DROITS DE L’ENFANCE - Une jeune maman de 30 ans est séparée depuis plus d’un an de ses trois enfants, après avoir indiqué au corps médical qu’elle les pensait atteints d’autisme. Alors qu’on lui reproche d’avoir inventé ces troubles autistiques, elle se bat aujourd’hui pour récupérer son droit de garde. Une affaire complexe à nouveau examinée par le juge des enfants ce mercredi 8 juin au tribunal de Grenoble.
"Je ne sais pas comment elle va tenir si on ne lui rend pas ses enfants". Sophie Janois, avocate parisienne spécialisée dans le droit de la santé et de l’autisme, est pessimiste. Elle appréhende cette nouvelle audience prévue au tribunal de Grenoble (Isère), devant le juge des enfants. Ce mercredi 8 juin, dans la matinée, sera décidé le prolongement ou non du placement des trois enfants de Rachel, jeune maman de 30 ans. Son avocate, désabusée, confie à metronews, qui l’a contactée à la veille de la comparution : "Je sais qu’on y va pour rien".
C’est que le combat de Rachel, pourtant soutenue par plusieurs associations, dure depuis plus d’un an. Un an de décisions judiciaires qui ne laissent jamais entrevoir l’espoir d’une réunion entre cette mère au foyer, originaire de Saint-Marcellin en Isère, et ses bambins âgés de cinq à dix ans. La descente en enfer commence lorsque Rachel, aux médecins qui suivent l’un de ses fils pour troubles envahissants du développement (TED), fait part de son intuition. Elle pense que ses trois enfants souffrent de troubles autistiques. "Le plus jeune est agité, la grande un peu isolée", détaille son avocate. "Elle remarque ces troubles parce que c’est une bonne mère !"
Une visite tous les quinze jours
Le problème, c’est que suite au signalement de l’hôpital, une experte pédopsychiatre dépêchée par le tribunal lui donne tort. Dans le rapport de cette femme médecin, aucun signe d’autisme n’est relevé chez les enfants de Rachel. Comment expliquer alors les doutes de la maman ? La réponse, pour le juge des enfants, tient en quatre mots : Syndrome de Münchhausen par procuration . En clair, on la soupçonne d’avoir fait passer ses enfants pour malades, sans raison. D’en avoir donné "une représentation invalidante et alarmiste sans aucun fondement médical, ce qui leur est préjudiciable". En clair, d'avoir inventé leurs troubles autistiques pour attirer l'attention.
Depuis, les deux garçons de Rachel sont placés en pouponnière. Sa fille aînée, âgée de 10 ans, vit quant à elle en maison d’accueil, séparée, donc, de ses deux frères. Une fois tous les quinze jours, leur maman les retrouve dans un centre d’accueil, pour une visite sous surveillance, comme son ancien compagnon, qui, quant à lui est favorable au placement de ses enfants. Et les autres expertises, menées par un collège de médecins du centre ressources autisme de Lyon, qui reconnaissent dans les enfants de Rachel des troubles autistiques, n’y changent rien. Inutile aussi, le rapport du professeur Joaquin Fuentes, pédopsychiatre pour enfants et adolescents et membre de l’association internationale de psychiatrie, pour qui le constat est très clair : une maman atteinte du Syndrome de Münchhaunsen par procuration ne fabule pas sur l’autisme. "Ces mamans-là donnent des médicaments à leurs enfants jusqu’à les tuer" résume Sophie Janois, l’avocate de Rachel.
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"Le procès de l'ignorance"
Et le conseil de la jeune maman de reprendre : "Cette affaire relève d’une erreur judiciaire. Ma cliente est totalement diabolisée. Elle-même est autiste Asperger, ce qui peut expliquer son ton monocorde et sa prise de contact froide, sans émotion." Mais le seul vrai problème, selon maître Janois, c’est "le manque de formation, en matière d’autisme, des professionnels de justice, de santé et de la petite enfance". "C’est le procès de l’ignorance", reprend-elle. Le constat est le même du côté de l’association "Envol Isère autisme", dont la présidente, Ghislaine Lubart, évoque auprès de metronews "une affaire qui devient emblématique".
Car si la situation de Rachel peine à évoluer, elle a au moins le mérite de mettre en lumière ce que les associatifs nomment "le placement abusif des enfants autistes". "En France, il y a de plus en plus de signalements" relève encore Ghislaine Lubart. "Sur les 42 critères qui peuvent déclencher le signalement d’un enfant à la justice, 25 se retrouvent sur les enfants autistes. Récemment, j’ai assisté au signalement d’un enfant qui s’isolait dans la cour d’école et se bouchait les oreilles. Il a été diagnostiqué autiste et finalement laissé à ses parents, heureusement. Mais c’est un gros problème que les experts judiciaires et les professionnels de l’ASE (Aide sociale à l’enfance, ndlr) ne soient pas sensibilisés."
Besoin de formation
En novembre 2015, un rapport du Défenseur des droits préconisait une formation des différents acteurs de l’enfance et du handicap, pour mieux faire face à des situations nourries d’incompréhensions réciproques. Force est de constater qu’aucune mesure concrète, depuis, n’a suivi.
Contactée par metronews mardi pour évoquer ce dossier, l’Aide Sociale à l’Enfance du département de l’Isère, qui a rédigé des rapports en faveur du placement des enfants de Rachel, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
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