Sans pouvoir bénéficier du même statut, ni de la même retraite. Ce mercredi, la cour d'appel de Paris a condamné la compagnie ferroviaire dans l'affaire des 848 Chibanis qui la poursuivaient pour discrimination.

Les "Chibanis" ("cheveux blancs" en arabe) désignent les quelques 2.000 Marocains embauchés par la SNCF entre 1970 et 1983, majoritairement comme contractuels. La plupart d'entre eux ont été recrutés directement au Maroc. Les sélections et visites médicales étaient organisées surtout dans les régions qui avaient fourni des hommes vaillants lors de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de Chibanis ont signé leur contrat à l’Office national de l’immigration de Casablanca avant de faire plusieurs jours de bateau et de train pour arriver gare d’Austerlitz à Paris.

S'ils ont fait le même travail que leurs collègues de nationalité française, ils n’ont pas bénéficié du même "statut" plus avantageux des cheminots, réservé aux ressortissants européens, sous condition d’âge. La suppression de cette clause de nationalité a notamment été demandée par le syndicat SUD-Rail, au côté des plaignants depuis le début.

Une retraite à 1000 euros, des concours internes plus difficiles à réussir

Ainsi, une partie de ces cheminots a raccroché sans bénéficier des mêmes avantages que les cheminots français, ni de la même retraite. A l'AFP, Aziz a avoué avoir eu un "grand choc" quand il a découvert le montant de sa retraite de base : 1004 euros. Il a également expliqué que les Chibanis n'avaient pas les mêmes chances d'évoluer. Lui a, par exemple été refoulé à des examens interne sans qu’on lui dise pourquoi. 

Brahim Ydir, un des plaignants, a assuré à l'AFP : des "contractuels sont partis (en retraite) à 65 ans, alors que les cadres permanents sont partis à 55 ans". "On a travaillé dix ans de plus" qu’eux avec des salaires inférieurs, sans avoir "le droit de monter les grades" ni d’avoir accès "aux soins gratuits".

Finalement, après un long combat, ils ont "gagné" contre la SNCF, puisque la cour d’appel de Paris a condamné mercredi la compagnie ferroviaire dans l’affaire des 848 Chibanis qui la poursuivaient pour discrimination. Une centaine d'entre eux étaient présents ce mercredi l'audience. Ils ont porté en triomphe leur avocate Clélie de Lesquen-Jonas qui leur a annoncé "la confirmation des condamnations pour discrimination obtenues en première instance en matière de carrière et de retraite", "en plus des dommages et intérêts pour préjudice moral" et "préjudice de formation".

Les Chibanis réclament 628 millions d'euros

Après moult renvois et plus de douze ans de procédure, la quasi-totalité des plaignants avaient obtenu gain de cause devant les Prud’hommes en septembre 2015. Mais l’entreprise avait fait appel de cette décision. Cette fois-ci, les avocats de la SNCF ont dit qu'ils allaient "étudier les décisions prises par la Cour d’appel pour chacun des 848 dossiers" et  qu'"à l’issue de cette analyse, SNCF Mobilités se réserve le droit d’un éventuel pourvoi en cassation".

 

Il est impossible dans l’immédiat de connaître le nombre précis de cas de discriminations reconnus, ni le montant total des dommages et intérêts. Ces derniers pourraient avoisiner 180 millions d’euros, contre 170 prononcés en première instance. Les Chibanis ont demandé 628 millions d’euros en tout pour différents préjudices (carrière, retraite, formation, accès aux soins, santé…) soit "700.000 euros par demandeur" selon la SNCF.


La rédaction de TF1info

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